vendredi 28 novembre 2008

Gabriel NIGOND M'sieu Dhéaume, une nouvelle inédite en volume



« C'est un brave gars, M'sieu Dhéaume ! [...] Dommage pourtant qu'y soye trop propre ! Il a point core attrapé le joint d'être crasseux. »

Depuis cinq ans, le comte Adhéaume, Hippolyte, Marie de Germy de Breuil est devenu journalier, il a choisi de le devenir, louant ses services pour accomplir la besogne de l'ouvrier, de l'artisan ou du paysan, il porte les cercueils, vidange les fosses, répare les toits. Adhéaume vit dans la forêt, dans une maison de paysan, au coeur de la nature, avec sa chienne Lurette, servit par Divine « une courtaude de vingt ans ». Le frère d'Adhéaume, ne supporte pas le scandale de ce déclassement, d'autant que c'est prêt de ses terres, non loin du village qui porte leur nom, que son aîné, semblant le narguer, s'épanouit dans des travaux considérés comme dégradants par le noble cadet. Les gens du pays, ont admis parmi eux ce gentilhomme pas fier et travailleur, tous l'appellent « M'sieu Dhéaume ». Ce fut tout d'abord par vengeance contre sa famille, sa mère peu aimante et son frère lui reprochant une jeunesse dissolue, qu'Adhéaume changea de vie, son goût pour le peuple, la nature, la vie simple, le confortât dans son choix. Adhéaume, décide d'épouser sa servante, Divine Dimanche, une orpheline du village, sa mère, la marquise, le convoque alors au château, mais le paysan-gentilhomme ne se laisse pas attendrir, Divine deviendra comtesse. Cette ultime provocation déclenchera l'épilogue de ce petit drame campagnard, conté dans un style classique, où la tendresse et la connaissance profonde de la nature et des gens du peuple transparaît à chaque pages.

Berrichon et parisien, fidèle à son terroir d'origine et poète, auteur dramatique, romancier, ami de Marguerite Moreno et Marcel Schwob, collaborateur de journaux et revues nationaux et régionaux, proche de la nature et de ses habitants, Gabriel Nigond, comme son héros a une double appartenance, l'un est un noble-paysan l'autre un dandy en sabot (pour reprendre le titre d'un article à lire ici).
Le discours prononcé par Nigond au Banquet du Groupe Parisien des anciens élèves du lycée de Châteauroux, accompagnant cette nouvelle, confirme la dualité, parfaitement assumée, entre l'homme de lettre aux prises avec la vie trépidante de la grande ville et l'homme des champs et des bois se ressourçant au pays natal. La préface et la suite de la bibliographie commencée avec la publication de Claudine, chez le même éditeur, sont dus à Eric Dussert, infatigable commentateur des oubliés.

M'sieu Dhéaume de Gabriel Nigond
Préface et bibliographie par Eric Dussert,
N° ISBN : 9-782953-2214-97100 pages Format : 13 x 19 cm Prix : 8,50 €

Pour commander : site Versant Libre

mardi 25 novembre 2008

Ernest LA JEUNESSE préface au Forçat honoraire, roman immoral

Une critique du roman policier en 1907


En 1907, parait Le Forçat honoraire, roman immoral, l'auteur, Ernest La Jeunesse en a illustré lui-même la couverture. Son forçat n'est pas seulement immoral, ses aventures nous sont contées d'un ton "enjoué et cynique", c'est l'assassin qui prend ici la parole. Dans sa préface La Jeunesse s'attaque à la littérature policière qui commence à fleurir, avec ses détectives, surhommes qui toujours punissent le méchant, littérature qui "endort", avec ses héros de papier, "chiures d'encre", toujours dans "« le Camp des bourgeois »". Les souvenirs de "grands" policiers ne trouvent pas plus grâce aux yeux de La Jeunesse, non, pour lui la société n'est pas protégée, elle se rassure en lisant les exploits "sur papier" des policiers tout en se repaîsant de ceux, bien réels, des brigands. Signalons qu'Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, paraît en 1907, lui ne se présente pas en défenseur de la société bourgeoise, mais La Jeunesse dit n'avoir pas reçus le volume de son "ami Maurice Leblanc". Des "héros du mal" viendront plus tard, avec Fantomas de Pierre Souvestre et Marcel Allain notamment, en 1911. Gaston Leroux créera un forçat héros de roman avec Chéri Bibi en 1913, mais son forçat n'est pas coupable des crimes qui lui sont reprochés.


Dédicace au Forçat Honoraire, roman immoral 1907

En vous offrant, mon cher Henri Prost (1), ce roman immoral, je crois faire mieux que remplir un devoir de coeur et consacrer une fraternité de pensée, d'aspiration et d'espoir : je crois accomplir un devoir — sans plus. Je ne prétends point vous prémunir contre les aigrefins, meurtriers ou escrocs : vous les connaissez mieux que moi, quelle que soit ma science expérimentée. Et vous êtes si loin... !
Mais vous représentez la Société, en mieux, avec de la culture, de la bonté et de la délicatesse.
Cette Société, depuis quelques années, se donne du bon temps. Après s'être passionnée pour le monde, — son monde ! — traduit par Paul Bourget, en jargon, et par Georges Ohnet à la barre de la petite bourgeoisie, elle s'était laissé mener un instant, en barque, au soleil de minuit par MM. Ibsen et Bjôrnson, avait suivi M. d'Annunzio dans des carrières d'étoiles et des ciels de marbre, et mordu un tantinet au bois de la vraie croix, trempé par M. Sienkieivicz dans les glaces et le sang de la défunte Pologne. Puis elle revint — ladite Société — à son vomissement, à son ambition : j'ai nommé le crime, dol, viol, vol, à ces histoires de brigands qui berçaient de cauchemars pittoresques son lit infini d'enfance... Toutefois, dame ! elle avait grandi et vieilli, la Société !
Quand on est petit, on tire au sort : ceux qui sortent les premiers, dans la botte, comme on dit à l'École polytechnique, ne veulent pas de la botte (défunte, hélas !) du gendarme. On joue au voleur : il s'agit d'être voleur — au choix. Les perdants sont agents de la Force et du Droit : d'ailleurs n'est-ce pas logique ? M. de La Palisse, qui fut précoce, l'aurait déclaré dès ses plus jeunes ans : « Les voleurs ont le pas sur les sergents de ville puisque ceux-là sont sur les talons de ceux-ci — quand ils y sont. »
Quand ils y sont ! Parole grande et sage ! Quand ils y sont !
Mais tu as engraissé, vieille Société : tu ne veux plus courir et, tout de même, tu as un vague reflet, un trouble relent de ta canaillerie native et de la soif d'aventures de tes dix ans : tu veux, pour bien te réjouir et te frapper, de beaux récits bien sanglants, bien mystérieux, te repaître de la chair et de l'esprit des scélérats les plus terribles, pénétrer dans les cavernes et les laboratoires d'enfer — à la condition de savoir un policier —pardon ! un détective ! — plus fort que les plus forts assassins, toujours invisible, toujours armé, nourri de Taine et de Gaboriau et venant à son heure, l'heure du crime a changé depuis M. de Florian, mettre la main au collet du coquin triomphant ou plutôt le faire crever, tué par ses machinations mêmes !
Ouf ! tu respires, Société ! Et dire que tu as été sur le point de tourner mal, toi aussi, à la lecture, et de verser dans le forfait — histoire de faire fortune et d'avoir du génie. Heureusement, les canailles sont démasquées et punies ! Heureusement, tu as dans ton camp — « le Camp des bourgeois » — des auxiliaires de premier plan, des âmes tapies dans des ombres agissantes, des détectives demi-dieux.
Où sont-ils ?
Oui, oui, estimable Société, les méchants finissent toujours mal. Stendhal, pleurnichant et souriant à la fois, a fait, par blague, guillotiner Julien Sorel ; Eugène Sue a empoisonné Rodin ; le vicomte Ponson du Terrail a tué, ressuscité et retué Rocambole, en sanglotant; Raffles meurt en héros pour sa patrie anglaise, au Transvaal ; Arsène Lupin... Mais je dois avouer, à ma honte et à mon ami Maurice Leblanc que je ne connais pas Arsène Lupin : je n'ai pas reçu le volume.
Mais tout cela, Société, c'est de la littérature. Je reviens à ma question, à la question : où sont tes mouchards — grâce ! tes détectives ! — surhommes et si humains, devins et farce, commis voyageurs en filatures, tes soutiens, enfin, les colonnes de ton temple ? Où sont-ils ? Nomme-les !
Permets-moi de te répondre. Ce sont des troupes, des élites, des crackes « sur le papier », ce sont des bonshommes en papier, ce sont des « chiures d'encre ». Interroge ta mémoire : cherche le nom d'un limier de vitrail ! Tu trouveras de braves et héroïques sous-brigadiers assassinés, des victimes du devoir authentiques, des inspecteurs principaux qui, deci delà, ont su arracher prestement les boutons de culotte d'un prisonnier difficile à garder, des commissaires-adjoints qui eurent une chance sur cent, des chefs de la Sûreté qui ont signé des Mémoires. Il y a ce forçat traître, vantard, escroc, sous-maître chanteur de Vidocq. Il y a ce Joseph Prudhomme de Canler qui, accompagnant au pied de l'échafaud un brave jeune homme jaloux qui aurait été acquitté aujourd'hui avec des larmes, (il n'avait tué que sa maîtresse) dit à ce brave jeune homme qui lui demande de l'embrasser (c'est Canler qui l'a fait avouer) :
— Pas ici, malheureux !
et qui lui fait serment de l'embrasser, sans tête, dans un monde meilleur !
C'est l'inépuisable M. Claude qui dépèce Troppmann en dix tomes, c'est M. Macé qui... qui...
Mais je ne veux pas prolonger une énumération sans gloire.
Société, je ne veux pas te rassurer, je veux t'éclairer. Tu n'es pas défendue et tu ne te défends pas. Tu t'endors sur des contes bourgeoisans et subtils, — et c'est si doux de dormir !

Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude,

mais la fraude, emplit tous les journaux, — et ce n'est qu'une fraude bien déterminée. Je ne prétends pas, Société, à l'honneur de t'avoir mis en garde ; je ne te dois rien. Je tiens seulement à faire pour toi ce que fit pour son siècle cet ivrogne de Nicolas Machiavel lorsqu'il lui donna son Prince. Les époques n'ont que les Prince et les Machiavel qu'elles méritent. Ce n'est pas ma faute si j'ai publié, il y a dix ans passés, l'Imitation de Notre Maître Napoléon et si, aujourd'hui, je passe la plume à un forçat, un authentique forçat assassin et pis, qui, au reste, n'est pas des plus intelligents : tu n'avais qu'à m'écouter et à me suivre, Société, quand je te prêchais l'héroïsme et la beauté. Je déclare, d'ailleurs, que je décline toute complicité dans les forfaits qui suivent et leur narration enjouée et cynique. « Je rends au public ce qu'il ma prêté » sol à sol, déchet par déchet.
J'ai conscience d'avoir écrit un livre vrai, qui n'est pas de moi ;
mais de toi — et à toi, Société.
Si, d'aventure, tu es trop effrayée, va chercher — chez les libraires — tes flics et tes gendarmes de cabinet. Ou dis-toi que moi, aussi, je fais de la littérature.
Et maintenant, mon cher Henri Prost, revenons aux doux émules des héros de Plutarque, ces hommes du tribunal révolutionnaire qui avaient le courage de couper le cou de Lavoisier parce que cet homme de génie s'était bassement permis d'être fermier-général — et cette bonne bête de Fouquier-Tinville qui, dans son rêve d'assurer le bien-être à tous, avait fauché des têtes comme des épis, et qui, sur l'échafaud, voulait encore donner du pain au pauvre monde...

4 Août 1907.


(1) S'agit t'il de Henri Prost, architecte et urbaniste (1874-1959) ?

Ernest Lajeunesse sur Livrenblog : Ernest La Jeunesse : Le Roi Bombance de Marinetti. Ernest La Jeunesse célèbre Fanny Zaessinger. Ernest La Jeunesse par Léon Blum. Bibliographie. Ernest La Jeunesse - Oscar Wilde à Paris. Les "Tu m'as lu !" Ernest La Jeunesse dessinateur 1ère partie. Les "Tu m'as lu !" (suite) Ernest La Jeunesse dessinateur. Ernest La Jeunesse - La Foire aux croutes 1ère partie. Ernest La Jeunesse - La Foire aux croutes suite. L'Omnibus de Corinthe. Jossot. André Ibels. Faut-il lire Ernest La Jeunesse ? Ernest La Jeunesse pastiché par Victor Charbonnel dans La Critique. Ernest La Jeunesse : 22 dessins originaux.

dimanche 23 novembre 2008

Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux : Appel à contributions


Mikaël LUGAN nous transmet :

Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux
Mikaël Lugan – 33, rue Montpensier 64000 Pau – harcoland@gmail.com
http://www.lesfeeriesinterieures.blogspot.com/

APPEL A CONTRIBUTIONS

N°4
« Saint-Pol-Roux, la lecture & le(s) livre(s) »

Le troisième numéro du Bulletin des Amis de Saint-Pol-Roux, à paraître fin décembre, sera, comme annoncé dans la précédente livraison, un essai de reconstitution de la Bibliothèque du poète, où se côtoyèrent pêle-mêle, et entre autres, des oeuvres de :

Aloysius Bertrand, Léon Dierx, Catulle Mendès, Leconte de Lisle, Mallarmé, Jehan Rictus, Céline Arnauld, Léon Bocquet, Armand Godoy, Henry Bernstein, André Antoine, Ernest Raynaud, Jean Royère, Segalen, Remy de Gourmont, Marinetti, Alexandre Mercereau, Charles Vildrac, Pierre-Jean Jouve, Paul Féval (junior), Max Jacob, Alfred Jarry, André Breton, Roger Vitrac, Francis Jammes, Paul Fort, Milosz, Supervielle, Stuart Merrill, Vielé-Griffin, Gustave Kahn, Audiberti, Dujardin, Rachilde, Georges Hugnet, Giono, Fontainas, Mauclair, Carlos Larronde, Henri de Régnier, Vallette, etc.

Le N°4, ouvert à contributions, constituera un pendant créatif et critique à cet « essai de reconstitution », sur le thème de Saint-Pol-Roux, la lecture & le(s) livre(s). Les notions de lecture et de livre sont à considérer dans leur richesse sémantique : la lecture étant, certes, une activité (choisie ou nécessaire), mais également le préalable à une production personnelle, posant les questions des influences subies, lorsque le texte produit est oeuvre dramatique ou poétique, et celle de l’autorité auctoriale, lorsque le texte produit relève du discours critique (comptes rendus, conférences, lettres, etc.) ; la notion de livre, quant à elle, renvoie aussi bien à l’objet, à sa matérialité, à sa composition, au souci bibliophile qui l’entoure ou dont il procède, qu’au mythe mallarméen du Livre, prospère à l’époque symboliste, et dont la Répoétique sapera les fondements.
De nombreuses pistes sont donc à explorer, qu’on envisage Saint-Pol-Roux comme lecteur s’assimilant ses lectures pour élaborer son oeuvre, ou comme lecteur-critique, dans des revues ou dans sa correspondance, ou comme destinataire/dédicataire d’ouvrages (que nous révèle alors la dédicace autographe ou imprimée ?) ; ou bien qu’on envisage le rapport matériel de Saint-Pol-Roux au livre, à ses livres, à ceux des autres, au papier choisi, à la relation (étrangement) rare de l’illustration et du texte dans ses propres oeuvres, ou qu’on envisage le Livre comme concept. Etc.
Toutes les formes, poétiques, narratives, critiques, graphiques seront considérées. Les contributions écrites ne devront pas excéder les 12.000 signes (espaces compris).
Les propositions (titre provisoire ou définitif et brève présentation) sont à renvoyer avant le 15 décembre 2008 à harcoland@gmail.com ou à l’adresse indiquée en tête de ce courrier.
Salutations magnifiques,


Mikaël LUGAN.


Sommaire du Bulletin n° 1, ici, du n° 2 la.

Gabriel NIGOND : Eric Dussert et Versant Libre insistent



Il y a quelques temps paraissait la réédition de Claudine de Gabriel Nigond aux éditions Versant Libre, nous en parlions ici. Son préfacier et bibliographe, Eric Dussert nous informe par l'intermédiaire de son Alamblog, qu'un second volume de Nigond, M'sieu Dhéaume, vient de paraître.

Gabriel NIGOND : M'sieu Dhéaume. Préface et bibliographie par Eric Dussert. La Berthenoux, Versant libre, 2008, 56 p. 8, 50 euros (port : 1,33)

VERSANT LIBRE
7, rue du Stade
36400 La Berthenoux

Lire sur le site du Matricule des Anges, Gabriel Nigond, Le Dandy aux sabots, par... Eric Dussert

vendredi 21 novembre 2008

Paul ADAM : Préface à L'ART SYMBOLISTE de Georges VANOR



Préface de Paul ADAM à Georges VANOR : L'Art Symboliste. Chez le Bibliopole Vanier, 1889.

