vendredi 28 septembre 2007

SATIE A. COHEN FENEON APOLLINAIRE JOURDAIN ETC


LES PETITS RIENS DE LIVRENBLOG.

Mercure de France, N° 63 Mars 1895, "Echos divers et communications" :

Nous recevons la communication suivante :
Eglise Métropolitaine d’art de Jésus conducteur.
« Les Chrétiens qui ont à énoncer les revendications d’une esthétique touchant M. Lugné-Poe, le théâtre de « L’Oeuvre » qu’il dirige, et la presse détestable qui l’inspire et le glorifie, doivent le faire connaître au siège de Notre Abbatiale, 6, rue Cortot. Nos Frères trouveront en Nous un rempart contre les œuvres sataniques, manifestées dans le Mercure de France, la Revue Blanche et la Plume, en même temps que la force nécessaire pour assurer le respect dû à Dieu, à l’Eglise et à l’Art. - Erik Satie. »

Satie, à cette époque avait pour habitude d'envoyer,des libelles enflammés pour condamner ses contemporains, il avait agit de même avec Willy…

Trouvé cette semaine : Gerhart Hauptmann : Ames Solitaires. Drame. Traduction d’Alexandre Cohen. Paris, Nouvelle librairie parisienne Albert Savine, L. Grasilier, Successeur, 1894, in-12, broché, 247 [250] pages, à la page de faux-titre « représenté au Théâtre de « L’Oeuvre » le 12 décembre 1893 », après la page de titre une page de musique notée, « Ames solitaires – Acte IV – Chant populaire russe, musique de Max Marschall ».

Alexandre Cohen avait donné une traduction partielle de cette pièce dans la Revue Bleue en 1893. Lorsque Lugné-Poe décide de monter la pièce, le contexte politique va interférer avec la représentation. Le 9 décembre 1893, Auguste Vaillant lance une bombe dans l’hémicycle de la Chambre des Députés. Le 10 décembre Alexandre Cohen, homme de lettre, traducteur et anarchiste néerlandais est arrêter chez lui et expulsé. Le 12 décembre, les députés votent les premières lois dites « scélérates », lois liberticides qui abrogent les garanties conférées à la presse, et déférent les délits d'opinion à la justice correctionnelle (1). Ce même 12 décembre la pièce d’Hauptmann est interdite, les autorités craignant des manifestations anarchistes. La répétition générale ne peut avoir lieu qu’en petit comité, malgré les protestations de Lugné-Poe et la rédaction d’une pétition. La générale aura tout de même lieux devant un public d’amis et de critiques.

D’après Joan U. Halperin, dans son Fénéon (Gallimard, 1991, page 292), Félix Fénéon aurait collaboré avec Alexandre Cohen à la traduction d'Ames Solitaires. En 1893 Félix Fénéon et Alexandre Cohen était voisins, « Lors de l'expulsion de Cohen, Fénéon continua à ce dernier la fidélité de son affection. Il tenta, par des démarches courageuses, d'intéresser quelques personnes à cette détresse, de rendre à cet exilé l'exil moins amer et plus supportable. Il fit cela, tout bravement, tout naïvement, pensant que ce n'était pas un crime, puni par les lois, que de ne pas abandonner un ami malheureux, et de s'employer à lui être utile et consolateur. » (Octave Mirbeau, Le Journal, 29 avril 1894).

(1) Alexandre Cohen sera condamné par contumace à vingt ans de travaux forcés au « Procès des Trente » où il ne comparaîtra pas, il sera acquitté, après l’amnistie.

Frantz Jourdain et Apollinaire – Soupçonné du vol de la Joconde en 1911, Apollinaire est arrêté et incarcéré à la prison de la Santé «Nous nous jetâmes immédiatement à son secours » écrit André Billy. « Dalize, André Tudesq et moi rédigeâmes une protestation et entreprîmes de recueillir des signatures. J’entends encore Tudesq téléphoner chez le marchand de vins, situé au coin de la rue Vivienne et de la rue des Petits-Champs, à M. Frantz-Jourdain, président du Salon d’Automne : « Quoi ? répondit cet homme éminent, ma signature pour faire relâcher Apollinaire ? Jamais de la vie ! Pour le faire pendre, tout ce que vous voudrez ! » (André Billy, Intimités littéraires – Apollinaire vivant. Flammarion).

Barzun, Mercereau, Vildrac, Arcos, l’Abbaye de Créteil - Une page internet à lire : Vérités sur et autours de la libre Abbaye de Créteil par Arthur Petronio, avec notamment un entretien avec Mercereau.

Pour combler un oubli dans un billet précédent, le portrait de Claude Terrasse par André Rouveyre.



jeudi 27 septembre 2007

FERNAND DIVOIRE, LA BIBLIOGRAPHIE

Fernand Divoire. (Première partie.)


Fernand Divoire, un nom que l’on rencontre de temps à autre dans une revue, des souvenirs ou une étude littéraire : autour de Dada et Cabaret Voltaire, auprès de Barzun et de la poésie simultanée, au grenier de Montjoie ! avec Canudo, dans l’ombre de Cendrars, dans les pas d’Apollinaire, dans l’Esprit Nouveau ou aux Soirées de Paris, pour ses livres sur la danse et Isadora Duncan, dans les Entretiens Idéalistes à ses débuts en suiveur de Péladan, à Montmartre avec Maurice Magre et la secte des Polaires, journaliste à L’Intransigeant avec Salmon. A force de buter sur son nom au détour de ses lectures le blogueur dilettante a décidé d’en savoir plus et de vous faire partager sa curiosité. N’ayant pour méthode de travail que de n’en avoir pas, je commencerais par une bibliographie de ses ouvrages publiés, les articles et collaborations en revue sont reportés à un billet prochain.


Cérébraux. Edité par les soins du Chroniqueur de Paris, 1906, In-16, 176 p.

Poètes. Paris, Bibliothèque des 3 Entretiens idéalistes3 , 1908, In-12, 55 p.

Les deux Idées. Faut-il devenir mage ? Eliphas Lévi et Péladan ; Nietsche, le surhomme et le mage ; la doctrine des forts. Paris : H. Falque, 1909, In-16, 119 p., pl. coloriée. Bibliothèque des Entretiens idéalistes.

Les deux idées. II, Metchnikoff, philosophe. Paris : H. Falque, 1911, 68 p.

Introduction à l'étude de la stratégie littéraire. Sansot & Cie, 1912, in-16, br., 160 pp., 1er tirage après 37 grands papiers.

Introduction à l'étude de la stratégie littéraire. Établissement de l'édition, notes et postface par Francesco Viriat. Éd. Mille et une nuits, La petite collection, 2005, 1 vol., 142 p., illustrations, couverture illustré en couleurs, 15 c.m.

L'Amoureux, 3e des poèmes de l'Urbs. Paris, à la Belle édition, 1912. In-16 (18 cm), 44 p. n. ch., ill., planche gr. sur bois en noir et ocre.

Exhortation à la victoire, choeur tragique pour... Paris : Jouve, 1916, 15 p. ; In-8.

Isadora Duncan, fille de Prométhée, proses de Fernand Divoire, décorées par E.-A. Bourdelle. éditions des Muses françaises, 1919. In-4, 27 ff. non paginés, fig. en noir, pl. en couleurs

Le Grenier de Montjoie ! Edition du Carnet Critique, documents pour l'histoire de la littérature, de la musique et des arts d'aujourd'hui et de demain. 1919, in-8, br., 44 pp., portrait de Canudo, 1 page de musique d'Igor Strawinsky, 1 dessin de Rodin, et fac-similé d'une couv. de la revue hors texte.

Montjoie ! Organe de l'impérialisme artistique français. Gazette d'art Cérébriste dirigée par Canudo : c'est ainsi que se présentait cette revue. Dans son "grenier" groupés autour de Canudo on pouvait voir Blaise Cendrars (c'est là que La Prose du Transsibérien fut présenté et lu pour la 1ère fois), Jacques Villon, André Salmon, Guillaume Apollinaire, Bakst, Erik Satie, Igor Strawinsky, Maurice Ravel, Marc Chagall, Valentine de Saint-Point, etc. Un témoignage et des documents (listes des articles publiés dans la revue), sur une revue d'avant-garde peu connue et dont les efforts furent brisés par la guerre de 1914.

