mercredi 18 mars 2009

François Coppée essentiel par Jules RENARD


on prétend justement que cette année les haricots seront hors de prix....


Le florilège qui suit, publié dans la Revue Blanche N° 53 du 15 août 1895, est signé d'un dessin, un renard dessiné par Toulouse-Lautrec, dessin qui servait d'ex-libris à Jules Renard. On peut donc raisonnablement supposer que c'est à l'auteur de l'Ecornifleur que nous devons ce petit travail anthologique. C'est toute l'âme patrioticarde de Coppée, sa philosophie de joueur de bouchon, son style populiste, fait de lieux communs, de bon sens, de sentimentalisme, que l'on y retrouvent.


François Coppée essentiel
(Le Journal, passim)


« Parisiens, mes amis, moi, pâle et chétif Parisien, je voudrais donner mon modeste avis, et je viens ajouter ma goutte au fleuve d'encre qui a coulé...
« Il faut vous dire que je loge au rez-de-chaussée..... »
« Je prends, comme disent les bonnes gens, l'omnibus de mes jambes.....
« Moi qui vous parle, la main sur la conscience.....
« Celui qui écrit ces lignes sent au fond de son coeur de vieux Latin, pénétré de l'esprit évangélique.....
« Lâchons le mot.....
« Tranchons-le.....
« Suis-je le jouet d'une illusion ?.....
« On va me trouver bien naïf.....
« Êtes-vous comme moi, je.....
« C'est un tic, si vous voulez, mais que voulez-vous ?..... »
« Je ne suis qu'un pauvre objectif.....
« Mon instinct de brave homme...
« Grâce à Dieu, je suis insouciant de nature, et franc du collier.....
« Simple et modeste ignorant, ignorantus, ignoranta, ignirantum.....
« Au fond, voyez-vous, malgrès les airs que je prends quelquefois de me moquer du monde, je suis la dernière grisette..... »
« Il paraît que ma physionomie excite les statuaires et les peintres.....
« Je sais bien que si j'étais chimiste.....
« Décidément, je n'ai rien d'un globe-trotter.....
« Mettons que je sois un réactionnaire indécrottable.....
« Blaguez-moi tant que vous voudrez.....
« Laissez-moi mon petit esprit.....
« Le public, voyez-vous, est simpliste.....
« La justice absolue n'est pas de ce monde.....
« Baccalauréat, voilà de tes coups !.....
« Dieu me pardonne, je tombe dans l'esthétique, alors que je n'y entends goutte et que je considère cette prétendue science, entre nous soit dit, comme de la viande à gens soûls. Excusez-moi.....
« Esprits positifs, je vous en prie, grâce pour l'idéal.....
« Impitoyables rationalistes, et vous, moins excusables encore, sceptiques dilettantes.....
« Tenez pour certain que ce sécot de Taine.....
« Hirondelles, mes soeurs !.....
« Est-ce parce que je vieillis, mais je trouve que le vieux jeu avait du bon.....
« Opinions de poète ! Romance ! Dira-t-on. Je ne déteste pas la romance.....
« Est-ce que cela ne vous fait pas bouillir les sangs, comme disent les commères...
« Ouvrons l'oeil et le bon.....
« A nous deux, sire, causons un peu.....
« Tout beau, messieurs les politiciens.....
« Qu'est-ce à dire, messieurs les humbles serviteurs du suffrage universel ?.....
« Mystère et pots de vins.....
« Cela dit, ne nous emballons pas.....
« A quoi bon envoyer de nouveau des hommes politiques à Mazas ? Le budget des prisons est déjà bien assez lourd et on prétend justement que cette année les haricots seront hors de prix....
« Tout cela est bel et bon, mais, tudieu ! Qu'on tienne ferme le drapeau !.....
« Qu'importe, après tout, si le drapeau est planté sur la brèche.....
« Le paradis des braves à tout ceux qui, comme moi, ont le coeur cocardier et aiment à entendre rimer gloire et victoire.....
« Ce livre à fait se hérisser de satisfaction le bonnet à poils que j'ai dans le coeur.....
« Pardon de la métaphore rococo, elle a le mérite d'être exacte.....
« Et mon grand empereur a eu tout de même une fameuse idée.....
« J'ai eu des picotements dans les yeux.....
« Mes larmes de vaincu, larmes de faiblesse et de honte, la patrie elle-même les avait essuyées avec un pan du drapeau.....
« Je me revoit au temps où nous faisions, sur le trottoir du chemin de ronde, tant de patriotiques parties de bouchon.....
« J'espère que jamais on n'arrachera cette page glorieuse de notre histoire !.....
« O vieille France ! Ô Gallia...
« Mais voici que je me souviens que le canon gronde là-bas..... »


