dimanche 31 janvier 2010

L'Écornifleur de Jules RENARD par WILLY



Jules Renard, le style...

Le Nouvel Echo, 1er mars 1892


L'Ecornifleur, par J. Renard (chez Ollendorff, Paris, 1892)

Ce jeune homme, nullement intrigant, devient l'ami des Vernet, cossus bourgeois quadragénaires, rénove leurs conversations, anime leur vie, se laisse emmener à la mer, s'occupe des bagages, dirige la conscience littéraire de madame, dit quelques impertinences, écoute de monsieur la relation d'imaginaires équipées, fait des vers, les récite, joue avec la nièce de ses hôtes, lui apprend à nager, la viole à demi, et, comme il était déjà un peu l'amant de madame, et qu'il n'a pas le goût des grandes situations, il part, regretté de tous. L'Écornifleur, dont l'affabulation importe peu, est écrit en cinquante-cinq laconiques chapitres ; récit à la première personne, interrompu par des dialogues disposés comme dans les brochures de pièces. Le ton : un assez joli cynisme, une drôlerie aiguë et brève, un pince-sans-rire très travaillé. - Myriade de notations ténues, caractéristiques toujours. Style net, preste, maigre, auquel s'incorporent jovialement les idiotismes du langage familier. Un peu de Vallès. Des paysages en trois mots. Des silhouettes, celles, si l'on veut, de ces marins « cuivreux, avec des barbes comme des herbages »... « sous leurs capotes enduites d'huile cuite »... « trempés et laissant, les bras écartés, s'égoutter leurs doigts. »

Willy.



Willy dans Livrenblog : Cyprien Godebski / Willy. Controverse autour de Wagner. Les Académisables : Willy . Une photo de Mina Schrader, esthéte et anarchiste. Willy, Lemice-Terrieux et le Yoghi. Romain Coolus présente quelques amis. Colette, Willy, Missy - Willy, Colette, Missy (bis). Pourquoi j’achète les livres dont personne ne veut ?. Le Chapeau de Willy par Georges Lecomte. Nos Musiciens par Willy et Brunelleschi. Nos Musiciens (suite) par Willy et Brunelleschi. Willy l'Ouvreuse & Lamoureux. Quand ils se battent : Willy et Julien Leclercq. Willy préface pour Solenière par Claudine. La Peur dans l'île. Catulle Mendès. Léo Trézenik et son journal Lutèce. Willy Publicité littéraire. Coup de Filet par Les Veber's. En Bombe avec Willy. Claudine-Polaire, Willy, Mécislas Golberg par Alphonse Séché


Les chroniques de Jules Renard, reprisent sur Livrenblog : Vamireh, roman des temps préhistoriques par J. H. Rosny Baisers d’ennemis par Hugues Rebell La Force des choses par Paul Margueritte Les Emmurés, roman par Lucien Descaves Bonne Dame d'Edouard Estaunié Les Veber's L'Astre Noir par Léon–A. Daudet Le Roman en France pendant le XIXe siècle par Eugène Gilbert (Plon).

samedi 30 janvier 2010

Alcanter de BRAHM




Alcanter de Brahm, de son vrai nom Marcel Bernhardt, (1868-1942).

Comme nous l'avons vu dans le billet précédent, la Revue littéraire de Paris et de Champagne, en janvier 1905, commence la publication d'une série de courtes biographies d'auteurs classés par leurs origines régionales. René Aubert et Henri Marsac vont se pencher sur trois auteurs Alsaciens, dont deux amis : Emile Straus et Alcanter de Brahm. La carrière des deux hommes étant intiment liée, après celle d'Emile Straus, je donne la notice biographique d'Alcanter de Brahm :

Alcanter de Brahm.

Né à Mulhouse en 1868, il fit ses études à Paris, au collège Chaptal et au lycée Condorcet, rédigea une feuille éphémère avec son compatriote Emile Straus, et débuta en 1887, à la Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg. Il collabora ensuite à la Vie franco-russe, mais un emploi au ministère des finances, puis trois années de service militaire, interrompirent ses travaux littéraires. Rentré au foyer, besognant à l'Assistance publique, il occupa courageusement ses loisirs à poursuivre sa vocation littéraire, publiant un recueil de vers du genre montmartrois : Les Chansons poilantes, puis un roman dépeignant une certaines jeunesse sans scrupule, à qui tout est bon pour réussir : l'Arriviste (I), dont le titre lui fut pris, plus tard, par Félicien Champsaur.
Un des fondateurs du Syndicat de la presse française périodique en 1894, il collabora à la Critique dès le premier numéro (5 mars 1895), et y fit, pendant plusieurs années, une critique active et variée, principalement sous le titre : l'Ostensoir des Ironies, qui fut rassemblée par la suite en trois volumes. Publia encore : Éros chante, poésie (1895) ; Critiques d'Ibsen ; Telle que toujours, roman, dont Will Darville disait, dans la Critique du 20 décembre 1897 : « La thèse de la liberté dans le choix de l'être avec lequel la femme est appelée à vivre, y est éloquemment défendue. » ajoutant, à propos de l'auteur : « Sa figure originale et ses œuvres, si personnelles, ne sont point étrangères au monde parisien ; ses idées ont un certain écho par delà les frontières, et les pléiades d'avant-garde, en France comme à l'étranger, n'ignorent point ses articles de critique ; l'ostensoir des ironies qu'il manœuvre d'une main toujours habile, avec une délicate méchanceté, n'épargne point les préjugés et nous indique l'auteur comme un idéaliste en ce qui touche les choses de l'au-delà, comme un matérialiste pour ce qui concerne les sociologies d'ici-bas. »
Les Veillées de Plaisance ont joué un acte de lui : la Légitime. Il fut un des fondateurs du satirique la Pie (1901), et de la société des Poètes français (1902). Fut nommé, en 1903, secrétaire du musée Carnavalet. Collabore au Rappel, à l'Evénement, au Temps, à la Revue Théâtrale, etc.
Ses nouvelles poésies, mentionnées avec éloges au concours Sully-Prudhomme de 1903, ont paru l'année suivante sous le titre : les Voix anciennes, à la Société des Poètes français, y compris trois poèmes dramatiques et de nombreux souvenirs d'Alsace. Aimé Passereau (Vaugirard-Grenelle, 27 novembre 1904) dit de l'auteur : « Alcanter de Brahm rime quand ça lui chante et le plus souvent il ne s'embarrasse guère de ne pas rimer du tout ; il va au plus pressé qui est de traduire sa pensée :