PRÉFACE

Tant on abîma, et des plumes les plus célèbres, notre naïve conscience d'écrivains symbolistes, qu'il serait bon au public, pour le seul amour du rare et du curieux, de lire cette brochure écrite en toute sincérité de croyance par un poète lauré de louanges quasi officielles.
En effet, dès l'apparition de son oeuvre lyrique, Les Paradis, M. Georges Vanor a eu cette miraculeuse fortune de voir la presse entière, la belle presse des hauts quotidiens, lui décerner spontanément ces palmes dont elle se montre à l'ordinaire économe envers les artistes ; au risque de compenser cette parcimonie par une magnificence impériale qui dotera de renom telles histoires d'alcôves contemporaines réunies par quelque valet de lettres, telles révélations d'un caudataire politique sur certains gâteux présidentiels, ou telles hystéries d'un pornographe puéril.
Quels plus glorieusement inconnus que ces prêtres d'esthétique, Barbey d'Aurevilly, Huysmans, Verlaine, Léon Bloy, Villiers de l'Isle-Adam ? Leurs mérites plurent au subtil Jean Lorrain, mais ne surent convenir aux habituels louangeurs de Sarah Bernhardt.
Certes, l'art actuel, trop dédaigneux de tréteaux et de cymbales, sera banni désormais de la vedette. Trop nourri de sciences et de métaphysiques il ne saura plus aider la digestion du capitaliste obèse, ou animer la langueur du bain pour la fille.
Sans ces admirations lucratives, il végétera ironique et moqué avant que naissent de plus saines et de plus robustes générations d'intelligences.
Cependant Monsieur Pailleron trône.
Les lecteurs ont disparu. Jadis les nobles, grands connaisseurs d'art, bibelotiers savants, aimaient les livres. Aujourd'hui, à voir leur descendance si passionnée pour l'écurie et l'élève hippique, on évoque tristement le mot du prince de Conti, qui, devant un robuste palfrenier de son équipage disait « Voici comme nous les faisons », et montrant dans une glace son effigie gibbeuse « Voilà comme ils nous font. »
Les banquiers aiment à rire, après les sombres tragédies d'argent et les suicides d'honneur il leur faut des pitres grivois. Leurs femmes inassouvies par l'égoïsme du mari, et le rachitisme de l'amant, aiment les niaises histoires de coeur, cette pornographie il leur faut des pitres sentimentaux.
Hors la pitrerie point de succès.
Et pourtant, malgré les obstacles, des hommes peinent à parfaire des oeuvres inaltérables. Et pourtant, des fois, ces oeuvres sont remarquées.
Ainsi, encore qu'il soit hautain forgeur de vers et isolé par son essence même de toutes compromissions, M. Georges Vanor a conquis les suffrages de la chronique parisienne.
Je crois avoir découvert la raison de cet événement merveilleux et, ici, je la dirai pour la seule fin de prêter quelque réconfort aux âmes nourries d'esthétique mais dépourvues du pain de gloire et qui attendent Les Temps à la flamme inaperçue de leur génie.
Ce siècle laborieux, qui nous enfanta, est une époque de synthèse.
A qui regarde avec quelque largeur d'attention les événements intellectuels apparus depuis la grande saignée des guerres impériales, il semble de toute évidence que l'humanité moderne ramasse dans les temps passés les forces par elle émises, les restaure, les revit, en exprime l'essence et amalgame cette essence aux principes déjà acquis par l'excellence de son génie critique. Le Romantisme retrouva le décor, la magnificence et l'honneur fort galvaudé par l'analyse du XVIIIe siècle qui allait, trop au fond des choses sans se douter des Causes idéales et théoriques. Le brigandage de la Révolution et des guerres suivantes avaient amoindri la délicatesse du coeur. La Société du Directoire fut une déplorable société, mal récrépie par les soudards du Bonaparte, plus mal tenue par les faméliques dévorateurs de la Restauration, qui compensèrent. Largement le long jeûne de l'exil obligatoire. Le Romantisme réagit et créa cette brave bourgeoisie honorable, mais bornée aux moeurs étroites de protestants que promulguèrent les Guizot, les Thiers, les Girardin. On eut le parapluie chevaleresque, l'admiration de l'antique grec et des Vaudois, la croyance à la Liberté, et l'horreur de l'Inquisition.
Des bouleversements politiques secouèrent les bonnets à poils des gardes nationaux l'Empire survint avec le débraillage d'une grossière Renaissance. Les prophètes du Mal surgirent Octave Feuillet, Georges Sand, Musset, d'autres qui arborèrent une immoralité inouïe, déifiant l'Adultère et le Péché, fardant l'Ordure de sentimentalisme, parfumant la puanteur de la Chair, et la suée des accouplements. Ni dogme, ni compréhension des Forces et des Causes en cette littérature misérable et vide où s'assimila l'impureté des femmes qu'exploite encore l'ignominie des Ohnet. Elle fut l'excuse de bien des hontes. le motif de bien des indulgences coupables. Elle a fait la corruption de nos vingt ans.
Dégoûtés de ces turpitudes, rendus plus réfléchis par la défaite, les hommes de la troisième République, jansénistes austères, dirent la morale naturaliste, prêchèrent en leurs livres saints la hideur du vice, étalèrent les abjections et les chancres, hurlèrent leurs forts cris de douleur et d'effroi devant la pourriture humaine, et le ridicule des oripeaux à ses plaies.
Le pessimisme résulta art de faibles, sans vigueur pour s'indigner, sans ardeur pour combattre, propre aux larmes seules, aux larmes infantiles sur l'ondoyance de l'amante ni matée ni abandonnée, où il revient lamentable et vil.
Art sénil, dont s'éprirent encore les femelles louangées en leurs cloaques par le désarroi du mâle et la décadence de sa vertu.
Or ces étapes, chevalerie ingénue, justification facile de la chute, révolte de la dignité virile contre la bassesse des passions, retour enfin du mâle vaincu et honteux au joug de la femelle, ces étapes parcourues par la vie du siècle sont celles-là même que connaît la genèse intellectuelle de l'homme. L'adolescent de la quinzième année offre bien cette croyance à la loyauté, à la droiture infrangibles bruyamment il la manifeste, furieux au sourire sceptique des vieillards. A la première faute il s'excuse, farde le dégoût, se joue à lui-même l'hypocrisie puis la révolte de son être de conscience l'arrache aux hontes, pour un temps. Fatalement les embûches de la vie, la désuétude des plaisirs, le doute d'atteindre les buts ramène aux extases douloureuses des sexes l'ascète d'un moment. C'est l'heure triste de l'existence, l'heure de la résignation à l'opprobre, c'est l'heure où gémit maintenant le Siècle.
Car il a vécu toute la passion d'un homme et synthétisé dans ses littératures la jeunesse de la race.
A ce point d'arrêt, à la minute où l'Amant secoue encore une fois la honte au seuil abandonné de la maîtresse dernière, il regarde le Soleil de l'Avenir. S'il n'a épuisé totalement sa vigueur dans la vanité des querelles et des étreintes.
De sa méditation féconde naît instantanément la lumière qui conduira le voyageur par des sentes fleuries d'efforts efficaces. Son sang neuf chante à ses artères, il écoute ses pensées lui bruire. Le voici libre, en plein jeu de ses forces souples, de ses membres vigoureux, tout imprégné de soleil, tout plein de la grâce du Créateur.
Il sait. Il comprend. Ses douleurs passées, ses douleurs futures, il les concentrera elles seront l'huile pour la lutte, la dynamique raisonnée de ses gestes futurs, la raison de sa vie. Méprisant les sollicitations des plaisirs inutiles, il ira vers la science des choses, la contemplation des rhythmes et des causes, l'adoration du Dieu. La douleur, essence de la vie et qui faisait sa faiblesse, il en tirera sa force, il la transformera jusque l'extase, jusque l'hallucination mystique. Les féeries des entrelacs sidéraux paraderont à ses regards. se combinera par l'ampleur de sa science et la vigueur de sa pensée à l'harmonie des mondes. Il synthétisera les séries des phénomènes dans l'Idée-Une, dans Idée-Mére, dans l'OEuf générateur des Mondes, dans l'Idée Divine, dans Dieu. Il sera mystique.
Donc, après avoir résumé si exactement aux cours de ses âges, les étapes d'éducation propres à la genèse sentimentale, le Siècle prépare évidemment la période nouvelle, la période de Force, de Science consciente et de bonheur l'Epoque à venir sera mystique. Car s'il est des analogies entre les évolutions des choses, nulle de ces analogies ne saurait paraître vaine. La sagesse des Temps a toujours montré, elle montre encore le microcosme humain, symbole harmonique du macrocosme universel. Les éphémères naissent, évoluent et meurent suivant les lois essentielles qui président au développement, aux paraboles, à l'extinction des comètes.
L'Époque à venir sera mystique. Mystique et théiste.
Elle inaugurera le miracle de l'homme dédaignant la douleur, abstrait dans les rêves imaginatifs, dans l'hallucination habituelle, rendu à l'essence primitive et divine, devenu aussi créateur, créateur de ses extases et de ses Paradis.
Me voici revenu au titre de l'ouvrage qui m'occupe. Le poète y a doctement et en vers heureux noté cette éclatante manifestation du génie divin mouvant l'emblémature humaine selon la mélodie de ses desseins. Ici je ne referai pas l'éloge de l'auteur. D'autres y travaillèrent et au mieux. Ma tâche se limitera seulement à dire que l'évidence de la merveille démontrée a surpris toutes les attentions si futiles qu'elles soient d'elles-mêmes. Cela parce que la Vérité, quand elle s'irradie, échauffe impérieusement les plus aveugles de naissance ou de volonté.
L'Époque à venir sera mystique. Et le plus étonnant du miracle c'est que la science elle-même, cette fameuse science positive et matérialiste qui renia l'orthodoxie, cette science elle-même viendra humblement annoncer la découverte du principe divin apparu au fond de ses creusets, dans les artifices de ses prismes, sous l'ondoiement de ses cordes acoustiques, dans les spasmes de son éther électrique. Intuitive déjà, elle se lève, lumineuse et repentante, appelant l'expérimentation pour constater la splendeur de ses théories, mais dégagée du servilisme expérimental où l'obscurantisme la fit choir. La voici reconnaissant chaque phénomène comme modification d'un fluide unique transformé en toutes les apparences selon l'intensité de ses vibrations. Le fluide unique, Dieu, les équilibres des idoles à double sexe, l'essence génératrice, Isis et Orus, la Vierge et le Christ.
Mysticisme de la Science ! Charité du Socialisme ! Signes d'approche des Temps Évangéliques !
Tel ce que voulut dire le poète dans son livre des Paradis. Il prophétisait l'Éclat de la Vérité Prochaine. Et les hommes ont dû croire.
Or, cette littérature symboliste n'a d'autre but que de marquer les analogies miraculeuses du microcosme humain et du macrocosme universel. Enclore un dogme sous un symbole humain, dira M. Vanor, c'est là toute la doctrine de l'école neuve.
Longtemps encore peut-être l'athéisme du marchand de vins, la fumisterie philosophique d'un Renan quelconque triompheront. Sans doute, tristes prophètes de cette nouvelle terre promise, nous périrons sur la montagne avant que se soient dissipées les brumes du paysage extatique.
Qu'importe. Au moins aurons-nous eu cette gloire de l'avoir signalé par nos initiations.

PAUL ADAM.

"Le XXIe siècle sera mystique, ou religieux, ou encore spirituel". On attribue souvent cette phrase à André Malraux, les spécialistes en discutent encore...

On peut lire dans la préface qui précède : « L'époque à venir sera mystique », bien sur la prédiction de l'auteur des Demoiselles Goubert, répétée deux fois au cours de son texte, s'appliquait au XXe siècle. Le mysticisme, comme le Grand Soir ou le Paradis, serait-il toujours pour demain ?


