On trouve dans le numéro 98 du 15 mai 1893 de la revue La Plume, un article signé de Georges Lecomte sur le célèbre chapeau à bords plats de Willy.
LE CHAPEAU DE WILLY
Ce chapeau est une de nos personnalités parisiennes les plus en vues ; Les soirs de première représentation ou pendant les minutes qui précèdent un concert, les intéressés qui veulent savoir si Willy est présent et désespèrent de le découvrir dans la foule entassée et grouillante, parcourent les couloirs, interrogent de l'oeil les vestiaires, afin d'y découvrir le phénoménal chapeau : Peut-être que Willy, qui ne rêve que plaies et bosses mais les redoute pour son couvre-chef et a besoin de ses deux mains (qu'il regrette de ne pas posséder plus nombreuses) tantôt pour applaudir, tantôt pour diriger les stridences de son sifflet, s'en est-il débarrassé entre les mains des ouvreuses ? Dans ce cas, il pend à une patère, colossal, velu, luisant, très haut sur ses larges bords plats. Quelle carrure il vous a ce chapeau ! C'est pour les uns une provocation, un réconfort pour les autres. Les éphèbes qu'une toute récente rhétorique a frottés de littérature et qui palpitent au simple « frôlé » des gens de lettres, sortent pendant les entr'actes pour contempler, toucher et lisser ce chapeau : Quelle gloire de pouvoir ainsi remplacer le traditionnel bichon des émules de M. Gibus par les mains caressantes de tout le printemps littéraire. Willy mettrait-il ingénieusement en pratique les profonds aperçus du chapelier Balzacien, qui savait si parfaitement associer l'aspect d'un couvre-chef au caractère de la figure et, au lieu de soumettre ses clients aux lois banales d'une mode unique, assouplissait cette mode à la physionomie de chacun et ne coiffait point Housteau comme Bixiou, Marsay comme Rastignac. Chez Willy cette intellectualité sous la coiffure nous semble plus instinctive que voulue : simple coquetterie d'élégant très personnel qui sait aussi agrémenter sa boutonnière de tout un arc-en-ciel de décorations exotiques pour rehausser son teint du voisinage de quelques bouches colorées.
GEORGES LECOMTE.
Georges Lecomte, dès vingt ans fut directeur de la revue La Cravache de 1888 à 1889, il débuta au théâtre en 1891 avec deux pièces représentées au Théâtre libre : La Meule et Les Mirages. Romancier (Les Hannetons de Paris, Les Cartons verts) et journaliste, il est aussi l'auteur d'essais historiques et d'ouvrages de critique d'art, notamment sur l'impressionnisme. Il fut directeur de l'école Estienne et président de la Société des gens de lettres. Entré à l'Académie française en 1926 il en deviendra le secrétaire perpétuel en 1946. On peut lire ses souvenirs dans Ma traversée, publié en 1949 chez Robert Laffont.
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George Lecomte, biographie littéraire par Rodolphe Darzens.
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