Dire ce que l'on pense et dire ce qu'on sent, Tel doit être le but du poète... Des règles point. Des lois, que nous importent-elles A nous, Poètes qui, pareilles aux hirondelles, Rasons tantôt la terre ou planons vers les cieux ?...

Et sa pensé est celle d'un réfractaire à la bêtise humaine ; il n'est point du côté des satisfaits ; il sait

... le prix qui s'attache au bonheur de rester incompris...

mais, tout de même, il aspire à plus de justice, à une répartition plus équitable des biens, et à ce que chacun soit considéré selon ses mérites. »
Le Journal d'Alsace (Strasbourg, 8 novembre 1904) lui a consacré une bonne chronique biographique et littéraire, signée Edgar Reyle.
Prépare des contes, nouvelles, romans, études critiques et de mœurs, et des pièces de théâtre.
Marque particulière : a inventé le point d'ironie
Les deux journalistes de la Revue littéraires de Paris et de Champagne, oublient un passage important de la carrière d'Alcanter de Brahm, sa collaboration au Nouvel Écho, comme secrétaire de la rédaction, sous la direction d'Emile Straus. Le premier numéro du Nouvel Écho, est daté du 1er janvier 1892, jusqu'en mars 1894, Alcanter de Brahm y donnera ses Chansons poilantes, apocopées et argotiques, dans le style des cabarets montmartrois, qu'il cosigne avec un certain Saint Jean, et il y tiendra la Chronique parisienne, sous son vrai nom de Marcel Bernhardt. A cette époque Alcanter donne un mystère ésotérique, la Chasse aux étoiles, illustré par Gatget et Carpentier au Concert des décadents.
Dans le premier numéro du Nouvel Écho, figure un poème d'Alcanter de Brahm, qui témoigne de l'amitié qui l'unie à Emile Straus, qu'il retrouvera à la revue la Critique. On y découvre un Alcanter de Brahm, fortement touché par un drame, qu'il reste à déterminer, et qui se confie à son "seul ami", le seul en qui il dit avoir confiance.

Courte épitre

A Emile Straus, mon seul ami

Dans mes jours de tristesses, Ô toi, mon cher Emile,
Tu demeuras fidèle à ton plus vieil ami,
Et, dans l'adversité qui m'accable aujourd'hui,
Mon cri désespéré ne reste point stérile.

Tempête ou ciel d'azur, ouragan ou cyclones,
Jamais rien désormais ne saurais m'arrêter.
Je combattrai pour vivre ou vivrai pour lutter,
Et n'irait point des sots mendier les aumônes.

La vie est ainsi faites, à chacun sa médaille ;
Souvent le sort nous donne un bien triste revers ;
La grêle en un seul jour peut faucher l'épi vert,
Le coeur le plus vaillant tomber dans la bataille.

Me porte mon étoile où sa course la mène ;
Indifférent à tous, confiant en toi seul,
Sur les amis d'antan je jette un blanc linceul,
A deux, nous planerons sur cette mer humaine.

Alcanter de Brahm

Voir dans l'Alamblog : Alcanter de Brahm dans Toutes les lyres (1909) et (I) à propos de L'Arriviste : Marc Stéphane contre Alcanter de Brahm. [Marc Stéphane. L'Arriviste. Édition d'auteur Paris : impr. de A. Davy, 1895, In-16, 151 p./ Alcanter de Brahm avait fait paraître chez Souque, son Arriviste en 1893. / Félicien Champsaur reprend ses trois volumes du Mandarin (Marquisette. 2 : Claude Barsac. 3 : Renée April) sous le titre de l'Arriviste (Ollendorff 1895/96)]

Alcanter de Brahm dans Livrenblog : La Critique. Une enquête sur le droit à la critique. 1896. Celui qui Comprend, Alcanter de Brahm contre Gourmont. Emile Straus par Alcanter de Brahm. Alcanter de Brahm au Chat Noir. Esthétique la langue française par Alcanter de Brahm.

vendredi 29 janvier 2010

Emile STRAUS, quelques documents.



A la suite de quelques billets extraits de la revue La Critique, publiés dans Livrenblog et notamment des articles de Martine et Papyrus, j'eus l'échange qui suit avec mon ami SPiRitus.

SPiRitus : Sait-on qui se cache derrière Martine et Papyrus ?