Paul Adam sur Livrenblog : Ravachol de Paul Adam au Petit Journal, Paul ADAM par Francis Vielé-Griffin



jeudi 20 novembre 2008

Pierre-Eugène VIBERT - SOUVENIRS

Dans ma quête de livres de souvenirs, celui-ci avait échappé à ma vigilance.


Pierre-Eugène Vibert peintre - graveur : Copeaux. Genève, Pierre Cailler, 1958, in-12, broché, 190 pp.
15e volume de la collection "écrits et documents de peintres", tiré à 800 exemplaires sur offset blanc sans bois et 30 exemplaires sur papier hélio mi-fin blanc mat.
Ce petit volume est illustré par l'auteur, avec en frontispice son auto-portrait et les reproductions des portraits gravés sur bois de : Jules Laforgue, Remy de Gourmont, André Rouveyre, Mecislas Golberg, Anatole France, Rodin, Verlaine, Léon Bloy, H.-F. Amiel, Carl Spitteler, Spiess.

Le volume commence avec quelques souvenirs sur sa jeunesse et l'atelier de son maître Prunaire où il apprit le métier de graveur. Sur le café Procope et les amis qu'il y rencontrait. Les soirées de La Plume, le salon des Rose-Croix. Les banlieues où il se perdait "attiré par toutes les choses misérables, poussé par le désir de les magnifier". Grosrouvres en 1901 petite commune des Yvelines où il habita, et la maison maternelle à Loisin en Savoie qui lui rappelait les vacances de sa jeunesse. Il poursuit par des portraits écrits d'écrivains et artistes qu'il rencontra et avec lesquel il collabora au cours de sa longue carrière : Remy de Gourmont, André Rouveyre, Jean Moréas, Mécislas Golberg, Laurent Tailhade, Pelletan, Anatole France, Rodin, Van Bever, Verlaine, Barrès, Léon Bloy, Paul Fort, Carlègle, Hodler, Menn et Pignolat, Forestier et Spiess.

André Rouveyre et Mécislas Golberg.

Voir la notice sur Vibert sur le site des Amateurs de Remy de Gourmont.

mardi 18 novembre 2008

RACHILDE et le vin de coca


Rachilde (Marie-Marguerite Vallette, née Eymery) 1860 - 1953.



MADAME RACHILDE


Rachilde est le moins bas-bleu de tous les bas-bleu. Je ne vois pas, dans les littératures, de femmes capables de lui être comparées, à moins que ce ne soit dans celle d'un monde nouveau et impossible où Edgar Poë serait Roi, Brantôme Grand-Evéque, et d'Aurevilly sénéchal d'armées. Rachilde, figurez-vous une princesse scandinave qui aurait passé sa prime jeunesse à considérer l'étendue énigmatique des grands fjords blancs et mornes, puis qui serait venue en exil, subitement, ici, à Paris, où elle aurait acquis un cachet un peu gouailleur et un peu moqueur fort peu en harmonie avec ses premiers goûts. Son art d'une puissance ténébreuse singulière et profonde, s'ensoleille à certaines heures des éclats de sa gaieté. Elle-même se raille de souffrir et de rêver. Elle possède l'attitude délicieusement narquoise de la vie en même temps que la cérèbrale et mystérieuse beauté du songe. Ses livres sont exquis et étranges. Dès qu'on en ouvre les feuillets, le vertige attirant de l'inconnaissable s'en exhale. Rachilde était impossible au dix-huitième siècle, le temps de Madame du Deffand et des Mademoiselle Necker : à notre époque, Rachilde s'explique très bien : petite Diabolique parue après la lettre et qui a bien grandi depuis Barbey d'Aurevilly. Si, dans l'intimité, Rachilde apparaît un peu bourgeoise plutôt, un peu sédentaire et pondérée, sauf aucunes des excentricités que vous semblez devoir découvrir dans ses livres, c'est que, sous la modestie de son langage et de ses manières perce la femme réfléchie qu'elle est au fond. Derrière la placidité ou la moquerie de sa figure, la Méditation abstraite ou la Pensée extraordinaire de l'Au-delà dissimulent jalousement l'expansion de leur essor. « Je n'ai aucune envie de gloire ni de tapage, dit-elle, mon seul bonheur serait d'habiter une maison qui n'aurait ni portes ni fenêtres, où l'on n'entrerait jamais et, d'où je ne sortirais pas... » Elle-même, dans le Démon de l'Absurde, ce petit livre à couverture d'une grisaille sans tapage où se cache plus d'une perle, a décrit l'étrangeté du château hermétique, où elle désirerait vivre ! Démon de l'Absurde ! Il y a bien des choses à y louer et à y blâmer : depuis le Concile féerique de Laforgue rien ne sut impressionner autant que la Parade Impie. Quant aux Vendanges de Sodome, ce sont d'impérissables pages. Volupté est peut-être, mis en scène, l'exemple le plus saisissant qui soit de tragique quotidien... La Voix du sang qui vit la rampe au Théâtre d'art, est une page supérieure. Quant au Vendeur de Soleil il faudrait le jouer après Axël ou avant l'Intruse. Au Théâtre, Rachilde apparaît bien davantage et avec plus d'intensité la flatteuse d'Atroce qu'elle tend à être toujours, dignement, très dignement. Vous souvenez-vous de cette préface impertinente où elle défend Shelley. On a reproché à Rachilde de n'être pas naturelle. Et ne l'est-elle pas, dans Monsieur Vénus ? Livre préfacé par Maurice Barrès. - Sans affectation aucune de psychologie, Rachilde a donné, dans Le Tiroir de Mimi Corail un recueil de contes éminemment modernes, pimpants et primesautiers. Autres sont : le Mordu et l'Animale, ici Rachilde est moins petite-fille du seigneur de Brantôme et se retrouve séductrice et captivante chatte aux yeux de turquoises, entourée de bibelots et de fleurs, s'étirant nonchalamment dans les jungles sans issue de l'Impossible et de l'Effroyable, s'étirant avec une lassitude languissante dans les fourrés inextricables du Néant et de l'Imprévu.
Telle est la Rachilde des livres. La Rachilde de la vie privée est bien plus simple. Rachilde est une femme d'intérieur fort tranquille. Depuis sept ans qu'elle est marié, elle n'est jamais sortie pour une promenade de plus de trois heures, sans son mari. Son bonheur est d'écrire. Si l'on s'étonne de la voir si profondément enfouie dans ses rêves, c'est, dit-elle doucement, « parce que j'ai eu beaucoup de chagrins dans ma jeunesse, et surtout dans mon enfance. » Cela rend extrêmement raisonnable, les chagrins ! Maintenant Rachilde, par le travail, se console de ce lointain passé. Et le travail n'est pas perdu. Loin de là ! Il nous aide, au contraire, à vivre et à aimer l'auteur.

Notice et gravure publiées en 1898 dans le quatrième volume de l'Album Mariani (1), recueil publié par le fabricant de vin de coca, où les personnalités les plus diverses, le Pape, le président des Etats-unis, des médecins, des militaires, des politiques, des écrivains, journalistes et auteurs dramatiques, des chanteurs, des musiciens, des peintres, des comédiens et comédiennes, vantent les bienfaits de l'élixir revigorant. La notice est, dans l'album, suivie d'une biliographie succinte, que je remplace ici par quelques couvertures de livre. La bibliographie des oeuvres de Rachilde s'étend de 1877 à 1947, la rubrique Gendelettres des Commérages de Tybalt en donne la liste.

(1) Portraits - Biographies - Autographes, 75 gravures à l'eaux-forte par A. Lalauze, L. Dautrey, W. Barbotin et Erwert Van Myuden. Librairie Henri Floury 1899, (A. I. 1898), Préface de Jules Claretie.







Rachilde sur Livrenblog Camille Lemonnier, Lautréamont, Rachilde. (Préface à la Sanglante Ironie). Visite aérienne à Rachilde (par Louise Faure-Favier) Jean de Tinan : La Princesse des Ténèbres par Jean de Chilra / Rachilde. Leurs Rêves : Remy de Gourmont, Rachilde. Jean de Tinan, Willy, petite revue de presse.

dimanche 16 novembre 2008

RAVACHOL, de Paul ADAM au PETIT JOURNAL




« Il faut avouer que l'explosion de quelques bombes de dynamite frappe de terreur les esprits vulgaires. Mais cet affolement de surprise dure peu, juste le temps de fournir prétexte aux représailles de la police et de la magistrature ; outre que les âmes sentimentales sont, non sans quelque légitimité, affligées par le meurtre inutile, et toujours à craindre, d'enfants ou de pauvres diables étrangers à la classe des oppresseurs. Puis on consolide les maisons ébranlées, on les illumine de vitres neuves et bientôt le souvenir de ce fracas inattendu s'efface des âmes rassurées. Au contraire la puissance destructrice d'un poème ne se disperse pas d'un seul coup : elle est permanente et sa déflagration certaine et continue ; et Shakespeare ou Eschyle préparent aussi infailliblement que les plus hardis compagnons anarchistes l'écroulement du vieux monde.»


Pierre Quillard (1864-1912) dans L'anarchie par la littérature paru dans les Entretiens politiques et littéraires N° 25 d'avril 1892, avait pourtant prévenu, mais le bouillant Paul Adam (1862-1920) dans le N° 28 de la même revue en juillet 1892 (1), se lance dans un éloge quasi mystique de Ravachol. Par contraste nous donnons les articles et gravures parus dans les N° 76 du 7 mai 1892 et 73 du 16 avril 1892 du Supplément illustré du Petit Journal (L'Arrestation de Ravachol, La Dynamite à Paris, Ravachol dans sa cellule et Le Restaurant Véry après l'explosion).