Ames. Paris, 78, boulevard Saint-Michel, Les Poètes de la Renaissance du livre, 1918. In-16, 165 p., frontispice en guise de préface par Meitzinger, 163 p. : ill., couv. ill.


Gabriel-Tristan Franconi. Les Amis d'Édouard, N° 33. Abbeville : impr. de F. Paillart, (1921), In-16.

Ivoire au soleil : poème à trois plans concentriques. Paris : la Vie des lettres, 1922, 35 p.

Dessins sur les danses d'Isadora Duncan par André Dunoyer de Segonzac. précédés de La danseuse de Diane : glose de Fernand Divoire Paris : A la Belle édition, [ca 1920] [12] p.-pl. : ill., couv. ill

Orphée... Paris (78, boul. St Michel), 1922, 143 p. ; In-18 carré Les Poètes de la Renaissance du Livre

Marathon, épisode tragique en 2 parties... Paris, J. Hébertot, (1924). In-4, 36 p. Les cahiers dramatiques, 2e année. N° 20

Découvertes sur la danse, avec dessins de Bourdelle, de Rego Monteiro et A. Domin. Paris, les éditions G. Crès et Cie, 1924. In-8, 229 p. 226 p.-[35] f. de pl. : ill.

Le Symbolisme, son influence sur la poésie d'aujourd'hui par M. Fernand Divoire Paris, Cercle de la Librairie, 1924. In-8, paginé 91-107. Supplément à la Bibliographie de la France, n° 31, 1er août 1924. - A travers la Librairie et causeries françaises, 2e année

Stratégie littéraire. Paris, éditions Baudinière, 23, rue du Caire, 1924. In-16, 223 p.
Divoire, Fernand : Stratégie littéraire. Édition définitive augmentée d'une étude de Charlotte Rabette et d'un portrait de Berthold Mahn. Paris, Georges-Célestin Crès, directeur de la Firme les Arts et le Livre, 1929 (26 décembre.), in-8, XXXVIII-239 p. La Tradition de l'intelligence. 2e livre


L'homme du monde. Paris. Éd. du Sagittaire, Les cahiers nouveaux 15, 1925, 149-[4] p., 16 cm. Éd. originale, tirée à 850 ex. numérotés : 50 sur japon et 800 sur vélin de Rives. - Contient le fac-similé d'un fragment autographe du manuscrit.

Les Grands mystiques. Villiers de l'Isle-Adam, Léon Bloy, Huysmans, Péladan, etc. Paris, Cercle de la librairie (impr. de J. Dumoulin), (s. d.). In-8 (240 x 160), paginé 75-92. A travers la librairie. Causeries françaises. 3e année. 7e causerie, 15 mai 1925

Itinéraire. Poèmes avec parenthèses. Paris, libr. Stock, Delamain et Boutelleau, éditeurs, 1928. (19 juin.) In-8, 112 p. 171 p.

[Itinéraire ?] Ivoire au soleil, honnête organisation du monde, poème à trois zones concentriques, en manière de préface, qui fut désobéie. Parole. Ondes. Périphérie. Sans lieu, sans nom, sans date, (couverture manquante à l’exemplaire consulté), tampon à l’encre de l’imprimerie F. Paillart, Abbeville (Somme) / 11 Avril 1928. in-8 carré (17 X 18 cm), non paginé, 2 pages imprimées en vis-à-vis sont suivies de deux pages blanches. Le volume consulté est composé des placards d’imprimerie, avec des corrections manuscrites à l’encre. Itinéraire se compose de : Epigraphe japonaise. Itinéraire. Ivoire au soleil, honnête organisation du monde, poème à trois zones concentriques, en manière de préface, qui fut désobéie.

Pourquoi je crois à l'occultisme. Impr. Nouvelle ; Éditions de France, 1928. (22 novembre.) In-16, 125 p. 8 fr., 124 p. Collection 3 Leurs Raisons3

André Salmon, Geo London, Fernand Divoire. Roman d'un crime. Paris, Éditions des Portiques, (1928) In-16, 207 p.

Poèmes choisis. Préface de Paul Jamati. Portrait gravé sur bois par Alexandre Trétiakoff. Paris, impr. spéciale et éditions Eugène Figuière, (27 septembre 1932.) In-16, 163 p. Choix de poèmes. Collection publiée sous la direction littéraire de A. M. Gossez

Néant... paradis... ou réincarnation ? Paris, Impr. auxiliaire ; Dorbon aîné, 19, boulevard Haussmann. (S.M.), (23 janvier 1934.) In-16, 158 p.

Pour la danse. A Paris, Saxe, (1935). In-4, 392 p., bandeau, fig., pl.

Bertrand du Guesclin, conquérant de l'Espagne. Paris, Les Editions nationales, 1937. In-16, 253 p., pl., couv. ill. Edité par les laboratoires du Fosfoxyl

J'apporte la réponse. Paris, Jean-Renard ; (Tours, impr. de Arrault), 1943. In-16 (179 x 115), 185 p.

"Masques", Revue internationale d'art dramatique. n° 2 La Danse / Préf. de Serge Lifar Texte et commentaires de Fernand Divoire Paris : Masques, Revue internationale d'art dramatique, cop. 1948 87 p. : ill. ; 30 cm Réédition en 1951

Occultisme, casse-cou ! Paris, Dervy (impr. de M. Blondin), 1948. In-16 (205 x 135), 213 p.

Pour aujourd’hui deux poèmes en bonus :

Un extrait de Itinéraire. Ivoire au soleil : poème à trois plans concentriques. (voir la description du livre, sur lequel je reviendrais bientôt).


CENDRARS

CENDRES

Un petit tas de cendres derrière lui :
Paris
Klondyke, Japon, Sibérie
Amériques, filles noires, aventures…
Il reste une petite maison rose et une chienne blanche
des pensées pures,
un poignard propre qui rêve encore de sang,
un poignard
sur une cheminée de paysan.
Et rien d’autre ; rien que la poésie
qui peuple le vide lyrique d’une manche,
Que l’art.

L’ESSENTIEL

Une chienne blanche ; la chaux blanche sur les murs ;
le feu pour manger les meubles et les livres ;
et des coupures de journaux et des lettres
(Des temps passés du verbe Vivre,
des temps passés du verbe Être)
pour nourrir le feu pur.
L’essentiel seul :
La dernière chaise ou le dernier fauteuil.


Et, un poème publié dans Les Soirées de Paris, N° 12 et 13, 1913, Rédacteur en chef Guillaume Apollinaire.

ANGOISSE [1]

Ils parlent :

« Les étoffes collent aux cuisses,
« Hé ! je ressens le vénéfice.

« le ventre est vivant sous la soie,
« Pourquoi faut-il que je le vois ?

« Hé ! souffle brûlant, chair tendue…
« Seigneur, Seigneur, suis-je une âme perdue ?

..


« Un mauvais démon vit en moi,
« Qui me montre un désir du doigt.

« Inspire-moi. Le fuir d’un bond
« Pour le vaincre, pour être bon !

« Comment ? Je sais. Pousser ce mal essentiel
« A la fragilité de l’artificiel »

FERNAND DIVOIRE.

[1] Fragment.


En attendant la suite vous pouvez lire : Introduction à l'étude de la stratégie littéraire. Établissement de l'édition, notes et postface par Francesco Viriat. Éd. Mille et une nuits, La petite collection, 2005, 142 p.
Un petit livre drôle, vachard, sur les milieux littéraires, les revues, les salons, cercles, écoles, et les meilleurs moyens pour réussir à se faire une place dans la jungle des Gendelettres.
Ou trouver l'original :


Dans Livrenblog : Fernand Divoire Deuxième partie . Art et stratégie, de Divoire à Turpin. Anatole France autopsié par Cendrars, Divoire, Morand, Delteil... Faut-il devenir Mage ? La Malédiction des Enfants (Les proses rimées de l' "Urbs" : II). Fernand Divoire : Le Grenier de Montjoie !


dimanche 23 septembre 2007

X... Roman impromptu (à dix mains)


Dix mains pour un roman.
X … Roman impromptu.