Zeb : Il me semble qu'il s'agit d'Emile Strauss, un article de Will Darville, "Emile Couturier, dessinateur", paru dans La Critique, N° 40, 20 octobre 1896, le confirme par des formules à peine allusives : « Emile Straus, qui a presque autant d'esprit que Papyrus lui-même, n'est pas seulement un ironiste endurci ». « Il faut remercier Straus d'avoir mis de côté le rire sceptique de Papyrus, pour nous montrer d'une manière si sérieuse et puissante, la philosophie qui se dégage de l'Oeuvre de Couturier. »

Zeb : Dans L'Oeil Bleu N° 7, Henri Bordillon écrit : "On sait très peu de chose sur Emile Strauss, qui collabora régulièrement, sous le pseudonyme de Martine, à La Critique de Georges Bans et à l'Omnibus de Corinthe de Marc Mouclier. Ses articles relatifs à Jarry sont nombreux. Ils n'ont pas tous été repérés, semble-t-il". On peut ajouter qu'Emile Strauss fut un "iconophile", amateur de dessins, d'affiches et de cartes postales. Voir le numéro 17/18 de L'Etoile absinthe, que je devrais bien moi-même consulter....

SpiRitus : Et dire que j'avais l'évidence pas très loin de dessous mes yeux ! car, tout de même, j'ai le n°7 de l'Oeil Bleu, of course, et mieux, je l'ai lu - il est vrai, il y a quelques mois déjà -, et surtout, j'ai aussi le n°17-18 de l'Etoile-Absinthe, où je lis cette première phrase de l'article consacré par Alain Mercier à Straus et Jarry : "On sait peu de choses d'Emile Straus, sinon qu'il fut, avec Georges Bans, un des rédacteurs en chef de La Critique (1895-1898), et que, sous le pseudonyme double de Papyrus-Martine, il joua un grand rôle dans le lancement d'Ubu-Roi et dans la propagande pour le "théâtre des Pantins"." (p.17)


A la suite de la publication de dessins de Jossot sur Sarcey j'eus ce nouvel échange :

H.V : L'oncle et la Veuve est aussi paru dans l'Album Les Rats illustrant un texte de Heinrich Heine.

Zeb : Merci de cette précision. L'album Les Rats de Jossot parut aux éditions de La Critique. Les vers de Henrich Heine sont traduit par Emile Strauss sous le pseudo de Papyrus, accompagnés d'une musique de Baudot. Le tirage est de 150 exemplaires sur velin, et 5 sur japon. Je reviendrais sans doute prochainement sur la revue La Critique et ses éditions.


Livrenblog s'étoffant au fur et à mesure de trouvailles, lectures, recherches, j'ai aujourd'hui la chance de pouvoir ajouter un document au dossier Emile Straus / Martine / Papyrus.

On trouve dans les pages régionalistes de la Revue littéraire de Paris et de Champagne, faisant suite à la Jeune Champagne, 3e année, n° 22, janvier 1905, le début d'une série de bibliographies consacrées à des écrivains classés selon leurs régions d'origines. La série commence par l'Alsace, classement alphabétique oblige, et se compose des biographies d'Alcanter de Brahm, Charles Pruvot et Alcanter de Brahm, rédigées par René Aubert et Henri Marsac, avec la collaboration d'Emile Straus. A vrai dire, cette notice biographique ne nous en apprend pas beaucoup plus sur Straus, étant en partie consacré à son livre sur l'Alsace Nouvelle. J'en donne pourtant les extraits concernant ses débuts littéraires et ses travaux pour la revue La Critique. Notons que les biographes passent sous silence la participation d'Emile Straus à l'Omnibus de Corinthe (1).

(1) L'Omnibus de Corinthe, 86 rue blanche, Paris. Directeur, le N° 0,25 cent. Voyage annuel 1 franc édition japon 3 francs. Dépôt général à L'association, Fernand Clerget éditeur, 17 rue Guénégaud Paris.

Collaborateurs : Papyrus, Willy, Oblief (Alcanter de Brahm), Georges Bans, Paul Redonnel, Charles Fuinel, Léon Deschamps, Madeleine Lepine, Ordonneau, Dorsène, René José, Dr Weiss, Léon Hétru, Martine, Alfred Jarry, Emile Straus, Lacaze-Duthiers.
Illustrateurs : E. Couturier, Jossot, Louis Valtat, Désiré Fortoul, Gimberteau, Marc Mouclier, André Ibels.