(1) Repris dans Critique des Moeurs Ollendorff 1897
(2) François Claudius Koënigstein (1859-1892)



ELOGE DE RAVACHOL

En ce temps les miracles et les saints semblaient vouloir disparaître. On croyait facilement que les âmes contemporaines manquaient de l'esprit de sacrifice. Les martyrs du siècle furent surtout d'obscurs citoyens hallucinés par le tintamarre des mots politiques, puis mitraillés impitoyablement en 1830, en 1848, en 1871 au bénéfice de certaines situations parlementaires que se préparaient ainsi des avocats violents et sournois ; et il y aurait même de l'imprudence à prétendre que nul voeu d'intérêt individuel n'engagea ces combattants malheureux à rechercher, eux-mêmes, les armes à la main, un profit électoral.
Les parades des Deux Chambres avec leurs scandales quotidiens, leurs syndicats de fabricants de sucre, de bouilleurs de cru, de vendeurs de bière, de faiseurs de vin, de courtiers en céréales et d'éleveurs de bestiaux nous révélèrent, à maintes reprises, les mobiles du suffrage universel. Il y eut Méline et Morelli, le sénateur Le Guay... Aussi toutes ces batailles de la chaussée parisienne, toutes les histoires de la rue Transnonain ou de Satory finiront-elles par nous paraître de simples querelles de marchands âpres à la concurrence.
Nos âmes sans complexité se fussent probablement déplues à suivre encore les jeux brusques de ces marionnettes ; et la politique eût été mise hors de notre préoccupation, si la légende du sacrifice, du don de la vie pour le bonheur humain n'eût subitement réapparu dans l'Époque avec le martyre de Ravachol.
Quelles qu'aient pu être les invectives delà presse bourgeoise et la ténacité des magistrats à flétrir l'acte de la Victime, ils n'ont pas réussi à nous persuader de son mensonge. Après tant de débats judiciaires, de chroniques, et d'appels au meurtre légal, Ravachol reste bien le propagateur de la grande idée des religions anciennes qui préconisèrent la recherche de la mort individuelle pour le Bien du monde ; l'abnégation de soi, de sa vie et de sa renommée pour l'exaltation des pauvres, des humbles. Il est définitivement le Rénovateur du Sacrifice Essentiel.
Avoir affirmé le droit à l'existence au risque de se laisser honnir par le troupeau des esclaves civiques et d'encourir l'ignominie de l'échafaud, avoir conçu comme une technique la suppression des inutiles afin de soutenir une idée de libération, avoir eu cette audace de concevoir, et ce dévouement d'accomplir, n'est-ce pas suffisant pour mériter le titre de Rédempteur ?
De tous les actes de Ravachol, il en est un plus symbolique peut-être de lui-même. En ouvrant la sépulture de cette vieille et en allant chercher à tâtons sur les mains gluantes du cadavre le bijou capable d'épargner la faim, pour des mois, à une famille de misérables, il démontra la honte d'une société qui pare somptueusement ses charognes alors que, pour une année seule, 91,000 individus meurent d'inanition entre les frontières du riche pays de France, sans que nul y pense, hormis lui et nous.
Par cela même que sa tentative fut inutile, et que le cadavre se trouva dénué de parures, la signification de l'acte devient plus importante encore. Elle se dépouille de tout profit réel ; elle prend l'allure abstraite d'une idée logique et déductive De cette affirmation que rien ne doit être à qui n'a de besoin immédiat, il se prouve qu'à tout besoin une satisfaction doit répondre. C'est la formule même du Christ : A chacun selon les besoins, si merveilleusement traduite dans la parabole du père de famille qui paye au même prix les ouvriers entrés dans sa vigne à l'aube, ceux venus à midi et ceux embauchés au soir. Le travail ne mérite point salaire; mais le besoin réclame satiété. Vous ne devez point donner dans l'espoir d'une reconnaissance rémunératrice, ou d'un travail à vous utile, mais par unique amour du semblable, pour assouvir votre faim d'altruisme, votre soif du Bien et du Beau, votre passion de l'harmonie et du bonheur universel.
Si l'on reproche à Ravachol le meurtre de l'ermite, n'a-t-il pas, chaque jour, un argument à recueillir parmi les divers faits de la gazette ? Est-il, en effet, plus coupable en cela que la société, elle qui laisse périr dans la solitude des mansardes des êtres aussi utilisables que l'élève des Beaux-Arts naguère trouvé mort à Paris, faute de pain. La société tue plus que les assassins : et quand l'homme acculé aux suprêmes misères arme son désespoir et frappe pour ne pas succomber, n'est-il pas le légitime défenseur d'une vie dont le chargèrent, en un instant de plaisir, des parents insoucieux ? Tant qu'il existera au monde des hommes pour lentement souffrir de la faim jusqu'à l'exténuation dernière, le volet l'assassinat demeureront naturels. Nulle justice ne pourra logiquement s'opposer et punir à moins qu'elle se déclare loyalement et sans autre raison la Force écrasant la Faiblesse. Mais si une nouvelle force se lève devant la sienne elle ne doit point flétrir l'adversaire. Il lui faut accepter le duel et ménager l'ennemi afin qu'aux jours de sa propre défaite, elle trouve dans la Nouvelle Force de la clémence.
Ravachol fut le champion de cette Force Nouvelle. Le premier il exposa la théorie de ses actes et la logique de ses crimes ; et il n'est pas de déclamation publique capable de le convaincre d'errements ou de faute. Son acte est bien la conséquence de ses idées, et ses idées naissent de l'état de barbarie où végète l'humanité lamentable.
Autour de lui Ravachol a vu la Douleur, et il a exalté la Douleur des autres en offrant la sienne en holocauste. Sa charité, son désintéressement incontestables, la vigueur de ses actes, son courage devant l'irrémédiable mort le haussent jusque les splendeurs de la légende. En ce temps de cynisme et d'ironie, un Saint nous est né.
Son sang sera l'exemple où s'abreuveront de nouveaux courages et de nouveaux martyrs. La grande idée de l'Altruisme universel fleurira dans la flaque rouge au pied de la guillotine.
Une mort féconde s'est accomplie. Un événement de l'histoire humaine s'est marqué aux annales des peuples. Le meurtre légal de Ravachol ouvre une Ère.
Et vous artistes qui d'un pinceau disert contez sur la toile vos rêves mystiques, voilà offert le grand sujet de l'oeuvre. Si vous avez compris votre époque, si vous avez reconnu et baisé le seuil de l'Avenir, il vous appartient de tracer en un pieux triptyque la vie du Saint, et son trépas. Car un temps sera où dans les temples de la Fraternité Réelle, on emboîtera votre vitrail à la place la plus belle, afin que la lumière du soleil passant dans l'auréole du martyr, éclaire la reconnaissance des hommes libres d'égoïsme sur la planète libre de propriété.


Paul ADAM

Entretiens Politiques et littéraires Juillet 1892 3e année vol. V N° 28 Repris dans Critique des Moeurs Ollendorff 1897


[L'ARRESTATION DE RAVACHOL]

LA DYNAMITE A PARIS

Pendant quelques jours, un seul gredin très résolu, assisté de quatre ou cinq complices réduits au rôle de comparses dans la sinistre tragédie qu'il composait et jouait à la fois, un seul gredin a épouvanté tout Paris, effaré la province et l'étranger.
Son orgueil de malfaiteur doit être satisfait.
Paris tremblait, Paris n'osait plus aller au théâtre, Paris faisait ses malles pour s'enfuir, et les visiteurs habituels de Paris défaisaient les leurs, peu curieux d'un voyage d'agrément au cours duquel on risquait la dynamite et ses atroces conséquences.
Ravachol a enfin été arrêté et du coup la détente à eu lieu ; on se félicitait sur les boulevards en colportant la bonne nouvelle, et cela rappelait les jours si lointains, hélas ! Où par les rues on lisait le bulletin d'une grande victoire.
Qu'est-ce Ravachol ? Il faut le dire très haut pour ceux qui déjà s'écrient : « - Un malfaiteur, soit, mais après tout un caractère ! ». Ravachol est un criminel de droit commun, un assassin de vieillards et de vieilles femmmes, un voleur et un violateur de sépultures.
La justice va lui demander compte, outre les explosions dont il est l'auteur, de cinq assassinats, de nombreux vols qualifiés, de fabrication de fausse monnaie et d'une profanation de tombes.
Donc ce n'est point un de ces criminels politiques que le fanatisme pousse aux actions coupables ; c'est je le répète, seulement un odieux gredin.
Anarchiste ? Il prétend l'être, mais encore que peu scrupuleux sur le choix des moyens, les anarchistes eux-même le renient.
On assure qu'il fut affilié à leur groupe à la suite d'un crime commis par lui.
Le choix lui fut laissé entre être dénoncé ou servir d'instrument à de certains anarchistes. Il prit le dernier parti qui lui laissait au moins une chance d'échapper au bourreau. Et alors on le chargea d'effrayer le bourgeois et principalement le juge défenseur de la société contre ceux qui veulent sa destruction.
Quand plusieurs magistrats seraient morts d'une façon atroce, les autres y regarderaient à deux fois avant de condamner les anarchistes.
Les criminels ont fait un faux calcul : les magistrats ont l'âme trop haute pour céder à la peur, ils ont parmi leurs devanciers le président de Harlay et bien d'autres dont ils resteront dignes. Ils feront leur devoir.
Ravachol est sous les verrous. Le terrible chimiste subira bientôt la peine de ses crimes, et nous espérons fermement que la peur, après avoir habité un instant parmi les innocents, va passer du côté des coupables.
Nous avons consacré tous les dessins de ce numéro aux événements de ces derniers jours. Il importe que l'on conserve pour en profiter le souvenir de ces horribles choses.
Paris est tranquille et rassuré maintenant.
A notre première page, c'est l'arrestation de Ravachol, grâce à la courageuse initiative du garçon de café Lhérot. Le bandit, connaissant le sort qui l'attendait, a soutenu une effroyable lutte contre les agents et il a fallu des efforts inouïs pour se rendre maître de lui.
A notre huitième page, nous donnons le dessin des édifices dévastés par la dynamite.
C'est le 1er mai 1891, l'attentat contre l'hôtel du duc de Trévise, rue de Berri.
Le 29 février dernier, rue Saint-Dominique.
Le 11 mars, boulevard Saint-Germain, 136.
Le 15 mars, caserne Lobau.
Le 27 mars, rue de Clichy, 39.
Je ne veux point finir sans ajouter un mot.
Il ne faut point confondre la cause des malheureux avec celle des criminels ; il ne faut point que les atrocités accomplies par des bandits de la pire espèce nous fassent détourner les yeux de ceux qui souffrent et ne sont point solidaires de Ravachol ; il ne faut point que la dynamite soit une excuse paralysant la commisération. Défendons-nous énergiquement contre les malfaiteurs, mais soyons encore meilleurs, s'il est possible, pour les déshérités.