Dans l’avertissement écrit par Pierre Veber, qui précède ce roman de G. Auriol, Tristan Bernard, Courteline, Jules Renard et …Pierre Veber, l’humoriste explique que ses camarades et lui-même « imaginèrent d’écrire en collaboration un roman dit impromptu, sans plan préconçu, sans sujet arrêté ». Il rappelle que cette tentative « n’a d’autres précédents que La Croix-de-Berny », le roman steeple chase parut en 1845 et écrit par Delphine de Girardin, Joseph Méry, Jules Sandeau et Théophile Gautier, en 1926 c’est Gérard d’Houville, Paul Bourget, Pierre Benoit et Henri Duvernois qui avec le Roman des quatre, connaîtront un grand succès publique avec un roman écrit en collaboration.

Avec nos cinq « auteurs gais », l’unité de l’œuvre repose sur le personnage principal, X, le seul qui ne peut mourir (C'est sans doute pour cela qu'il se présente comme mort, ayant disparut après un naufrage, il est de retour en France après de nombreuses années d’exil, sans existence légale et sans identité), pour les autres personnages tout est permis, sauf le changement de sexe, quand à l’action elle peut se dérouler n’importe où à condition d’en avertir le lecteur. Les cinq compères composent un roman-feuilleton loufoque, et tout à fait drôle.

Parut, après une publication en feuilleton dans le Gil Blas, dans la collection « Les Auteurs Gais » chez Flammarion en 1895, ce roman sera réédité en 1928, puis en 2006 par les éditions du Léopard Masqué. La première édition est illustrée, par Jean Veber, d’une belle couverture en couleurs, des portraits des auteurs et d’un dessin en noir qui tente de résumer (?) les péripéties du roman. Les rééditions ne donnent pas ces illustrations, pas plus qu’elles n’ont gardés les petites biographies écrites par Pierre Veber et qui précèdent le roman, les voici donc :

Georges Auriol

Le parfait gentilhomme de lettres qui se cache sous ce pseudonyme élastique est d’un âge incertain : il a entre vingt-sept et quatre-vingt ans. De face, il ressemble au prince de Galles, en mieux ; de profil, il ressemble à un mouflon blond. Il naquit à Saint-Valéry-sur-Somme ; il a donc le type mâle de ces Valériens qui sont si travailleurs. L’auteur de J’ai tué ma Bonne ! appartient à l’armée. Nous avions jadis le soldat-laboureur ; Auriol est le soldat-bibliothécaire ; il prépare la revanche en cataloguant des livres ; il y pense toujours, et, s’il n’en parle jamais, c’est parce que ce sujet revient rarement dans la conversation. Il l’a dit lui-même : « J’ai gagné un à un mes galons de soldat de seconde classe. » Ceci est à son honneur.
Il fut chargé de plusieurs missions ; on connaît la relation de son séjour chez les Paï-Pï Bris. Seul, sans escorte, presque sans vivres, il partit et alla voir ces féroces sauvages ; il visita leurs campements, s’enquit de leurs mœurs, vécut même de leur vie, durant une journée, pendant qu’ils étaient au Jardin d’acclimatation. Modeste, comme tous les cœurs trempés, Auriol, à son retour, ne réclama aucune distinction honorifique. Il fut célèbre par ses amours contrariées ; de là l’amertume qui est au fond de sa gaieté. Il se console de la littérature en faisant de la peinture, et de la peinture en faisant de la littérature. On possède lui, outre le livre cité plus haut, deux volumes d’une intense bonne humeur : Histoire de rire et En revenant de Pontoise (1).
Il est, en outre, fort estimé, comme équilibriste ; il jongle avec les difficultés de la langue française aussi bien qu’avec les assiettes, verres, couteaux, bouteilles et autres ustensiles auxquels l’usage assigne une autre destination.
Je crois avoir donné une idée suffisante de notre ami.

(1) Flammarion

Tristan Bernard

Vingt-huit ans. « Un Barbe-Bleue resté célibataire », ainsi le décrivait le maître de la pensée contemporaine. Dès l’enfance, il montra d’évidentes dispositions à l’humour ; élevè par son oncle, Alain Bernard, il économisait les dix sous affectés chaque semaine à ses menus plaisirs et les plaçait subrepticement dans la caisse avunculaire afin de créer à son tuteur des erreurs de comptes irréductibles. Il fut volé par des bohémiens qui l’emmenèrent en Italie, où il posa pour les artistes en qualité de modèle français. A Rome, il connut Mgr Rampolla, qui le prit en affection et le ramena au bien et en France. Il s’adonna aux Sciences exactes ; il construisit, au frais de l’ingénieur Chevalier, un instrument qui valut à l’ingénieur la rosette d’Officier : c’est le compteur des feuilles de marronnier. Cet instrument est, à l’heure actuelle, le seul usité aussi bien dans notre pays qu’à l’étranger. En même temps, Bernard fondait le Chasseur de Chevelures, moniteur du possible.
Tristan Bernard s’est consacré ensuite aux éditions populaires ; il est en train de mettre la dernière main à une Traduction de la Monadologie en argot loucherbem. Il compte beaucoup sur cette vulgarisation de Leibniz pour apaiser les revendications de La Villette.
Le bagage dramatique de Tristan Bernard est assez important : une pièce en un acte, intitulée les Pieds nickelés, que l’œuvre joua. « C’est peu de chose, il semble, dit Bernard ; mais, si le Théâtre-Français, l’Odéon, le Vaudeville, le Gymnase et la Renaissance jouaient ma pièce tous en même temps et plusieurs fois par soirée, je tiendrais autant de place qu’Alexandre Dumas fils. » Citons de lui, en collaboration avec Pierre Veber, un beau volume : Vous m’en direz tant ! qui est dans toutes les bouches (1).

(1) E. Flammarion, éditeur

Georges Courteline

Le maître de la gaieté ; il la répand à profusion ; nul n’a disposé du rire avec autant d’autorité : il l’impose. Les Gaietés de l’Escadron, jouée à l’Ambigu, résument en grande partie son œuvre ; Boubouroche et la Peur des Coups résument le reste. Il y a là une ampleur de description, une vigueur et une logique dans la charge qui élève les livres de Courteline au-dessus du comique. Petit, sécot, très fin, très franc, Courteline a pour devise : « Courte et bonne ». Son enfance se passa sur les genoux des rois et des reines, qu’il quitta pour entrer dans l’administration. Là, ses rares facultés d’organisateur le firent estimer assez pour qu’on lui confiât la rédaction d’un travail d’ensemble sur la bureaucratie française, intitulé : Messieurs les Ronds-de-Cuir.
Frappé de la concision et de la netteté de cet ouvrage, M. le ministre de la guerre chargea Georges Courteline de faire une enquête sur l’armée. Caché sous le dolman du simple soldat, il condensa ses observations sous une forme vive et imagée : Le Train de 8h 47, Lidoire, Potiron (1). Puis Courteline rentra dans la vie civile et reprit ses fonctions ; un avancement lent mais sûr le portera peu à peu au grade de sous-chef. La France sait récompenser ses grands hommes…

(1) E. Flammarion, éditeur

Jules Renard

L’auteur de Poil de Carotte et de l’Ecornifleur est grand, solide, roux, flegmatique, concis ; un front inquiétant et comme enceint ; des yeux qui vrillent. Il créa vraiment un « sourire nouveau » : le sourire pincé, mais pincé jusqu’au sang. Il saisit les petits gestes qui révèlent les grosses canailleries, et les pauvres attitudes des vices féroces ; il guette les moindres grimaces du snobisme, avec l’âpreté d’un observateur susceptible qui prendrait pour autant de reproches directs les manifestations des travers d’autrui. C’est ainsi qu’il veut qu’on le dise le « bon écrivain » par excellence.
Sa vie n’offre pas grand intérêt ; il s’est toujours gardé d’accomplir des actes qui tombent sous le coup des lois, tel que l’attaque à main armée, le vol avec effraction et l’attentat à la pudeur. Il est tout entier dans ses livres et n’a vécu que la vie de ses imaginations. Il tire remarquablement de l’épée ; mais c’est en mesure préventive aussi bien contre l’obésité que contre la malveillance.
Bref, dans ses lettres, dans la vie et sur la planche, Jules Renard a une « excellente position ». Citons encore de lui les Coquecigrues, la Lanterne sourde, le Coureur de filles.