Emile Straus, né à Strasbourg le 24 décembre 1865. Il débuta en 1891, et, l'année suivante, fur directeur du Nouvel Echo (I), avec la collaboration de Haraucourt, Duquet, Rodenbach, Trézenik, Willy, etc. Traduisit la Fin de Sodome, drame de Hermann Suddermann (1892). rédacteur en chef de la Revue du XXe siècle (II), il fut un des premiers collaborateurs de la Critique (10 mars 1895), le plus complet organe de ce genre, et en devint le rédacteur en chef. Actif artisan de cette revue, il y parla de théâtre, de musique, d'art, de livres, de périodiques, avec une clarté, un bon sens et une érudition qui se sont fortifiés graduellement jusqu'à faire de lui un des meilleurs critiques du temps présent ; il y propagea plusieurs jeunes artistes, fonda vers la fin de 1895 une Société des Iconophiles pour « favoriser le développement des arts par l'achat d'estampes de toutes natures », et, du pseudonyme de Papyrus à celui de Martine, fit zigzaguer des observations multiples, avisées, frôlant la satire et cultivant l'ironie.
En ses plaquettes : Notes d'art, il fit connaître Léon Lebègue (1894), Marc Mouclier, Couturier (1896). Il présenta aux amateurs d'art deux albums de xylogravures de Marc Mouclier : Rêve et Vie. Rus (1896), et donna, illustré par le même et la même année, une traduction du Chant de la Cloche, de Schiller. Quatre années de suite, de 1896 à 1899, il publia l'Almanach Georges Bans, dont le texte amusant s'orne de nombreuses et curieuses gravures. On a encore de lui : Les Rats, traduit de Henri Heine, illustré par Jossot (1900) ; le Théâtre Alsacien ; l'Aurore du XXe siècle, frontispice de Henry Chapront (1901) ; la Nouvelle Alsace, illustré par Ch. Spindler, A. Koerttgé, etc (1902) ; Punch et Judy, drame guignolesque anglais, illustré par Henry Chapront, suivi des Paralipomènes de Punch (1903) ; Voyage aux ruines de Versailles (1905).
[...]
Emile Straus a fondé, en 1899, La Carte postale illustrée (7, rue Pierre-Legrand, Paris 8e), bulletin de l'International Poste-Carte Club.

René Aubert et Henri Marsac.
.
(I) Le Nouvel écho : revue littéraire et dramatique, puis Nouvel écho de littérature et d'art. 1re année, janvier 1892, mars 1894, Paris, in-fol. puis in-8. Fusionne avec La Revue du XXe siècle pour donner la Revue de l'Est (Nancy).

(II) La Revue du XXe siècle (Mulhouse) 5 mai, 1892, 2e année, n° 46, 20 mars 1894.




Emile Straus dans la Critique : Ubu Roi par Martine et Papyrus. Alfred Jarry et Le Théâtre des Pantins. L'Almanach du Père Ubu par Martine. Le Père Ubu dans La Critique. Les Jours et les Nuits d'Alfred Jarry par Emile Straus. Le Surmâle d'Alfred Jarry par Martine et Papyrus. Emile Straus par Alcanter de Brahm. Les Paralipomènes de Punch. E. Straus. A. Jarry. Encore Emile Straus (bibliographie)

Emile Straus par Alcanter de Brahm

Colette dans La Critique : Colette Gauthier -Villars

René Ghil dans La Critique : René Ghil. "Chair mystique" et "Titane". Charles-Louis Philippe par René Ghil

Jossot dans La Critique : Jossot guillotine "l'Oncle" Sarcey

Enquête : La Critique. Une enquête sur le droit à la critique. 1896.

Picasso dans La Critique : Picasso 1901, première exposition à Paris


jeudi 28 janvier 2010

Auguste LINERT par Rodolphe DARZENS




Auguste Linert

Auguste Linert est né dans le département de la Marne, au mois de mai 1867. Il est donc l'un des plus jeunes auteurs qui aient été joués au Théâtre Libre.
En 1885, il avait déjà fondé à Reims une première revue artistique, l'Essor littéraire, qui dura juste trois mois ! Mais ce premier échec ne découragea pas le jeune homme, et peu après on le retrouve dirigeant une nouvelle publication, la Revue champenoise (1), à la tête de laquelle il resta deux années entières, jusqu'à son entrée au régiment. Concurremment, il était président d'une de ces Société Littéraires comme il y en a beaucoup en province, société qu'il avait fondée également, l'Académie champenoise. Malheureusement il fut envoyé en garnison à 350 kilomètres des bureaux de son journal et de sa Société ; comme il lui était fort difficile de rien publier sans le visa du ministre de la guerre, un fumiste très plaisant adressa aux membres de la Société et aux abonnés de la Revue, une circulaire destinée à éliminer leur fondateur, où, entre autres griefs, étaient formulées ces accusations étonnantes :
Se séparer complètement de M. Linert à cause de ses idées et de ses principes bien connus sur l'ANTITHÈSE DES BUTS (!!!) que s'est proposée l'Académie champenoise.
Parce que M. linert veut faire de la Revue champenoise une revue fantaisiste, satirique, symbolique, etc., etc.
L'auteur de cette circulaire dont le nom mérite de passer à la postérité est un sieur Armand Bourgeois ; d'accord avec l'imprimeur il modifia le titre de la Revue qui prit le nom de Revue littéraire de Champagne et existe encore je crois, non moins que l'Académie, bergerie où brillent actuellement de vieux ratés et de jeunes nigauds.
Ce que Linert doit savoir gré aujourd'hui à M. Bourgeois de l'avoir débarrassé de l'une comme de l'autre !
Il occupe actuellement le poste le plus littéraire qu'il y ait dans un régiment : il est caporal bibliothécaire, grade qui lui laisse quelques loisirs grâce auxquels il peut se livrer à da passion pour l'art dramatique.
Une première fois, au mois d'août dernier, il adressa au directeur du Théâtre Libre, un acte en prose : Une mort. Voici un passage de la lettre que lui répondit André Antoine :
« Je ne vous dissimulerai pas que la première page de votre manuscrit m'avait un peu refroidi. Vous savez que je ne recule devant aucune hardiesse ni aucune violence lorsque je crois à de « la littérature » dans l'affaire. Je me méfiai donc de votre pièce car beaucoup d'auteurs, confondant liberté avec licence, m'envoient des ordures que je leur retourne avec la parfaite expression de mon mépris. Eh bien, monsieur, sans emballement de ma part, je vous affirme que votre acte est l'une des choses les plus curieuses, les plus intéressantes qu'il m'ait été donné de trouver parmi les manuscrits que je reçois... »
Malgré cela, André Antoine ne reçut pas Une mort. Il faut dire que la scène se passait... là où ne se passe justement pas la Fille Elisa. Mais ce n'était pas la seule raison qui fit que le directeur demande une autre pièce à M. Linert. Puisque celui-ci vient d'être joué, je puis la lui révéler : Antoine craignait qu'il y eût une part de hasard dans l'originalité de la première pièce, et il tenait à s'assurer qu'il avait réellement affaire à « quelqu'un ».
Je ne connais pas à Paris un seul autre directeur de théâtre capable de faire preuve d'autant de discernement, et c'est pour cela surtout que j'ai tenu à raconter le fait, tout à l'honneur du talent de M. Linert, du reste.
L'auteur du Conte de Noël est, me semble-t-il, un modeste et un timide, à en juger par ces lignes qu'il m'adresse :