RAVACHOL DANS SA CELLULE

La nuit où fut jugé Ravachol, à deux heures moins le quart environ, lorsque le jury fut entré dans la salle de ses délibérations, personne parmi les assistants ne doutait de la condamnation à mort.
Cela n'était même point objet de discussion. Le plus calme était Ravachol lui-même, qui, suffisamment correct en sa redingote noire boutonnée, sur les lèvres un sourire que les dames, moins nombreuses que de coutume, déclarèrent agréable, il causait, placide et familier, avec son avocat, et de la main adressait un bonjour amical aux compagnons qui se trouvaient là.
Ravachol, lui, savait ce qui allait se passer ; aussi, suivant l'expression fantaisiste d'un assistant, avait-il l'air d'assister à un procès auquel il n'aurait pas été mêlé et où il se serait agi du vol d'un lapin chez une fruitière.
Ceux qui ont suivi les débats ont dit aussi que deux personnes seulement y avaient eu une excellente tenue, M. Quesnay de Beaurepaire et Ravachol.
Cependant, l'audience suspendue, dans les couloirs on demandait à M. Goron si véritablement, comme on le téléphonait, la maison du procureur général, désertée dans la journée par les autres locataires, avait sautée, et quelques sensibles, - ma foi j'en étais, - s'affligeaient et souhaitaient l'indulgence à Chaumartin dont la gentille fillette de huit ans environ, habillée de clair comme de fête, ouvrait pour ne point dormir de grands yeux effarés sur les promeneurs de la salle des Pas-Perdus.
A trois heures vingt on annonça la rentrée du jury, dont le président, au milieu de la stupeur profonde, annonça que Ravachol avait voulu, en vérité, la mort de MM. Benoist et Bulot, mais qu'il avait agi sans préméditation, d'où circonstances atténuantes et travaux forcés au lieu de la peine de mort.
Ravachol tout seul prit les choses comme il fallait, et cria en guise de remerciement aux jurés :
- Vive l'anarchie !
Quelques enragés huèrent les jurés, les appelèrent un peu lâches, etc. Ces douze messieurs se retournèrent le sourcil froncé, et étant sortis fermèrent la porte avec violence pour indiquer qu'ils n'étaient point contents.
Nous n'avons pas à apprécier leur conduite.
Peut-être le procès à t'il était mal engagé.
On avait tenu à ce qu'il ne rentrassent point chez eux durant les débats, afin de les soustraire à des influences qu'ils avaient subies déjà. Ils sont, en effet, arrivés évidemment leur siège étant fait.
Pour les défendre, on a dit qu'ils ne voulaient point faire de Ravachol un martyr politique mourant pour ses idées et qui aurait un jour en place publique sa statue comme Etienne Dolet.
Ils auraient compté sur les jurés de la Loire qui le doivent juger comme assassin.
Et si...
Mais tout cela nous entraîne un peu loin. Nous avons représenté Ravachol dans sa cellule en train d'exposer ses théories aux gardiens qui l'écoutent avec une curiosité narquoise de braves gens.
Ils font bonne garde, car ce serait un comble d'apprendre par surcroît que Ravachol s'est évadé.



LE RESTAURANT VERY APRÈS L'EXPLOSION


Lorsque par les soins du patron Véry et de son beau-frère et employé Lhérot Ravachol eut été livré à la justice, des lettres arrivèrent qui annoncèrent la vengeance, et elle est venue juste à l'heure, je dirais presque symbolique, en tout cas singulièrement utile, le soir qui précédait la journée du procès.
Les criminels qui ont fait sauter le restaurant Véry n'ont point un instant songé aux victimes innocentes qu'ils pouvaient faire ; le lendemain Ravachol devait s'écrier avec désinvolture :
Je demande pardon à mes victimes involontaires, elles me comprendront et m'excuseront.
Qu'importe, en effet, quelques cadavres pourvu que soit vengé le porte-dynamite de l'association et que soient intimidés ceux qui vont le juger ?
Et ce sont des jambes coupées, des blessures, des cas de folie.
Que fait tout cela ?
Rien, assurément, n'est-ce pas ?
La question se pose d'elle-même, pourtant. D'un côté des assassins qui ne reculent devant rien, de l'autre la société avec les forces, l'autorité dont elle dispose.
La lutte est engagée. A qui sera la victoire ?
Quoi qu'il en soit, je le répéterai sans cesse : s'il faut se défendre, il serait inique et monstrueux d'arrêter le mouvement charitable qui poussait ceux qui ont beaucoup à venir en aide à ceux qui n'ont rien.
Soyons fermes, énergiques, mais restons humains et doux aux malheureux qui souffrent sans nous dynamiter.


Paul Adam sur Livrenblog : Paul Adam : Préface à L'Art Symboliste de Georges Vanor Paul Adam par Francis Vielé-Griffin Les Incohérences et contradictions de M. Paul Adam, "Anarchiste" Travailler plus... le dimanche. 1906-2009

vendredi 14 novembre 2008

François CARADEC s'en est allé


Hier, François Caradec nous a quitté. Que dire ? sinon qu'il faut le lire et le relire, pour apprendre encore de lui.



Voir sa bibliographie sur le site de l'Oulipo

Lire un entretien (version mise à jour) avec Eric Dussert sur L'Alamblog

Les réactions sont et seront sans doute nombreuses voire celles d'Eric Dussert dans son Alamblog, et Christian Laucou chez Fornax.

mardi 11 novembre 2008

LES CONTEMPORAINS A. LE PETIT F. CHAMPSAUR




Félicien Champsaur en tête du numéro 1 de la série Les Contemporains, consacré à Léon Gambetta :


J'ai dessein de portraiturer les célébrités du jour passagères ou durables. Il y a deux ans j'osai cette entreprise difficile avec la collaboration de Gill. Un défilé nouveau va commencer, et Alfred Le Petit, au crayon malin et habile, caricaturera les passants. Cette époque appelle beaucoup la caricature. Nous vagabonderons, en indépendants, à travers l'art, la finance, le théâtre, le journalisme, le high life, le demi-monde, la littérature, et nous serons pas toujours respectueux des gloires d'une semaine.


F. C.




Les Contemporains commencés en 1880 comprendra 43 livraisons et s'arrêtera le 7 décembre 1881, c'est du moins ce qu'en disent les bibliographes (1), pourtant il m'a été donné de trouver un numéro de cette série datée 3e Année, N° 20, jeudi 30 juin, avec un portrait de Louis Blanc.



Après avoir abandonné à l'imprimeur Cinqualbre, la série des Hommes d'aujourd'hui, commencé deux ans plus tôt avec André Gill, Félicien Champsaur lance cette série des Contemporains, avec Alfred Le Petit, en y recyclant une vingtaine de textes déjà publiés dans la série précédente. La plupart de ces textes seront repris dans Le Massacre (Dentu, 1885), Le Cerveau de Paris, esquisses de la vie littéraire et artistique, (Dentu, 1886).

Liste des personnalités portraiturés dans Les Contemporains :

Gambetta, Rochefort, Louise Michel, Sardou, Girardin, Dennery, Zola, Juliette Adam, Daudet, Clémenceau, Auclerc, Hugo, Sarcey, Bardoux, Carolus Duran, Adelina Patti, Coquelin Cadet, Claretie, Samary, Robida, Croizette, Cassagnac, Taxil, Sarah Bernhardt, Manet, Scholl, Le Petit, Grévy, Coquelin ainé, Cladel, Saint Genest, Grévin, Cornély, Got, Judic, Gill, About, Charles Floquet, Paul Alexis (sans portrait charge), Louis Blanc.


(1) Jean-Michel Place, André Vasseur, Bibliographie des revues et journaux littéraires des XIXe et XXe siècles, pp. 138










Félicien Champsaur sur Livrenblog : André Gill, Les Hommes d'Aujourd'hui. Messaline : Jarry - Dumont - Casanova - Champsaur / Félicien Champsaur : Poètes Décadenticulets / Nina de Villard par Félicien Champsaur. Carnet d'un clown par Félicien Champsaur. Le Dernier Homme par Félicien Champsaur.

Bibliographies de revues dans Livrenblog :

Revue L'Image, bibliographie complète et illustrée.
Bibliographie de la revue Le Beffroi (1ère partie), (2e partie), (3e partie), (4e partie).
Bibliographie illustrée et complète du journal Le Pierrot (1ère partie), (2e partie), (3e partie), (4e partie).
La revue Palladienne de 1 à 10.
Les Contemporains A. Le Petit F. Champsaur.
Le Bambou, Bibliographie illustrée.