(1) E. Flammarion et Ollendorff, éditeurs


Pierre Veber

Si soixante-dix villes se disputent l’honneur de m’avoir donné le jour, ce n’est pas parce que je suis dix fois plus célèbre qu’Homère, mais seulement parce que le nom que je porte est assez répandu. Je vis le jour à Paris, 106, rue Richelieu ; au fronton de la maison où je suis né, il y a une plaque de marbre ; cette plaque porte le nom d’un tailleur qui habite la maison ; mais il suffit que la plaque soit là ; on n’à plus qu’à en effacer le nom du tailleur pour mettre le mien à la place, précédé de ICI EST NE.
J’ai fait d’assez médiocres études ; mais je n’en tire aucune vanité. Ceux qui voudraient avoir de moi une biographie plus complète devront attendre une dizaine d’années. En effet, d’ici là, il ne peut manquer de m’arriver une foule de choses curieuses et sensationnelles. Car jusqu’ici, ma vie manque tout à fait de ces évènements inouïs (et d’ailleurs inventés après coup) qui parsèment les biographies des gens de lettres. Quand j’aurais réuni un certain nombre de ces évènements, et quand j’aurais économisé pas mal de « mots historiques » qui font si bien dans les Mémoires, je me déciderai à écrire mes souvenirs, j’éditerai mon journal. Outre l’Innocente du Logis, et Vous m’en direz tant ! j’ai à mon actif Les Enfants s’amusent (1).
Je pense que, muni de tous ces renseignements bio et bibliographiques, le lecteur n’éprouvera aucune peine à suivre notre roman impromptu.

(1) Flammarion et Empis éditeurs.

Pierre VEBER

Lire :

A propos de Georges Auriol :
le chapitre qui lui est consacré dans la toujours indispensable biographie d’Alphonse Allais par François Caradec publiée chez Fayard en 1997 et, du même Caradec, Auriol (George) : 42 contes mêlés de typographie, avec des notes de François Caradec. Bassac, Plein Chant, 2004, un très bel ouvrage où, outre les contes d’Auriol, on retrouvera quelques uns de ses travaux de typographe (il créa des caractères typographiques portant son nom, mais aussi, une magnifique Française légère, dont le nom laisse rêveur), ainsi que des reproductions de ses dessins et illustrations (couvertures de livres, illustrations pour le Théâtre-Libre, le Chat Noir, cartes de visites, monogrammes, etc)

Sur le Net : http://histoire.typographie.org/auriol/
http://www.dictionnaire-des-illustrateurs.com/Auriol-george.c.htm

Les chroniques de Jules Renard, reprisent sur Livrenblog :

Vamireh, roman des temps préhistoriques par J. H. Rosny (« Les Livres » Mercure de France N° 28 d'Avril 1892)
Baisers d’ennemis par Hugues Rebell (« Les Livres » Mercure de France N° 33 septembre 1892)
La Force des choses par Paul Margueritte (« Les Livres » Mercure de France N° 18 Juin 1891)
Les Emmurés, roman par Lucien Descaves (« Les Livres » Mercure de France, Janvier 1895)
Bonne Dame d'Edouard Estaunié (« Les Livres » Mercure de France, janvier 1892)
Les Veber's (« Les Livres » Mercure de France, octobre 1895)
L'Astre Noir par Léon–A. Daudet ("Les Livres" Mercure de France, janvier 1894)



Les Emmurés par Blanc et Noir. Descaves par Renard

Suite des chroniques de Jules Renard au Mercure de France.

Cette fois c'est le roman de Lucien Descaves sur les aveugles, Les Emmurés, qui fait l'objet d'un compte-rendu original sous forme de dialogue.


Mercure de France, Janvier 1895, Les Emmurés, roman par Lucien Descaves (Tresses et Stock) « Les Livres » signé J. Renard

Noir. – M. Descaves a commencé son livre en janvier 1890 pour le finir en décembre 1893. combiens dois-je mettre d’heure à le lire ce qu’il met quatre années à écrire ?
Blanc. – Soyez large. D’ordinaire, ne vous préoccupez-vous pas de l’épaisseur et du poids d’un livre, de sa couverture et de son titre ? Que le temps même fasse quelque chose à l’affaire. Vous aurez une chance de plus d’être juste.
Noir. – Pensez que la mode est aux petits livres légers de texte et riches de papier. Les Emmurés ont 471 pages. Quel mur ! je ne ressortirais jamais. J’entre, parce que j’ai lu Sous-Offs. Voilà un livre.
Blanc. – Vous le relirez après. Il s’agit maintenant d’aveugles et non de soldats.
Noir. – Pourquoi ? les soldats se vendent mieux que les aveugles.
Blanc. – Précisément. M. Descaves veut répondre aux critiques qui « l’accussent de chercher le succès dans la violence et le scandale ».
Noir. – Une histoire d’aveugles n’intéresse personne.
Blanc. – Elle intéresse d’abord les aveugles. Elle intéresse leurs parents, leurs amis, ceux qui les plaignent et ceux dont ils piquent la curiosité, les musiciens, les physiologistes, les éducateurs, les philanthropes. Elle intéresse la société, l’humanité, rien que ça.
Noir. – Pardon, vous intéresse-t-elle ?
Blanc. – Oui, comme œuvre d’art.
Noir. – M. Descaves n’est-il pas un naturaliste obstiné ?
Blanc. – C’est un écrivain qui aime la littérature, qui lit beaucoup, préfère ceci à cela, selon son droit, et s’efforce de comprendre les esprits les plus opposés, avec un culte pour Flaubert et du goût pour M. Maeterlinck.
Noir. – Comment peut-il traiter des aveugles après M. Maeterlinck ?
Blanc. – Pour cette raison que M. Maeterlinck ne « traite » pas des aveugles. L’éducation des siens reste à faire. Leur vie est enfantine, leurs sens mal cultivés. Ils ne distinguent point le bruit d’une feuille morte du bruit des pas. Ils n’ont jamais l’orgueil d’aveugles diplômés. Ils regrettent d’être aveugles. Ils croient que les yeux en connaissent plus que les mains, et qu’il faut voir pour aimer, voir pour pleurer. Ils ne savent rien sous leurs pauvres yeux morts. Ils ont peur de parler de leurs yeux.
Noir. – C’est heureux que M. Descaves change au moins le titre.
Blanc. – Par un scrupule délicat, excessif à mon avis. Mais ne lui reprochez-vous pas de spéculer sur la récente épopée de Montmartre ?
Noir. – Je lui reproche ses pages du début, son écoeurante description du jardin de la cécité. Et, il la trouve terne. Il imagine encore, pour nous monter ces yeux de plus près, « quelque déjeuner interrompu de cannibales, des œufs entamés, oubliés dans les coquetiers orbitaires ou concassés à ce point que l’écale même n’est plus là pour attester qu’ils ont été gobés. Certains, décalottés, exhibent des blancs durs et couvis sous la pellicule en lambeaux. D’autres, au fond desquels l’albumine et le jaune se confondent, semblent avoir été battus par une mouillette désordonnés, qui aurait entrainé, en se retirant, des glaires. Pareillement, en des yeux où c’est le glauque qui prédomine, on dirait d’absinthes-orgeat passionnément agitées. » Pouah !
Blanc. – Voulez-vous qu’il peinture fadement, comme lis et rose, ce que rien n’égale en horreur ?
Noir. – Je veux qu’il se modère. Son livre est une débauche d’images. Chaque idée simple se double d’une image. Et M. Descaves ne domine pas l’image. Elle ne lui sert plus de complément lumineux. Elle l’assaille. Il la subit. Il en est la proie. De là ces erreurs : « des larmes à revendre, deux fontaines qui coulent sans discontinuer, comme si o, les remplissaient la nuit, afin de pouvoir offrir, le jour, des tournées d’afflictions ! »… « Deux bras l’étreignirent et un visage tiède le sauça de larmes. »
Blanc. – Oui, mais ces trouvailles : « ses gros doigts en bourrelets de croisée… le petit marteau de la mort frappait un dernier coup, le coup du commissaire-priseur qui adjugerait un âme… quelqu’un dont l’aveugle discernait la présence au voile fugitif, à l’espèce de toile d’araignée qui lui avait effleuré la figure. »
Noir. – Oui, mais des bizarreries : « l’indulgence, la sainte, la praticable, la purifiante indulgence à l’odeur de souffre… le clairon fanatique continuait de broutait ses sonneries. »
Blanc. – Oui, mais cette perle : « ce silence qui n’appartient qu’à la province, où l’économie commence au bruit. » et ses louables efforts pour rendre la voix, l’indescriptible voix humaine.
Noir. – Théophile Gautier dut y renoncer. Accordez-moi que toutes ces métaphores alourdissent de deux cent pages ce livre dur à lire, même pour qui lirait des pierres.
Blanc. – Je n’accorde plus rien, et puisque vous me poussez, je me roidis et j’admire Les Emmurés de la première à la dernière ligne. Se plaindre des longueurs, c’est avouer sa paresse. La portée des considérations musicales vous échappe ! Tant pis pour vous : apprenez la musique. Vous boudez l’auteur, parce qu’il se soucie peu de vous séduire. Au moins, le romanesque du roman vous plaît-il ?
Noir. – Sans réserve. Bien, le séjour de l’aveugle Savinien Deuleveult dans sa famille. Très bien, la figure du vieux Lourdelin. Enigmatique et gracieuse celle du petit guide Jules Neuve, la passade de l’aveugle chez la fille Clara, qui par pitié, refuse l’argent. « Je n’ai plus vingt ans, mon petit, lui dit-elle. Ça ne fait rien, va, ça te donnera toujours une idée. » Cocasses, les fiançailles de Savinien et d’Annette, leur nuit et leur voyage de noces : « Ils allaient l’un derrière l’autre, simplement unis par une petite baguette à laquelle Annette, toujours en tête, imprimait des mouvements de droite et de gauche ou de haut en bas et réciproquement, selon la nature des accidents de terrain. »
Cela dure jusqu’à ce qu’Annette, vite lasse, ait la nostalgie des regards. Elle veut voir des yeux. Elle quitte Savinien. Elle rompt par lettre, mais par une lettre originale, pointillée, que le pauvre aveugle lit avec lenteur, « s’enfonçant dans la pulpe de l’index les petites élevures pareilles à des têtes d’épingles au dos d’une pelote. »
Blanc. – Et que vous semble la scène du retour ?
Noir. – A la fois hardie et choquante, extraordinaire et immorale, mais d’une rare émotion. Annette rapporte l’enfant d’un autre. L’aveugle accepte la mère et l’enfant, à cause de l’enfant. Il se sent soulevé de bonne volonté, émancipé par l’amour de la créature universelle en détresse… c’est l’adultère réhabilité par la maternité… Père adjudicataire, Savinien offrira un bel exemple de solidarité humaine aux ménages stériles ou défruités… un transport d’orgueil colore vivement ses joues… « Par sa victoire sur soi-même, sur le préjugé, sur les conventions sociales, ouvrage des clairvoyants qui en perpétuent l’étroitesse et l’hypocrisie, il s’estime au-dessus d’eux, et plaint à son tour leur incurable aveuglement. »
Sur ces hauteurs la tête me tourne. Déconcerté, je demeure incrédule. J’ai envie de descendre pour me ressaisir, éplucher un dernier texte, critiquer une phrase, cet adjectif…
Blanc – Allez, vous êtes un ingrat. Ne tombez jamais que sur de pareils livres.