François COPPÉE (1842–1908). Académicien Français en 1884. Officier de la Légion d'Honneur en 1888. Les meilleurs poèmes signés Coppée sont des parodies par Rimbaud ou Verlaine, et figurent dans L'Album zutique.
Aux livres de chevet


Aux livres de chevet, livres de l'art serein,
Obermann et Genlis, Vert-Vert et le Lutrin,
Blasé de nouveauté grisâtre et saugrenue,
J'espère, la vieillesse étant enfin venue,
Ajouter le traité du Docteur Venetti.
Je saurai, revenu du public abêti,
Goûter le charme ancien des dessins nécessaires.
Ecrivain et graveur ont doré les misères
Sexuelles, et c'est, n'est-ce pas, cordial :
Dr Venetti, Traité de l'Amour conjugal.


F. Coppée [Arthur Rimbaud]



Les chroniques de Jules Renard, reprisent sur Livrenblog :Vamireh, roman des temps préhistoriques par J. H. Rosny (« Les Livres » Mercure de France N° 28 d'Avril 1892) Baisers d’ennemis par Hugues Rebell (« Les Livres » Mercure de France N° 33 septembre 1892) La Force des choses par Paul Margueritte (« Les Livres » Mercure de France N° 18 Juin 1891) Les Emmurés, roman par Lucien Descaves (« Les Livres » Mercure de France, Janvier 1895) Bonne Dame d'Edouard Estaunié (« Les Livres » Mercure de France, janvier 1892) Les Veber's (« Les Livres » Mercure de France, octobre 1895) L'Astre Noir par Léon–A. Daudet ("Les Livres" Mercure de France, janvier 1894) Le Roman en France pendant le XIXe siècle par Eugène Gilbert (Plon). ("Les Livres" Mercure de France, février 1896)
Jules Renard sur Livrenblog :
Portrait par Pierre Veber, Sous-Bois, Les Lutteurs. Les Veber's. Félix Vallotton - Jules Renard. La Maîtresse. Histoires Naturelles, Bucoliques de Jules Renard par Léon Blum. Jules Renard par Paul Acker.


4 commentaires:

olivier goetz a dit…

Un peu sévère, le jugement. Et, ne serait-ce que par esprit de contradiction, rouvrez, s'il vous plaît, Olivier (c'est le titre d'un grand poème de 1886) où l'on voit des choses charmantes comme celle-ci :

— Un peu plus tard, lorsqu'il se sentit fatigué
Des grisettes qui lui trouvaient l'air distingué
Et qu'il courut un peu le théâtre, une actrice
Se prit pour ses yeux bruns d'un violent caprice
Et mit ses diamants au mont-de-piété
Pour courir avec lui, libre, tout un été,
Et l'adorer, fourmi transformée en cigale,
Dansles bois de Meudon, en robe de percale.

zeb a dit…

Aviez-vous remarqué, que le jugement du blogueur dilettante ne vient s'interposer que rarement entre vous et les textes choisis ? La raison est qu'il n'aime pas interférer avec le goût des uns ou des autres et que toutes discussions littéraires lui semble vaines. Il est même prêt à admettre que François Coppée est parfois un poète charmant.

olivier goetz a dit…

Aussi n'était-ce pas une critique portée à cet admirable blogueur, qui exhume ici tant de merveilles oubliées, d'images précieuses, de textes rares… Mais plutôt le point de vue d'un autre dilettante, précisément, qui se dit que l'histoire littéraire aurait tout à gagner à ne pas restée prisonnière de jugements à l'emporte-pièce d'auteurs, aussi admirables soient-ils (ô Rimbaud ! ô Jules Renard !) qui devaient, en leur temps, combattre le passéisme et les dogmatisme contre lesquels ils se positionnaient pour exister. Aujourd'hui,leur querelle est datée, et le dogmatisme ou le passéisme consisterait, précisément, à rester confiné dans des positions dont la portée avant-gardiste appartient à l'Histoire. Il est désormais possible de lire et Rimbaud et Coppée. Reconnaissons que les lecteurs de l'un sont beaucoup plus nombreux et puissants que les lecteurs de l'autre…

zeb a dit…

Préférer Rimbaud à Coppée serait dogmatique et passéiste ? Vous n'êtes pas le seul à le penser. Voir : http://velvetyne.typepad.com/velvetyne/2009/03/un-peu-de-fran%C3%A7ois-copp%C3%A9e-le-vrai.html