Le Carillon. 1893-1894

La Revue d'Art. 1896-1897.
Les Gerbes. Revue littéraire bimensuelle. 1905 - 1906.
Le Feu, Marseille, 1905-1906.
La Revue des Lettres et des Arts 1867-1868.
La revue Matines. 1897-1898.

La Rose Rouge, 1919. Cendrars, Salmon, Carco
La Revue Contemporaine, Lille. 1900 - 1902.
Le Thyrse. 1897.

La Cité d'Art et L'Art et l'Action. 1898 - 1899.
L'Idée Moderne. 1894-1895
Le Nouvel Écho 1892-1894.
La Poésie Moderne, 1882
La Basoche 1884-1886
La Pléiade. 1886 et 1889.
L'Aube Méridionale 1898-1899.
L'Élan littéraire 1885-1886.
L'Effort Libre, 14 numéros, 1911-1914

Les Arts et la Vie, n° 1, 2,3.

Les Ecrits Nouveaux 1917-1922.

La Renaissance Idéaliste 1895-1896.

La Renaissance Latine. 1902-1905.



dimanche 9 novembre 2008

Mécislas GOLBERG contre Remy de GOURMONT : ORTHODOXIE SYMBOLISTE.

Mécislas GOLBERG

contre

Remy de GOURMONT



ORTHODOXIE SYMBOLISTE


« De mon temps, les choses allaient mieux... »
Vieux dicton


La nouvelle littérature d'aujourd'hui est dans un état de « mort apparente, léthargique » dit M. de Gourmont, et il ajoute qu'on ne fait qu'imiter Samain, Francis Jammes, Maeterlinck.
M. de Gourmont est quelque chose comme le Sarcey du symbolisme. Comme le bon oncle régnait dans les journaux du « bon sens » depuis le Temps jusqu'au Petit Journal, M. de Gourmont, le « frère ainé » (1) inspire le Mercure de France, fait partie de l'Ermitage, rédige la Revue des Idées. Tant de fonctions feraient supposer sinon de la compétence, du moins de la prudence et de l'originalité dans les appréciations sur la littérature symboliste.
Or, nous voyons se réaliser chez M. de Gourmont la fatale et très vulgaire loi de vieillesse : « De notre temps... »
Fouquier disait qu'Ibsen n'était qu'un piètre imitateur d'Alexandre Dumas fils et Catulle Mendès annonçait que le Solness était du pastiche d'Axel.
Les « jeunes » - et on comptait parmi eux des hommes grisonnants, comme Mallarmé, Verlaine, - selon la docte critique parnassienne, réaliste et romantique, imitaient Vigny, Chénier, volaient Lafontaine, dépouillaient Ronsard, pillaient Villon... Mais au fond « tout cela ne valait pas les nobles combats de Hugo et la fameuse représentation à la Comédie avec le gilet rouge de Gautier »
Aujourd'hui M. de Gourmont recopie ses auteurs ; il remplace les noms par d'autres noms et s'afflige à son tour que la « génération » n'endosse pas le fameux gilet !... Ainsi il n'y a rien de nouveau sous le soleil et le vénérable représentant de l'Arche Sainte du symbolisme répète des mots dits autrefois par ses adversaires et peut-être à... son propos.
Comme l'orthodoxie symboliste est plus restreinte que l'orthodoxie romantique, dès le début M. de Gourmont commet des injustices et en parlant des imitations ne cite que les noms chers à sa belle âme.
Ma foi ! Les productions nouvelles se ressentent de diverses influences. Les jeunes sont, en réalité peu charmés par l'oeuvre de Jammes ; pour des raisons spéciales ils ignorent souvent Maeterlinck. Cependant Samain, Signoret, Viélé-Griffin, le Moréas des Stances, le Régnier des Médailles attirent les jeunes esprits... La parenté entre les productions des jeunes et les oeuvres des poètes cités plus haut indique déjà une sélection, et prouve que la génération nouvelle cherche dans le symbolisme de son côté le plus littéraire et le moins orthodoxe. On n'imite ni l'admirable Veilleur de Régnier ni les Cantilènes de Moréas. Mais on lira et on relira Médailles et Stances.
Deux poètes, peu connus de leur temps, et qui ont eu à souffrir dans diverses mesures, du silence de leurs « confrères », Signoret et Samain captivent de plus en plus la génération qui aime le verbe lumineux et sonore de Daphné, la phrase cendrée et enveloppée du Jardin de l'Infante. Ceci M. de Gourmont ne le pourra guère remarquer, parce qu'il y a des noms et surtout celui de Signoret, qui ne viendraient jamais au bout de sa docte plume.
Il tient à passer dans la vieille garde avec toute l'obstination et toute l'injustice d'un vieux gradé. Grand bien lui en fasse ! Aujourd'hui, il ne fait qu'exprimer par écrit le sentiment général du symbolisme orthodoxe. Il n'y a pas bien longtemps, L. Dumur, qui pourtant n'est pas bien méchant, dans une conversation avec Stuart Merrill et Paul Fort, devant moi, Salmon et Raynal, a déclaré qu'il n'y a rien, absolument rien depuis le symbolisme !... sauf... peut-être... encore en... province !... - ou pensai-je, à Madagascar.
Et cela fut dit durement, sans ménagement pour nos peines et nos travaux d'ouvriers sinon déjà de créateurs. Ce n'est donc rien tout notre effort ! Rien, cette vie vouée à la poursuite obstinée d'une forme, d'une pensée ?... Ah ! MM. Les orthodoxes, vous manquez de gants !
Heureusement, dans une phrase suivante, M. Dumur a livré le secret de ce jugement : « Nous ne voulons plus être appelés des... jeunes ». Enfin, même lugné Poë, dans des notes-circulaires aux journaux déclare que le théâtre de l'Oeuvre n'est plus le théâtre de quelques-uns (on disait d'une élite), mais qu'il ouvre ses portes largement pour faire admirer à la foule (hier appelée canaille et stupide) le chef-d'oeuvre de d'Annunzio...
Le symbolisme actuel, tel qu'il se présente dans quelques revues, finira bien par créer... « une école ».
Ces messieurs paraissent oublier leur propre et fort récente aventure.
Le symbolisme, comme le romantisme d'autrefois, a mis le gilet rouge quand ceux qui l'ont précédé ont manifesté leur mépris silencieux à l'aurore du mouvement, le mensonge, la calomnie et la mauvaise foi plus tard.
Les revues fermées, tous les moyens de parler avec le public gardés par le mufflisme romantique, les éditeurs strictement soumis aux grands princes du réalisme et du Parnasse, tout cela mêlé de plaintes hypocrites sur la dégénérescence des jeunes, sur leur peu d'invention, telle fut la première période du symbolisme. Mais, hier comme aujourd'hui, les jeunes gens savaient qu'ils travaillaient sincèrement, qu'ils avaient à dire des choses nouvelles et qu'ils cherchaient leur expression avec l'ardeur de l'âge. Aussi furent-ils froissés par l'injustice. Plus tard on a commencé à les invectiver, à les calomnier. Les Sarcey, les Lepelletier, les Fouquier, les Mendès, les ont obligés à se serrer les coudes, a créer un mouvement unitaire, à blasphémer... enfin.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Grâce au caractère plus limité du symbolisme, le silence et l'abandon sont moins absolus et par conséquent moins cruels.
Le symbolisme n'a pas conquis universellement l'opinion publique.
Quoiqu'il voulût ne pas être « jeune » sauf de rares exceptions, son influence ne dépasse guère un cercle très limité. Il n'a conquis – et ce n'est pas le désir qui lui manque – ni les grandes revues, ni la grande presse, ni les théâtres, ni les grandes institutions littéraires. Tout au plus garde-t-il quelques-unes de ses propres positions et conserve-t-il une petite place... chez les autres qu'il n'a pas su... détruire. Au moment où les grands prêtres du symbolisme commencent à jeter l'anathème contre une génération plus jeune, c'est Mendès qui règne sur les théâtres, c'est G. Deschamps qui psalmodie dans la grrrande critique. Grâce à cette limitation, le symbolisme ne peut restreindre et étrangler complètement une forme littéraire naissante qui n'a pas à glisser entre ses mailles ayant des sentiers fort commodes pour circuler.
Je dirai même qu'au point de vue pratique, immédiat, elle pourrait même ignorer le Grand Juge du symbolisme et tout son sacerdoce. Le blocus symboliste se limite en effet à une place forte et à quelques camps retranchés... très retranchés. On arrive à être connu, à publier, à être écouté quoiqu'on soit honni dans l'honorable chapelle. Cela rend la lutte moins ardente et permet de ne pas endosser tout de suite le fameux gilet rouge qui excite le coeur mattador de M. Remy de Gourmont.
Cependant ce calme n'est qu'apparent. Le jeune mouvement, le mouvement naissant n'est pas seulement « une spécialité » littéraire.
Il est aussi profond que le romantisme d'hier et on peut lui appliquer le mot de Thiers écrit à propos de ce dernier : « Il n'est pas seulement une forme littéraire, mais une forme nouvelle de vivre, de créer, de penser. »
Ce mouvement lent dans son éclosion parce que son champ est immense, a forcément des contacts très importants avec le symbolisme. Il en procède, il faut qu'il en procède ; il veut en procéder, en l'élargissant, en l'approfondissant. Aussi le silence têtu devant certaines productions, la cécité de mauvaise foi, les exclusions et déjà même des calomnies que débitent sans réticence les orthodoxes symbolistes finiront par créer une « école ».
Et puisque la vieille garde du symbolisme (et ses représentants n'atteignent pas la cinquantaine) (2) ne peut comprendre l'existence d'une forme littéraire qu'à la façon de Sganarelle appréciant la médecine, espérons que ses injustices, son mauvais goût, son manque de compétence qui ne sont que des résultats inévitables de l'injustice finiront par faire employer largement des coups... en littérature ; injures, anathèmes, mots creux d'école, avec indications des chefs de file, avec des sommations, des articles de foi...
Or, si à l'exemple de quelques-uns, comme de Régnier, Stuart Merrill, Paul Fort, Pierre Quillard, les orthodoxes symbolistes avaient voulu garder un jugement sain et bienveillant, ils auraient fait éviter à toute une génération l'erreur de « l'école » et auraient permis à une forme de se créer sans l'intervention des jugements déviés et restrictifs, que fait naître la lutte basée sur l'injustice des uns et l'exaspération des autres. Nous ne leur demandons pas pourtant ce qu'ils ne sauraient accorder.
Leurs critiques sont volontairement faussées. Ils savent aussi peu que Gaston Deschamps et jugent avec l'esprit de Doumic, en basant meurs idées moins sur les ordres du patron Hebrard ou sur des croyances religieuses de Brunetière que sur une camaraderie de mauvais aloi.
Nous n'avons qu'à travailler. Il y a des choses plus graves à dire et plus profondes que ne le firent MM Maeterlinck et Francis Jammes. Il y a à chercher l'eurythmie autrement éblouissante que la mélopée symboliste ou le caquet de Francis de Croisset. Il y a aussi à dompter pour l'art la vie qui passe, la phrase qu'on a déchaussée sans grâce, à soumettre enfin à la loi les déformations créées par un siècle de littérature sentimentale, barbare, échevelée.
M. de Gourmont et d'autres sacrificateurs ne voient que choses dites et choses faites. Nous apercevons d'immenses problèmes envahir la pensée et imposer des tâches d'Hercule à la génération qui vient. La poésie, la prose, la peinture, la sculpture, la politique même attendent une loi plus propice à leur existence. C'est cette loi qu'on cherche à travers des confusions et que l'orthodoxie symboliste nie, superbement enveloppée d'oripeaux princiers empruntés à ceux qui autrefois ont combattu groupe Boileau, groupe Hugo, groupe Leconte de Lisle, groupe Mallarmé. L'histoire ne recommence que dans les vices. Quant aux vertus, heureusement pour la vie elles se renouvellent et évoluent, éternellement jeunes.