Guère à plaindre « le pauvre petit ! » Il ne tardera pas, s'il continue ainsi, à dépasser bon nombre de confrères de la tête et je parie qu'il sera bientôt assez riche pour leur prêter ce qui leur manque assez généralement, cette monnaie si peu courante : le talent.
M. Linert ne m'en voudra donc pas si je lui dis qu'il se trompe au sujet de Veronèse : le peintre des Noces de Cana a été, pour son immortel chef-d'œuvre, traduit en justice. Il s'y défendit lui-même avec une verve qui lui valut son acquittement, mais jamais son tableau n'a pris place dans une église.
Au restez, le conte de Noël n'a pas été écrit pour la Comédie-Française, n'est-ce pas ?

Rodolphe Darzens.


(1) La Revue champenoise. organe de l'Académie champenoise. 1re-3e année. N° 1 au N° 25, Épernay, 1887-1888.

Sur Auguste Linert voir les numéros 4 et 5 de la revue L'Oeil bleu, on y trouve ses Souvenirs du Temps d'Anarchie et un article de Nicolas Leroux, Auguste Linert : dix ans de littérature (1885-1894).

Sur Livrenblog, Le Théâtre Libre Illustrée par Rodolphe Darzens :
Jean Ajalbert. Henry Fèvre interviewé. Georges Lecomte,

Portrait par Lucien Métivet.

mercredi 27 janvier 2010

Lord Alfred DOUGLAS : Mes fréquentations littéraires à Paris.


Lord Alfred Douglas (1870-1945), surnommé Bosie, s'il fut poète, reste surtout connu pour ses amitiés masculines et ses amours avec Oscar Wilde. Son autobiographie fut traduite en français par Arnold Van Gennep, sous le titre de Oscar Wilde et quelques autres, j'en donne aujourd'hui le chapitre XXIX consacré à ses souvenirs sur les écrivains français qu'il fréquenta, on y retrouve entre autres, Ernest La Jeunesse, André Gide, Lucie Delarue-Mardrus, Pierre Louÿs et la bonne Rachilde.




Mes fréquentations littéraires à Paris

Pendant le second procès Wilde je m'étais installé à l'hôtel de la Poste à Rouen. En même temps que moi s'y trouvaient Robert Ross, Reginald Turner et Charles Hickey. Juste avant le début de ce procès, je reçus la visite de Georges Docquois, envoyé par l'Écho de Paris ; il écrivit sur moi un article très aimable où il disait son étonnement d'apprendre que j'étais poète et que j'avais avec moi tout un « tas » de poèmes encore inédits. Peu après il me fit faire la connaissance, à Paris, d'Eugène Tardieu, lui aussi rédacteur à l'Écho de Paris, qui traduisit mes poèmes en prose française tels qu'ils furent publiés en 1896 aux éditions du Mercure de France. Alfred Vallette, directeur du Mercure, dit récemment à un de nos amis communs, A. Van Gennep, qu'il croyait se rappeler que je lui avais apporté moi-même le manuscrit (en anglais et en français) de ces poèmes en compagnie d'Oscar Wilde. Mais ceci n'est pas possible ; car mes poèmes parurent aux éditions du Mercure de France en 1896, alors que Wilde était encore en prison. C'est à Wilde que je les avais dédiés d'abord ; mais Ross me dit que Wilde s'y opposait ; par suite, les poèmes furent publiés sans dédicace aucune.