J. Renard



Les chroniques de Jules Renard, reprisent sur Livrenblog :

Vamireh, roman des temps préhistoriques par J. H. Rosny (« Les Livres » Mercure de France N° 28 d'Avril 1892)
Baisers d’ennemis par Hugues Rebell (« Les Livres » Mercure de France N° 33 septembre 1892)
La Force des choses par Paul Margueritte (« Les Livres » Mercure de France N° 18 Juin 1891)
Bonne Dame d'Edouard Estaunié (« Les Livres » Mercure de France, janvier 1892)
Les Veber's (« Les Livres » Mercure de France, octobre 1895)
L'Astre Noir par Léon–A. Daudet ("Les Livres" Mercure de France, janvier 1894)
Le Roman en France pendant le XIXe siècle par Eugène Gilbert (Plon). ("Les Livres" Mercure de France, février 1896)

Jules Renard sur Livrenblog :

Portrait par Pierre Veber, Sous-Bois, Les Lutteurs. Les Veber's. Félix Vallotton - Jules Renard. La Maîtresse. Histoires Naturelles. Bucoliques de Jules Renard par Léon Blum

jeudi 20 septembre 2007

REVUE BLANCHE ET CRI DE PARIS



Pour bientôt un livre et une exposition consacré à la Revue Blanche.

Le livre : Il est sorti officiellement hier : Paul-Henri Bourrelier, La Revue blanche – Une génération dans l'engagement 1890-1905, Fayard, 1200 pages, oui, vous avez bien lu mille deux cent pages, il n'en faut pas moins pour parler de la revue des frères Natanson, de leur maison d'édition et du magnifiquement illustré Cri de Paris. Jarry, Fénéon, Tristan Bernard et son Chasseur de Chevelure, Charles-Louis Philippe, Marcel Proust, Mallarmé, Gourmont, Gide, Claudel, Apollinaire, Paul Adam, les peintres Nabis (Bonnard, Vuillard), les Néo-impressionnistes, les illustrateurs affichistes de l'Art Nouveau (Vallotton, Hermann-Paul, Cappiello) et tant d'autres participèrent à cette aventure tant littéraire, esthétique, que politique. Le livre n'est pas encore lu, pas encore vu même, mais vous ne perdez rien pour attendre.

L'expo : Elle aura dans la Salle Royale, Église de la Madeleine, Paris 8ème du 24 octobre au 10 novembre 2007 et s'intitule 1894-1905 de Montmartre à La Madeleine La Revue Blanche et le Cri de Paris. Vallotton, Hermann-Paul, Cappiello... Vivement le 24 octobre... Compte-rendu dans Livrenblog à la suite de la visite.

Pour patienter Livrenblog vous offre une petite visite virtuelle avec des illustrations extraites du Cri de Paris :














Une adresse à laquelle on trouvera, paraît-il, bientôt des informations supplémentaires sur l'exposition : http://www.revueblanche.com/

mardi 18 septembre 2007

LE DIABOLIQUE CONRAD MORICAND


Tous les lecteurs d’Henry Miller connaissent Conrad Moricand. Il est, sous le pseudo transparent de Téricand, l’astrologue d’Un Diable au Paradis, roman où Miller conte son séjour catastrophique à Big Sur. C’est en 1936 qu’Anaïs Nin présente l’astrologue Conrad Moricand à Miller, il découvre alors un personnage étrange, aux « visages multiples », «un stoïque, traînant partout sa tombe avec lui », « Ce n’était pas seulement un astrologue et un savant imbibé de philosophies hermétiques, mais aussi un occultiste. Dans son apparence il avait quelque chose du Mage » « c’était un incurable dandy menant la vie d’un clochard. Et la menant tout entière dans le passé ». Miller est séduit, non seulement Moricand le renseigne sur l’astrologie mais il s’exprime comme un poète et conte des anecdotes sur les écrivains et les peintres célèbres. Pour l’expatrié de Brooklin, ne parlant pas couramment le français, fasciné par la vie intellectuelle parisienne, les monologues de Moricand sont « un double plaisir – celui de [s’] instruire (et pas seulement en astrologie) et le plaisir d’écouter un musicien ». Plus tard Miller invitera Moricand à venir vivre avec lui à Big Sur « c’était un peu comme d’inviter Mélancolie à venir se pencher sur votre épaule » écrit-il, pire, Moricand sera Un Diable au Paradis, et le héros d’un roman tragi-comique. Mais qui était donc Conrad Moricand ? Les bibliographies nous renseignent peu sur le personnage, il ne trouvera d’éditeur que pour ses ouvrages d’astrologie, la liste de ses livres et collaborations (sous son nom ou sous le pseudonyme de Claude Valence) pourtant nous donnent quelques informations sur ses amitiés, consultons la :

Les Interprètes, essai de classement psychologique d'après les correspondances planétaires. Préface de Max Jacob. Paris, La Sirène, 1919, 1 vol. in-12, 72 pp., tirage limité.

