Pour Remy de Gourmont.
Droite en son vêtement d'impassibilité,
Elle évoque la majesté mélancolique
D'une sainte, au long corps rigidement sculpté
Dans un portail de cathédrale catholique.
Mais son âme est un soir d'été pourpre d'éclairs,
Retentissant d'un vent d'épouvante, qui brise
Les fleurs falotes et les hauts calices clairs
Épris de ciel limpide et de soupirs de brise.
Elle paraît ainsi bien Reine pour ces temps
Enveloppés de leur linceul de décadence,
Où toute Joie est travestie en Mort qui danse,
Et l'Amour en vieillard, dont les doigts mécontents,
Brodent, sans foi, sur une trame de mensonge
Des griffons prisonniers dans des palais de songe.
Nouvel Écho, N° 9, 1 mai 1892.Sur un livre d'Edouard DubusQuand les Violons sont partis
I
Quand les violons sont partis
Cent violons mignons d'une grâce ancienne,
Vêtus de bleu, de rose et de noir plus souvent,
et qui jouaient
Des musiques de la couleur de leur costume.
M. Édouard Dubus, orfèvre symbolique et pieux, évoque en son âme de vrai poète leurs charmants concertos mélancoliques, note avec amour leur lieder évanouis qui tintent encore, prolonge la féérie du son, et pour la magicienne reine de ses rêves, sertit leurs folles notes d'amertume.
En maint joyau voilé d'ombre crépusculaire...
Ces seul vers résume mieux que toutes gloses la poétique de l'auteur, un quasi-parnassien doucement somptueux, à l'âme vague...
Ces violons en allés, violons fébriles de printemps ou violons alanguis d'automne, violes narquoises ou violes plaintives, - ce sont les petits mondes sonores que l'archet de Henri Heine ressuscitait pour la danse des passions ; ce sont les soupirs et les brises que le regret ou la chimère épandent vaguement parmi les feuillées du Jardin mort, non loin des petits dieux drapés de mousse, des Éros brisés, des Ruines gardant l'écho de la Romance ou du Madrigal, et qui reconduisent nos Baudelaires contemporains
Au temps joli qui vit fleurir la Pompadour...
L'illusion est ce qui ne meurt pas ; « chaque sourire évoque un songe du passé. » Et, dans la nuit des cœurs où palpite incertainement l'or rose ou l'or mourant des crépuscules, le hamac d'indolence des ternaires rhythme (sic) la subtile Pensée, cette Inassouvie toujours ivre d'Autrefois.
Ailleurs, nous remontons les siècles, notre existence brève contemple une Belle au bois dormant, « sa vie est un fleuve qui dort » ; nous suivons l'hiératique et muette fée
Droite en son vêtement d'impassibilité,
la chère Apparition des basiliques fumeuses et des soirs harmonieux, celle dont le chaste sourire anime les demi-ténèbres.
Mais qu'il célèbre la gloire symbolique des soleils blessés ou le mystère du Naufrage, ou la griserie des bals, ou le sang des Roses, l'excellent violoniste dont la maestria s'amuse aux Pantoums éblouissants, ne laisse pas que d'avoir le jeu très classique auprès des novateurs du vers polymorphe. Son alexandrin souple, libre et riche, reste fidèle au rite parnassien, alors même que la musique intérieure de ses souvenirs sonne étrangement, comme verlainienne et mallarmiste parfois.
Les concerts de M. Édouard Dubus – doux pastels où clament des notes d'or – prouvent que le groupe des coquets ménétriers n'est pas encore bien loin sur le chemin des rêves ; et le livre ouvert, le soir, sous la lampe, le lecteur séduit peut se donner les violons. C'est une suggestive musique de chambre, un peu flottante...
II
Si M. Édouard Dubus m'envoie ses témoins, vrai, ça m'étonnera.
Willy.
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