Un livre récent, dû à Mme Delarue-Mardrus, intitulé Les Amours d'Oscar Wilde, contenait tant d'erreurs sur moi, manifestement copiés dans le livre de Frank Harris, Vie et Confessions d'Oscar Wilde, dont la traduction française a également paru au Mercure de France, que je du protester. J'écrivis à Mme Delarue-Mardrus et à son éditeur Flammarion pour leur demander de retirer l'ouvrage et d'éliminer les calomnies qui me concernaient. Je vins à Paris, me rendis chez Mme Delarue-Mardrus, quai Voltaire, et lui donnai un exemplaire de mon Autobiographie, ainsi que de la Nouvelle Préface de Frank Harris à son livre (préface qui n'a pas encore été traduite en français) où il rectifie le récit qu'il a donné de ma séparation d'avec Wilde à Naples.
Je dois dire que Mme Delarue-Mardrus, après lecture des documents que je lui communiquai, m'exprima tous ses regrets de m'avoir représenté sous un faux jour et me donna sa parole de préparer une nouvelle édition de son livre où il rectifierait ses erreurs et insérerait mes réponses aux accusations formulées contre moi. Ma lettre de protestation et sa réponse, où elle dit que la lecture de mes documents l'avaient « bouleversée », parurent dans les Nouvelles Littéraires, en mars 1930. La nouvelle édition de son livre contient en effet les rectifications promises.
Pourtant j'y suis toujours encore décrit comme une « jeune bête féroce qui ne voulait pas lâcher sa proie ». Quand je m'en plaignis à Mme Delarue-Mardrus, elle me répondit que si ce passage n'avait pas été modifi, la faute n'en n'était qu'à moi... Elle aurait été, me dit-elle, toute disposée à le changer si je l'avais demandé... Je suis obligé d'accepter cette explication, bien que je ne vois pas qui les documents que j'ai communiqués à Mme Delarue-Mardrus me présentent sous ce jour, le plus faux qu'on puisse concevoir.
Non seulement j'affirme que Wilde n'était pas ma « proie » ; mais les articles qui furent publiés sur moi pendant la détention de Wilde, notamment ceux de Georges Docquois et d'Eugène Tardieu, prouvent juste le contraire. On peut se reporter aussi à un article écrit vers ce même temps par Ernest La Jeunesse dans le Journal. Ayant fait connaissance de l'auteur, nous devînmes d'excellents amis.
De 1896 à 1900, je le vis continuellement. Il vint passer quelques jours chez moi à Nogent-sur-Marne, il était à ce moment rédacteur au Journal et il m'introduisit dans ce milieux intéressant ; ses confrères me firent bientôt, an quelque sorte, « membre honoraire » de la rédaction. On me laissait circuler partout et je fus admis à inaugurer avec eux le « bar » qu'on venait d'installer dans l'un des bureaux. Très souvent, j'y allais déjeuner, d'ordinaire en compagnie de La Jeunesse, et je m'y liai avec Barrès, Ranson, Séverine et tous leurs amis. J'y vis souvent Alphonse et Mme Allais, Moréas et un peu Catulle Mendès. Un jour j'y fis la connaissance de Huysmans, qui vint accompagné de Rowland Strong, alors correspondant à Paris de la Morning Post. Pour Verlaine, je l'avais rencontré auparavant, un jour que j'étais avec Oscar Wilde. Nous passâmes quelques heures ensemble dans un café, à boire de l'absinthe, apéritif qui me parut nauséabond. C'était une année environ avant la catastrophe.
Quant à Alfred Jarry, c'était un homme dangereux, très dangereux. Un soir nous étions au restaurant, La Jeunesse, Jarry et d'autres amis. Tout à coup Jarry sortit de sa poche un énorme pistolet et tira quatre ou cinq coups dans le plafond. Le restaurateur se précipita sur lui, puis les autres assistants ; après l'avoir bien bousculé, on le mit à la porte... et nous aussi.
Je fis connaissance de Pierre Louÿs à Londres, alors que j'habitais avec Oscar à l'hôtel Savoy. Louÿs vint plusieurs fois déjeuner et dîner avec nous : il écrivit pour moi un sonnet que je publiai dans le journal d'étudiants que je dirigeais alors à Oxford, The Spirit Lamp. C'était une version libre d'une lettre que m'avait écrite Wilde et qui fut ensuite utilisée contre lui par mon père au cours du procès. L'avocat d'Oscar Wilde, sir Edward Clarke, montra un exemplaire du numéro de The Spirit Lamp et fit remarquer que cette lettre avait été transposée en poème par un poète français bien connu. Il voulait évidemment prouver ainsi que la lettre de Wilde n'avait nullement le sens dégoûtant que mon père lui attribuait ; c'était, je crois, peu de temps avant la publication d'Aphrodite.
Nous étions devenus de bons amis quand un jour je l'invitai à venir passer quelques temps à Oxford dans l'appartement que j'occupais avec mon ami lord Encombe. Il accepta volontiers. Mais de retour à Oxford il se fit qu'Encombe et moi eûmes à préparer immédiatement certains examens ; j'écrivis à Pierre Louÿs que nous ne pouvions le recevoir en ce moment et que la partie devait être remise. Pierre Louÿs se vexa ; en quoi il ne fut guère raisonnable. Je l'aimais beaucoup ; mais j'avais déjà remarqué qu'il était très susceptible et d'un caractère difficile. Après la catastrophe, je ne le rencontrai plus jamais.