Miroir d’Astrologie. Paris, Au Sans Pareil, 1928. in-8, 130 pp. Dédié à Max Jacob. (20 exemplaires numérotés sur bouffant, réservés aux Amis du Sans Pareil). Édition définitive Max Jacob et Claude Valence. Miroir d'astrologie. Paris, 1949. In-16, 256 pp.

Portraits Astrologiques. Paris, Au Sans Pareil, 1933, In-4, 95 pp. Dédié à Blaise Cendrars. 10 Portraits Astrologiques de Van Dongen, Cendrars, Morand, Picasso, Jouvet, Briand, Cocteau, Mandel, Tardieu et L. Daudet. (D’après la déclaration au dépôt légal, le tirage est de 415 exemplaires).

Claude Valence. Les Traces du culte d'Isis dans le nom, l'emblème et le thème zodiacal de la ville de Paris. [Avertissement par Théophile Briant.] Paramé, Éditions du ″Goëland″, (Dinard, impr. de A. Liorit), 1952. In-8, 32 p., pl. en noir et en coul., couv. ill. (publié en 1942 dans la revue Le Goéland.)

Les cinquante rames du navire Argo. Préface de Frédéric-Jacques Temple. Montpellier, à la licorne, 1955. 17 pages (5), 167 mm x 113 mm. Broché, couverture rempliée, imprimée en noir et bleu. Tirage limité à 150 exemplaires sur papier Offset.

Les Signes du Zodiaque suivi de "Comment dresser un horoscope". Bibliothèque des dames et des demoiselles. Cercle Du Livre Précieux, Paris, 1966. In-16. Illustrations hors-texte. Imprimée sur papier bleu, tirage limité à 3000 exemplaires numérotés.

Moricand illustrateur :

Salmon (André) : Mœurs de la famille Poivre. Roman orné de dessins de Conrad Moricand. L'Eventail, Maîtres et jeunes d'aujourd'hui, chez Kundig, Genève, 1919, in-8, 152 pp. 9 illustrations hors texte en noir de Conrad Moricand. Tirage limité à 776 exemplaires.

Cendrars (Blaise) : Aujourd’hui. Paris, Grasset, 1931. In-8. En hors texte main de l'auteur par Conrad Moricand.


Articles publiés dans Le Goéland de Théophile Briant :

Déterminisme et astrologie.
Points d’Orgue (extraits)

Conrad Moricand est né en 1887, dans une famille de l’aristocratie suisse. Après son baccalauréat il fréquentera les Académies de Peinture et les artistes de Montmartre et de Montparnasse, c’est à cette époque que dans son hôtel particulier du quartier Pigalle, il rencontre Modigliani, Cendrars, Carco, Picasso, Salmon, Kisling, Cocteau, Van Dongen, et surtout Max Jacob, dont il acquerra des gouaches. Moricand est alors connut comme mécène et collectionneur. Son ami Max Jacob lui conseillera de s’occuper de thèmes astrologiques et servira d’intermédiaire pour la publication de ses premiers livres. En 1935, Moricand est ruiné, Henry Miller écrira « jamais je ne l’ouïs dire le moindre mal de l’homme responsable de sa dégringolade dans le monde », trop confiant, Moricand aurait donc était victime d’un escroc. Il vivra à l’ Hôtel Modial, 21 rue Notre-Dame de Lorette à Paris, jusqu’en 1938, date à laquelle il contracte un engagement dans la Légion Etrangère dont il sera réformé au bout de quelques mois. En 1940 par l’intermédiaire de Max Jacob il rencontre Théophile Briant, fondateur et directeur de la revue Le Goéland, revue qui publiera quelques uns de ses articles. D’après Henry Miller, durant la guerre Moricand fut engagé par un ami pour travailler à Radio Paris, nous ne savons pas au juste quel fut son rôle dans cette radio collaborationniste. En 1944 on le retrouve en Suisse, à Vevey, où il vit d’expédients et de l’aide de quelques amis. En 1947 Miller l’invite à venir vivre à Big Sur en Californie. La confrontation de personnalités aussi différentes que ces deux là ne pouvait aboutir qu’à une explosion qui aura lieux au bout de quelques mois, obligeant Moricand à se réfugier à San Francisco. Immigré sans titre de séjour, il sera arrêté, incarcéré et expulsé des Etats-Unis. Dans un premier temps c’est Théophile Briant qui l’accueillera en Bretagne, puis il reprendra ses habitudes à l’Hôtel Modial. En 1950 il entre dans un asile de vieillards où il écrit alors ses mémoires. Le 31 août 1954, terrassé par une angine de poitrine, il meurt à l’hôpital Saint-Antoine.
Il existe peu de documents sur Moricand, pourtant un numéro double de la revue Le Pont de l’épée, lui consacre un dossier dans lequel on peut trouver une biographie succincte (à laquelle notre billet doit presque tout), une bibliographie, des notes, des articles sur Montherlant, Henri Matisse, Modigliani, des poèmes érotiques, des documents sur « L’affaire Miller » (Lettres à Théophile Briant, Henry Miller, et textes de Moricand sur le cas Miller écrits à San Francisco), et un texte anonyme sur la mort de Moricand. Les documents publiés par Le Pont de l’épée proviennent d’un paquet déposé à la revue par un mystérieux Stephan J. Collier. Les souvenirs de Moricand, Quand le Diable l’emporte, figurant dans la liste de ses écrits inédits, ne figuraient pas dans ce paquet de documents et restent donc à découvrir. Toujours d’après ces documents il existerait à la Bibliothèque Nationale près de deux cent lettres de Max Jacob adressées à Conrad Moricand.


Moricand tenta dans de courtes phrases, parfois vachardes, parfois poétiques de définir quelques-uns de ses contemporains, en voici quelques exemples :

Blaise Cendrars : la pierre à feu. / un rail qui brille sous la lune.
Max Jacob : l’oiseau de feu.
Jean Cocteau : cristal de poche.
Braque : un coffre fort dans un terrain vague.
Honegger : une petite bonne de talent.
Marcel Schwob : un vent de Pâques.
Drieu La Rochelle : la colique internationale.
Jean de Boschère : Baudelaire…de rechange.
Léon-Paul Fargue : le barman de l’Apocalypse. / un samouraï.

Moricand était aussi dessinateur, dans Un Diable au Paradis, Miller décrit ces dessins comme « Pervers, sadiques, sacrilèges. Enfants violés par des monstres lubriques, vierges en train de pratiquer toutes sortes d’actes sexuels illicites, nonnes se déflorant à l’aide d’objets sacrés… flagellations, tortures médiévales, démembrements, orgies coprophagiques et ainsi de suite. Le tout exécuté d’une main délicate, sensible, propre à grossir encore l’élément dégoûtant du sujet traité ». Moricand tentera, sans succès, de vendre une centaine de ces dessins à San Francisco afin de pouvoir rentrer en France. Les sujets scabreux à caractères sexuels ne furent pas les seuls sources d’inspiration de Moricand comme le prouvent les dessins figurant en 1919 dans le livre d’André Salmon Mœurs de la famille Poivre, et que nous reproduisons ici.

Lire :
Le Pont de l’épée 73/74, 3è et 4è trimestre 1981. Directeur : Guy Chambelland. La Bastide d’Orniols, Goudargues 30630.
Miller (Henry) : Un Diable au Paradis a été édité aux éditions Buchet / Chastel et existe en format poche en 10/18.

dimanche 16 septembre 2007

Remy de Gourmont / Jules Renard

Suite des chroniques de Jules Renard au Mercure de France.

Le compte-rendu qui suit a été publié dans le volume III des œuvres complètes de Jules Renard aux éditions Bernouard, mais exceptionnellement un autre collaborateur du Mercure, Remy de Gourmont, a lui aussi rendu compte du livre bien fade de Paul Margueritte.

N° 18 Juin 1891 La Force des choses par Paul Margueritte (Kolb) « Les Livres »
(Deux de nos rédacteurs ont fait la bibliographie du livre de M. Paul Margueritte : il nous a parut intéressant d’insérer les deux notes.)