Mécislas GOLBERG.


Menton, 1905
Je vois de jeunes revues éclore. J'espère que la Revue des Arts Lyriques, que la Vie, que la Plume, que notre Revue Littéraire, que le Festin d'Esope qui renaîtra amèneront des clartés qui certes ne changeront pas le jugement de M. Remy de Gourmont, mais qui permettront aux talents de se manifester, aux volontés de se raffermir, aux esprits fraternels de se reconnaître.


M. G.

Revue Littéraire de Paris et de Champagne, N° 23, Février 1905.

(1) Le « frère ainé » comme on disait « l'oncle » pour Sarcey, mais aussi, peut-être, à cause du petit frère, Jean de Gourmont.

(2) En 1905 Gourmont a 47 ans, Jean Moréas 49 ans, Louis Dumur 45 ans, Maurice Maeterlinck 43 ans, Vielé-Griffin 41 ans, Stuart Merrill 42 ans, Pierre Quillard 41 ans, Henri de Régnier 41 ans, Paul Fort 33 ans, Francis Jammes 37 ans, Albert Samain mort en 1900 aurait eu 47 ans, Emmanuel Signoret mort lui aussi en 1900 aurait eu 33 ans en 1905. Mécislas Golberg a 36 ans.


En janvier 1905, Remy de Gourmont dans le Mercure de France (1) donne son avis sur les enquêtes littéraires et constate qu'elles ne suscitent pas dans le public, l'engouement que connue 14 ans plus tôt, en pleine ébullition symboliste, celle menée par Jules Huret sur l'évolution littéraire (2). Les raisons qu'il en donne sont tout d'abord la « léthargie » de la jeune littérature, très critique, il parle même de « la plus inoffensive littératurette » pour le dernier Goncourt (3), il reproche plus loin aux « jeunes » de ne pas faire assez de bruit, de ne pas être « un spectacle public », quitte à se montrer « ridicule », il faut se faire remarquer pour « compter plus tard ». Citant Philippe (4) et « Leblond » (5), il les trouve trop « raisonnables », n'ayant pas « l'aplomb de s'affubler [...] du gilet rouge d'Hernani ». Gourmont rappelle qu'une partie de la « gloire » des symbolistes est d'avoir été traités de « malfaiteurs et de fumistes » par « les maréchaux de la chronique ». Manque de hardiesse, tiédeur, philosophie sociale qui lorsqu'elle tend vers le mysticisme s'inspire alors de Maeterlinck et de Francis Jammes, poésie féminine provenant directement d'Albert Samain, la littérature nouvelle ne serait qu'une imitation des « oeuvres originales des vingt dernières années ». Dans la suite de son article il constate que la presse, la grande presse, se désintéresse de la littérature, que les tirages des quotidiens explosent, que le public est plus nombreux et moins cultivé, et que le temps où « Taine et Renan écrivaient dans les journaux, au même moment que Goncourt, Maupassant, Villiers, Daudet » est passé, « ceux qui cultivent encore ces goût pervers [ceux des jeux de la pensés et de l'art] ne peuvent plus en demander la satisfaction à ces mêmes journaux ». Gourmont continue cet état des lieux culturels en constatant que « le moment n'est peut-être pas loin où tout ce qui dépassera le niveau primaire passera pour prétentieux ou insensé » et mène l'analyse jusqu'aux sciences n'y trouvant pas plus de raison d'espérer que ce qu'il appelle « les métiers de l'intelligence » continuent à influer sur la vie quotidienne, laissant la place libre à « l'esprit religieux », aux « messies, [aux] prophètes, [aux] guérisseurs. »
Mécislas Golberg, dans la Revue de Paris et de Champagne, en réaction au début de l'article de Gourmont fait paraître ; Orthodoxie symboliste. Il se place ainsi en tant que porte parole des « jeunes », accusant Gourmont d'injustice envers la littérature nouvelle, éternelle querelle des anciens et des modernes, comme le laisse entendre le « vieux dicton » en exergue ? A voir... Les jeunes réclament leurs places et c'est normal, Gourmont constate qu'ils n'ont su s'imposer, ni par leurs oeuvres, pas assez originales, ni par leurs attitudes, trop timides, pour cela il est rejeté par Golberg parmi les critiques du « bon sens », il devient « le Sarcey du symbolisme ». Golberg ne cite pas de nom dans la génération nouvelle, seules quelques revues sont citées après coup, seul Signoret mort en 1900 est nommé. Il ne cite pas plus les « orthodoxes du symbolisme », si ce n'est sa cible du jour : Gourmont, qu'il associe à Louis Dumur, dont les oeuvres peuvent difficilement être qualifiées de symbolistes. Henri de Régnier, Albert Samain, Stuart Merrill, Paul Fort, Pierre Quillard, auraient eux, « un jugement sains et bienveillant » pour la génération nouvelle, mais alors qui donc sont les orthodoxes ? De même, qui sont les jeunes ? Seule quelques informations disséminées dans le texte nous renseignent, on y trouve André Salmon et Maurice Raynal, témoins d'une conversation avec Dumur, et qui indubitablement sont a classer parmis « les jeunes » (6). La liste des collaborateurs des revues citées après l'article permettrait sans doute de mieux cerner les littérateurs dont Golberg se veut le porte-parole (7).

(1) Les Enquêtes littéraires, Mercure de France, janvier 1905, repris dans Promenades littéraires 7 (1927) Les Enquêtes littéraires en 1905.
(2) Publiée dans l'Echo de Paris de Mars à Juillet 1891. Jules Huret : Enquête sur l' évolution littéraire. Charpentier, 1894. Rééditions : Editions Thot, 1982. José Corti, 1999, avec pour les deux, préfaces et notes de Daniel Grojnowski.
(3) Le Prix Goncourt 1904 a été décerné à Léon Frapié pour La Maternelle.
(4) Charles-Louis Philippe (1874-1909), en 1905, a déjà fait paraître six volumes, dont Bubu de Montparnasse, Le Père Perdrix et Marie Donadieu.
(5) S'agit-il de Maurice Le Blond (1877 – 1944), poète naturiste ? ou plus surement de Marius-Ary Leblond, les cousins réunionnais, Georges Athénas et Aimé Merlo, qui en 1909 recevront le prix Goncourt pour En France ?
(6) André Salmon, en 1905 il a 24 ans et vient de publier son premier recueil Poèmes aux éditions Vers et proses. Maurice Raynal, journaliste, critique d'art et écrivain, défenseur dès 1905, il a alors 21 ans, de la peinture nouvelle et notamment du Cubisme.
(7) Voyons pour l'exemple Le Festin d'Esope fondée par Guillaume Apollinaire et publiée de novembre 1903 à août 1904, on y trouve effectivement beaucoup de « jeunes » (j'indique leur âge en 1905), outre Apollinaire (25 ans), Paul Géraldy (20 ans), René Fauchois (23 ans), André Arnyvelde (24 ans), Nicolas Deniker (24 ans), André Salmon (24 ans), Emile Despax (24 ans), Toussaint-Luca (26 ans), Jean de Gourmont (28 ans), Cécile Périn (28 ans), Alphonse Séché (29 ans), Henri Hertz (30 ans). Les trentenaires et plus n'en sont pourtant pas absents : Edmond Pilon (31 ans), Alfred Jarry (32 ans), Georges Pioch (32 ans), Golberg (36 ans), Alfred Pouthier (39 ans), Alfred Mortier (40 ans), Ernest Raynaud (41 ans), Han Ryner (44 ans), John Antoine Nau (45 ans)
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