Je vis André Gide pour la première fois à Alger en 1895. Nous fûmes vite intimes (un grand lien entre nous fut la musique ; il adorait, surtout celle de Bach) et bien que je doive avouer que je trouvais ses livres plutôt ennuyeux, personnellement il me plaisait. Il a déclaré lui aussi qu'il m'aimait bien et qu'il avait gardé de moi un souvenir affectueux. Mais qu'il ait éprouvé pour moi ce qu'il a décrit depuis dans Si le Grain ne Meurt, ma paraît être de bien mauvais goût. Même si ce qu'il dit de ma conduite privée était vrai, c'est sûrement un vilain manque de tact de l'avoir écrit et publié afin de s'assurer par là un succès de scandale. Comme il se prétend maintenant l'un des plus grands amis et admirateurs d'Oscar Wilde, et se pose en juge de ma conduite, j'ai le droit de lui demander comment il se fait que pendant les trois ans qui se sont écoulés entre la libération de Wilde et sa mort il ne l'a vu qu'une seule fois.
S'il avait réellement été un si grand ami de Wilde, l'avoir abandonné quand cet ami tomba dans l'infortune eût été impardonnable. La vérité est que Wilde s'est toujours moqué de Gide et lui a « monté des bateaux ». Wilde s'amusait à dire les plus grosses blagues du monde au pauvre Gide ; et Gide, jobard, avalait tout ce que Wilde lui disait. Je reprochais un jour à Wilde de se moquer ainsi de Gide et lui dis : « pourquoi es-tu si rosse avec lui ; c'est un bon type. » Oscar me répondit : « Mon cher Bosie, André Gide est un égoïste sans ego. Je me demande aussi en vertu de quel droit Gide déverse sur moi sa réprobation morale ; c'est un protestant français, qui est bien la pire sorte de protestants, sauf, évidemment, les protestants irlandais. » Gide passait son temps à dire à Wilde qu'il exerçait « une influence funeste » ; et cela mettait Wilde en rage.
Les êtres immoraux, je l'ai souvent remarqué depuis, ressentent amèrement les reproches d'ordre moral qu'on leur fait, ce qui est assez naturel, je pense. Aussi Wilde aimait-il à se venger de Gide en lui disant des horreurs à faire dresser les cheveux sur la tête de ce pauvre garçon qui en ce temps était très simple et très naturel. Dès que Gide montrait qu'il était choqué, Wilde s'emballait. Depuis, Gide a fait des progrès. Si je ne me trompe, les discours « immoraux » de Wilde le choquaient vraiment ; et comme il était incapable de faire la distinction entre les opinions réelles de Wilde et ce qui n'était chez lui que pose et imagination, il le regardait comme un monstre d'iniquité.
Quand Wilde sorti de prison, Gide ne fit pas le moindre geste de sympathie, mais se tint avec prudence loin de lui. Je ne dis pas cela contre Gide. Au contraire. Je préfère le Gide que j'ai connu alors, le Gide moralisateur et même un peu puritain, tout au fond, au Gide auteur de Corydon et de Si le Grain ne Meurt. D'avoir négligé Wilde, ou de l'avoir évité après la débâcle, ne saurait le discréditer, parce qu'il n'a jamais été un ami intime de Wilde et que Wilde ne tenait guère à lui, bien que je ne puisse pas dire qu'il le détestait. Je regrette d'avoir à détruire la légende que Gide a fabriquée de toutes pièces ; mais telle est la pure et simple vérité.
L'un de mes grands regrets est d'avoir perdu la longue lettre que Mallarmé m'écrivit quand je lui envoyai un exemplaire de mes poèmes que venait de publier le Mercure de France. Il m'en faisait le plus grand et le plus chaleureux éloge. Pendant longtemps je portai cette lettre sur moi, dans mon portefeuille, qui me fut volé en chemin de fer, en 1905, entre Monte-Carlo et Antibes. Mallarmé savait admirablement l'anglais ; je me rappelle la phrase suivante : « une des rares fois que je me suis félicité de connaître l'anglais, c'est le jour où m'arrivèrent vos Poèmes. » Je n'ai jamais rencontré Mallarmé ; je n'en ai que plus de chagrin d'avoir perdu sa lettre.
J'ai connu aussi, et grandement estimé, Marcel Schwob et l'admirable Moreno. Ceci me rappelle que Wilde me présenta à Sarah Benhardt, venue à Londres pour jouer Salomé en 1893 ; mais les censeurs interdirent la représentation. Plus tard, à Paris, avant la catastrophe, il alla souvent voir Sarah dans sa loge et il me prit plusieurs fois avec lui. A mon grand dépit, Sarah me traita toujours en petit garçon. Elle me donnait une boîte de bonbons, m'appelait « mon cher enfant » et me laissait assis dans un coin, tout en causant avec Oscar. J'en souffrais beaucoup dans mon amour-propre. Oscar au contraire était enchanté et me disait que j'avais bien de la chance. Mais j'étais trop jeune alors pour être flatté qu'on me traitât en enfant.
Ceci me rappelle un mot d'Ernest La Jeunesse. La dernière fois que je le vis, en 1903, il me dit, faisant allusion à mon air de jeunesse : « Tu commences à reproduire le portrait de Dorian Gray ». Il était, comme Wilde, un causeur brillant et très spirituel, et s'amusait parfois à faire le gamin. L'un de ses divertissements préférés était d'attendre le moment, pour traverser une rue, où elle était le plus encombrée et de faire semblant d'être écrasé ; il poussait des cris horribles et suscitait un vif émoi dans la foule accourue, puis continuait avec calme son chemin, comme si de rien était.
Pendant toute la durée de mon séjour à Paris, Rachilde fut très bonne pour moi. Elle s'intéressa à moi, prit mon parti contre mes ennemis et m'écrivit plusieurs lettres délicieuses, contenant d'excellents avis, dont, je regrette d'avoir à l'avouer, je ne sus pas tenir compte autant que je l'aurais dû. Aussi ais-je conservé pour elle un vif sentiment de reconnaissance, d'autant plus qu'à ce moment de ma vie peu de personne furent bonnes pour moi.