- Un jeune officier démissionnaire par amour ; liaison avec une charmante créature, ménage irrégulier, enfant. Opposition des parents à un mariage qui serait de devoir et très honorable. Mort de la jeune femme. C’est le point de départ. D’autres amours se déroulent et cela se clôt par un mariage que n’osent désapprouver les parents, mais qui ne leur plaît pas encore. La Force des choses, c’est la logique ou peut-être l’illogisme de la vie, l’enchaînement des causes, les surprises du cœur, les conséquences souvent folles d’un acte en soi indifférent, l’influence des préjugés sur des caractères par trop raides, etc. Il y a dans ces pages d’une jolie mélancolie des observations extrêmement fines, des tracés psychologiques d’une surprenante netteté, mais l’ensemble est un peu morne, ou du moins l’auteur abuse de la demi teinte, ne différencie ses fonds que par d’imperceptibles nuances. Cette délicatesse de touche n’est peut-être pas excessive en un sujet, où, en somme, le principal personnage n’appelle à lui que des sympathies moyennes, n’étant ni brutalisé à l’excès par la vie, ni révolté contre des événements dont il souffre sans y laisser toute possibilité de joies, - mais cela diminue d’autant, à la longue, l’intérêt que l’on prend aux subtiles déductions du récit. Paul Margueritte est un écrivain charmant et plein de grâce, enclin à la douceur des indulgences ; il voit symboliquement la vie comme une plante penchante qu’il faut arroser d’absolutions et dont les odeurs, à certaines heures du soir vénéneuses, deviennent, sous un discret soleil, inoffensives. Cette douteuse plante, il l’aime, et, serait-elle plus décidément empoisonnée et empoisonneuse, qu’il lui pardonnerait encore, - rien que pour ses sourires de fleur triste. Faut-il envier ceux qui s’intéressent à la vie, autrement que comme spectacle et mouvement, - ou seulement admirer leur courage ? « Tout coule, tout coule ! » C’est peut-être pourquoi il est préférable de ne s’attacher qu’à ce qui demeure ; et quel est le nom de ce qui demeure ? – Symbole.
R.G.

Pierre Jorieu vient de perdre Claire, la seule femme qu’il ait aimé, et cette cruelle question l’obsède : - « l’ai-je assez aimée, seulement ? » - Il déplore les insignifiantes bouderies, les caresses épargnées. Il croit sa vie finie. – « Nous ne sommes maîtres ni de notre vie ni de notre mort. » a écrit Tolstoï. – « Mais, a dit Flaubert, le temps passe, l’eau coule et le cœur oublie ! » Pierre Jorieu revoit Madame de Reynis qu’il avait connue jeune fille. Il se sent moins malheureux. Ses chagrins, revécus devant elle, lui paraissent moins amers, et parce qu’il doit se séparer quelques temps de son amie, son cœur se serre déjà douloureusement. Leur séparation se prolonge assez pour que Pierre s’en console (le mot est bien léger) avec Suzanne Dolbeau. Sous le grand portrait de Claire qui le regarde, de ses yeux fixes, il connaît une nouvelle forme de volupté, le plaisir plutôt que le bonheur. « Cependant le soleil se lève ! » - Madame de Reynis est de retour. Pierre prend la photographie de Suzanne et la brûle sans regret. Elle aussi, à son tour, comme Claire, elle est déjà oubliée.. « Qu’il aime demain, celui qui n’a pas aimé. Qu’il aime encore demain, celui qui a aimé. » (Châteaubriand, d’après Publius Syrus.) S’il est vrai que le roman est une histoire feinte, écrite en prose, où l’auteur cherche à exciter l’intérêt par la peinture des passions, des mœurs, ou par la singularité des aventures, M. Paul Margueritte dédaigne visiblement ce dernier moyen. Aucune complication n’embarrasse son roman, et pour me servir des termes qu’il affectionne, son livre est simplement doux, triste, délicieux. Les choses s’y montrent inexorables autant que Monsieur et Madame Jorieu, mais pas une de ses victimes ne se révolte. – « Nos vies se sont rencontrées, dit Suzanne, elles se séparent ; nous nous sommes aimés, eh bien, tant mieux, je ne le regrette pas, allez ! » - Et Pierre murmure avec un soupir : - « Vous valez mieux que moi ! » - M. Margueritte sait l’art de manier les âmes souffrantes avec des doigts délicats, d’éviter les cris inutiles, de teinter les joies de tristesse et de laisser planer sur toute son œuvre, sans banalité, une mélancolie point trop pesante. Il accomplit ce tour de force de nous faire goûter trois cent cinquante pages de prose, par ces temps où l’horreur du délayage commence à devenir sacrée.
J.R.




Les chroniques de Jules Renard, reprisent sur Livrenblog :

Vamireh, roman des temps préhistoriques par J. H. Rosny (« Les Livres » Mercure de France N° 28 d'Avril 1892)
Baisers d’ennemis par Hugues Rebell (« Les Livres » Mercure de France N° 33 septembre 1892)
Les Emmurés, roman par Lucien Descaves (« Les Livres » Mercure de France, Janvier 1895)
Bonne Dame d'Edouard Estaunié (« Les Livres » Mercure de France, janvier 1892)
Les Veber's (« Les Livres » Mercure de France, octobre 1895)
L'Astre Noir par Léon–A. Daudet ("Les Livres" Mercure de France, janvier 1894)
Le Roman en France pendant le XIXe siècle par Eugène Gilbert (Plon). ("Les Livres" Mercure de France, février 1896)

Jules Renard sur Livrenblog :

Portrait par Pierre Veber, Sous-Bois, Les Lutteurs. Les Veber's. Félix Vallotton - Jules Renard. La Maîtresse. Histoires Naturelles. Bucoliques de Jules Renard par Léon Blum

UNE LETTRE DE FRANC-NOHAIN




Mon cher ami,
J’ai trouvé votre aimable invitation en rentrant de St Raphaël, et les loisirs de mon journal et de la critique dramatique ne me permettent pas, hélas ! de repartir aussitôt. J’en éprouve le chagrin le plus vif, car vous savez mon affection pour Terrasse, et la joie que j’aurais eu à assister aux belles fêtes que vous avez si justement et si joliment organisées en son honneur. Je préviens [deux mots illisibles] notre correspondant lyonnais d’avoir à nous envoyer un compte-rendu complet.
Et mon regret se double de manquer une aussi agréable occasion de vous revoir.
Avec mon meilleur et dévoué souvenir.

F. Nohain

N’allez-vous pas monter la Marche Indienne aux Célestins, puisqu’elle marche très bien à l’Odéon ? Vous devriez en parler à Gémier qui doit aller à Lyon samedi.

13. III. 27

Cette lettre de Franc-Nohain pourrait bien être adressée à Charles Moncharmont, directeur du théâtre des Célestins à Lyon, en effet du 15 au 21 mars 1927 est représenté dans ce théâtre Monsieur de La Palisse Opéra-bouffe en 3 actes avec une musique de son ami Claude Terrasse (livret de Robert de Flers et Gaston Arman de Caillavet). Claude Terrasse est mort en 1923 à 56 ans, sa collaboration avec Franc-Nohain commence à l’époque du théâtre des Pantins, avec Alfred Jarry, A.-Ferdinand Herold, et les peintres Bonnard ou Ranson. Dès 1898 Terrasse et Franc-Nohain écrivent Vive la France ! Trilogie à grand spectacle, Trois tableaux, un prologue, une apothéose, interdite par la censure après une représentation au théâtre des Pantins, la même année paraissent les chansons du Répertoire des Pantins, au Mercure de France, 6 fascicules on l’on retrouve les deux compères avec Trois chansons à la charcutière, La Complainte de Monsieur Benoît, Paysage de neige et Berceuse obscène. Plus tard ce seront des opérettes, Opéra-bouffes et Comédie-musicales dont La célèbre Fiancé du scaphandrier (1902) aux hilarantes péripéties.

La pièce de Franc-Nohain, La Marche Indienne était à l’affiche du théâtre de l’Odéon pour la saison 1926-1927, nous ne savons pas si elle fut reprise au théâtre des Célestins. Firmin Gémier dirigeait l’Odéon, à la suite d’Antoine, depuis 1922.