Lord Alfred Douglas
Oscar Wilde et quelques autres.
Traduit de l'anglais par Arnold Van Gennep.
Librairie Gallimard, Les Contemporains vus de près, 1930.
Chapitre XXIX.





FAGUS a son blog


Céline Brun-Picard et Grégory Haleux, fondateurs et animateurs des éditions Cynthia 3000 et du blog du même nom, viennent de baptiser un nouveau blog consacré à Fagus. Le premier billet reproduit un article de John Charpentier sur l'auteur de la Guirlande à l'épousée.



Armé d'une bio-biblio fournie (Livres de Fagus, articles et poèmes en revues, articles sur Fagus, livres mentionnant Fagus), ne doutons pas que ce blog sera la référence à consulter pour découvrir et apprendre sur ce poète et critique trop oublié.





mardi 26 janvier 2010

En Bombe avec WILLY



WILLY un « People » 1900.

En 1904, toujours à la recherche d'argent (1), Willy publie « En Bombe », il s'y met scène comme à son habitude sous les traits de Maugis, mais cette fois le livre est illustré de photographies où se retrouvent « les personnalités , visées dans Claudine » et Willy lui-même.

Une publicité, feuille volante jointe entre les pages de livres, démontre que Willy ne laissait passer aucune occasion de profiter du succès des Claudine.

En Bombe, Roman moderne, par Willy.

Orné de cent illustrations photographiques des plus curieuses et d'un intérêt absolument nouveau.

Qui n'a pas lu Les Claudine ? Qui n'a pas désiré connaître ces personnages si énigmatiques, si raffinés, que Willy a dépeints avec tant d'esprit et d'osé ?

C'est cette curiosité que nous avons voulu satisfaire en demandant aux personnalités, visées dans « Claudine » de vouloir bien se prêter à l'illustration de notre spirituel roman En Bombe. Et Willy, Willy lui-même, l'auteur, n'a pas craint les indiscrétions de l'objectif, il a posé pour l'illustration de son ouvrage.

Il a voulu être l'acteur de toutes les scènes qu'il a si hardiment peintes, si puissamment décrites. Qui aurait pu, en effet, les interpréter avec plus d'âme, plus d'idéal, plus de vérité que l'auteur lui-même ?

Le titre invoque l'idée de gaîté, c'est en effet, tout au long, de la gaîté et de l'esprit. C'est désopilant et pas rasoir, comme le dit si bien un personnage de « En Bombe ».

En Bombe, avec ses cent photographies, et non seulement un livre, mais un album : L'Album des Claudine.

Rachilde dans son compte rendu de La Mome Picrate parue la même année qu'En Bombe, souligne ce besoin de publicité de Willy, elle y voit le bon moyen de réussir, mais cette mise en scène de Maugis / Willy lui paraît nécessiter bien du courage, elle semble prévoir la dangerosité de cette course à la popularité, de cette surexposition médiatique :

« Maintenant la réclame à Maugis et à son bord plat écrase tout ; je sais bien que ça fait des lignes et que c'est très commode de dépouiller son courrier du matin au long d'un chapitre, mais c'est peut-être d'un sans gêne plus que byzantin. En somme quand Napoléon désirait entraîner ses soldats vers l'impossible il disait : « Regardez-moi ! » Willy a choisi ce procédé si simple pour entraîner ses lecteurs. Ça me paraît le bon, bien qu'il faille tous les courages pour oser l'employer. N'est pas le Napoléon de la fête qui veut ! »

En Bombe sera annoncé par Guillaume Apollinaire dans Le Festin d'Esope (Août 1904, deuxième année, N° 9) :

« Le Festin d'Esope est assuré de l'immortalité. Willy s'est plu à le nommer dans un roman que l'auteur a non seulement écrit mais illustré de ses photographies. Willy est un homme curieux et peu connu malgré tout. Il est notre Andréa de Nerciat. Le Nerciat qui inventait le cliché demi-monde, et goûtait Kleist, ce génie aimable qu'on a connu en France que l'an dernier, lorsque le théâtre Victor Hugo donna sa Cruche Cassée grâce à notre Henry Vernot.

(1) Voir les extraits de correspondance entre Curnonsky et Willy donnée dans le Willy de François Caradec. Curnonsky s'y montre soucieux de protéger le personnage longuement élaboré de Maugis, alors que Willy « s'en fout », préoccupé uniquement de son besoin d'argent.



Voici quelques unes des photos illustrant ce roman, un peu décousu, où Willy, à son habitude perverti et transforme en formidable opération publicitaire à son profit, ce genre tout nouveau du roman illustré par la photographie.


















































Willy sur Livrenblog : Cyprien Godebski / Willy. Controverse autour de Wagner. Les Académisables : Willy . Une photo de Mina Schrader, esthéte et anarchiste. Willy, Lemice-Terrieux et le Yoghi. Romain Coolus présente quelques amis. Colette, Willy, Missy - Willy, Colette, Missy (bis). Pourquoi j’achète les livres dont personne ne veut ?. Le Chapeau de Willy par Georges Lecomte. Nos Musiciens par Willy et Brunelleschi. Nos Musiciens (suite) par Willy et Brunelleschi. Willy l'Ouvreuse & Lamoureux. Quand ils se battent : Willy et Julien Leclercq. Willy préface pour Solenière par Claudine. La Peur dans l'île. Catulle Mendès. Léo Trézenik et son journal Lutèce. Willy Publicité littéraire. Coup de Filet par Les Veber's. Maîtresse d'Esthètes par Papyrus. Quand les Violons sont partis d'Edouard Dubus par Willy. Le Jardin Fleuri. R. de Seyssau par Henry Gauthier-Villars. Willy fait de la publicité.