Pour en savoir plus sur Claude Terrasse la fréquentation du site créé par Philippe Cathé est fortement conseillée par le blogueur dilettante.

A lire :

Philippe Cathé Claude Terrasse, préface d’Ornella Volta, l’Hexaèdre éditions (2004)

Sur Franc-Nohain voir le chapitre que lui consacre François Caradec dans son indispensable biographie d’Alphonse Allais aux éditions Fayard (1997).


Théâtre des Pantins sur Livrenblog : Alfred Jarry et Le Théâtre des Pantins. "Vive la France !" Le Théâtre des Pantins censuré.

Léopold Dauphin, Mallarmé, Madeleine Legrand, dans l'Aube Méridionale.



vendredi 7 septembre 2007

Lire en ligne ou la bibliothèque numérique

Qu'on le veuille ou non, la révolution numérique est en marche et la Bibliothèque Nationale de France n'est pas à la remorque, allez faire un tour sur Gallica, le catalogue des oeuvres numérisées pour vous rendre compte, 90 000 ouvrages disponibles, un outil unique pour tous les chercheurs et amateurs.

Depuis quelques temps, Gallica met en ligne des collections complètes de journaux, avec à terme, l'accès à plus de trois millions de pages. La Croix, Le Temps, Le Monde diplomatique, Le Figaro, Le Figaro littéraire, L'Humanité, Ouest-Eclair, La Presse, Le Journal des débats, sont les titres en cours de numérisations, dans l'avenir on trouvera, Le Petit Parisien et son supplément littéraire illustrée, Le Gaulois et Le Gaulois du dimanche, L’Aurore, La Justice, Le Petit Journal et son supplément illustré, L’Action Française, Le Matin, Le Constitutionnel, L’Univers, L’Intransigeant, Le Rappel, Gil Blas, La Lanterne, L’Echo de Paris. Voila qui promet de longues lectures en ligne.

A côté de cet ambitieux plan de numérisation "brut", des éditeurs publient des livres numériques, notre préféré, Les Editions du Boucher, propose un catalogue qui comprend déjà des titres de Paul Adam, Barbey d'Aurevilly, Petrus Borel, Duranty, Vivant Denon, les Goncourt, Littré, Huysmans, Lorrain, Mirbeau, Rodenbach, Marcel Schwob, etc. La Médiathèque de Lisieux, mérite elle aussi le détours pour tout ceux qui comme moi, de plus en plus, consultent des textes en ligne ou les téléchargent.

Jules Renard / Hugues Rebell : Une partie d'écarté

Comme promis un autre compte-rendu de Jules Renard trouvé dans le Mercure de France N° 33 de septembre 1892. Il s’agit cette fois d’un livre d’Hugues Rebell, Baisers d’ennemis. Renard s’y montre un critique original dans la forme, fin, impertinent, un poil sarcastique, pas méchant, presque bon enfant, sa plume est légère comme la touche d’un escrimeur moderne, faisant mouche sans faire mal. Rebell, critique de lui-même dans les babillages de la sortie, lui rend la tâche plus facile.


Baisers d’ennemis par Hugues Rebell (Sauvaitre)

Vous êtes un froissé, Maxime, mais vous recherchez avec ingéniosité ce qui vous choque. Riche, vous prenez d’abord comme maîtresse une grue. Elle est bête, méchante. Elle ne vous aime pas. Espériez-vous donc qu’une grue ne serait plus une grue, ou l’avez-vous choisie pour souffrir ? Un bon mouvement : au lieu de lui réciter du Léon Dierx, mettez Félicienne à la porte et n’en parlez plus. – Félicienne « ne veut pas » quand elle est en toilette neuve. Elle a raison. C’est dans la salle à manger qu’on mange et dans la chambre à coucher qu’on se couche. J’ai entendu une femme s »écrier : « Non, non pas de dans le salon : ça fait des miettes ». – Que de fois, Maxime, vous déposez négligemment sur la cheminée des bank-notes, des billets de banque, sans doute. Mais combien ? Et de combien ? Je voudrais savoir, moi. – Ne trouvez-vous pas que les mots tendre, caressant, exquis, mélancolique, fin, suave et rare, reviennent souvent sous la plume de l’auteur ? Ces sept mots, je les lui joue à l’écarté ; s’il perd, il n’aura plus le droit de s’en servir. Nous verrons sa mine. – Vous voilà marié. Vous avez de l’expérience et vous recommencez encore. Maxime, mon cher Maxime, je vous en supplie, déshabituez-vous de dire, aux meilleurs moment de l’amour, des vers qui ne sont pas même de vous. Maintenant, c’est du Théophile de Viau que vous murmurez à l’oreille de Nell, votre femme légitime. Quelle rage ! Si ce qui doit vous arriver vous arrive, vous l’aurez mérité ! – Elle est adorable, Nell. D’autres que vous s’en contenteraient et ne lui demanderaient que « le bonheur de dîner à deux, de se livrer aux mille fantaisies d’amoureux exultant de boire aux même verre, d’échanger, en un croisement de langues, leur nourriture ». Très bien ! très bien ! – Ouiche ! Vous essayez de lui faire comprendre Rubens. Vous menez Nell au Louvre, côté des tableaux, quand elle voudrait aller en face, aux grands magasins du même nom. Mon pauvre ami, vous êtes fou. Vous savez à fond l’art de se rendre malheureux. Vous vous « remémorez », vous « évoquez » ; sans cesse, des nuages « se lèvent dans votre mémoire ». Vous perdez le temps présent à dire « zut » au passé ! – Et puis, une fois pour toutes, laissez-donc les orgues de barbarie et les pianos tranquilles. Un beau piano à queue, ce n’est pas plus sale qu’autre chose. – Le livre est terminé. L’auteur le relit, et se juge librement, donne un exemple d’impartialité au critique, et l’attendrit : « Je revois, dit-il dans ses babillages de la sortie, la vie monotone de Maxime, et je me reproche d’avoir un peu trop pris au sérieux un si piètre héros. Je hais tellement les grossiers satisfaits, ces rieurs qui remplissent le monde de leurs éclats et de leur lourde gaieté, que je suis tombé dans l’excès contraire, - les larmes et les lamentations inutiles. Sans doute que Maxime ne fut point heureux, mais son malheur, qui est aussi, je crois ; celui de beaucoup, n’a cependant pas assez d’importance pour remplir tout un volume ; et en voulant le dépeindre le plus fidèlement possible, je me suis probablement abusé….. Je m’accuse, comme d’un outrage à la beauté, quand je notais tant de détails mesquins, d’avoir un peu négligé la grâce des amies qui se penchèrent sur Maxime pour le consoler, grâces fuyantes, et, si l’on veut, toutes subjectives, mais (qu’importe ?) aussi réelles. »
- Tous, nous devrions imiter cette franchise et cette modestie. Aussi je rends volontiers à l’auteur deux des mots gagnés à l’écarté, et je les applique à son talent, qui est « exquis et rare ».

J.R.
Pour connaître les règles de l'écarté c'est ici.
Un article d'Hubert Juin sur Hugues Rebell dans le Magazine Littéraire

Les chroniques de Jules Renard, reprisent sur Livrenblog :
Vamireh, roman des temps préhistoriques par J. H. Rosny (« Les Livres » Mercure de France N° 28 d'Avril 1892)
La Force des choses par Paul Margueritte (« Les Livres » Mercure de France N° 18 Juin 1891)
Les Emmurés, roman par Lucien Descaves (« Les Livres » Mercure de France, Janvier 1895)
Bonne Dame d'Edouard Estaunié (« Les Livres » Mercure de France, janvier 1892)
Les Veber's (« Les Livres » Mercure de France, octobre 1895)
L'Astre Noir par Léon–A. Daudet ("Les Livres" Mercure de France, janvier 1894)
Le Roman en France pendant le XIXe siècle par Eugène Gilbert (Plon). ("Les Livres" Mercure de France, février 1896)

Jules Renard sur Livrenblog :

Portrait par Pierre Veber, Sous-Bois, Les Lutteurs. Les Veber's. Félix Vallotton - Jules Renard. La Maîtresse. Histoires Naturelles. Bucoliques de Jules Renard par Léon Blum