Rimbaud, le voyou.
En 1891 Remy de Gourmont lit Reliquaire, première publication en recueil des oeuvres d'Arthur Rimbaud. Ce n'est pas dans la préface, bâclée, de Rodolphe Darzens qu'il recueille les informations biographiques qui lui servirons pour le masque de Rimbaud du Livre des Masque de 1896, pourtant l'article du Mercure de France pour rendre compte de ce volume lui servira presque entièrement pour le masque. Dès ce premier article, les choses sont claires, Gourmont comprend le génie de Rimbaud, mais ne l'apprécie pas, c'est un « talent qui intéresse sans plaire ». Gourmont attend une étude de « quelqu'un qui sympathise plus que [lui], avec ce précoce énergumène ». Il n'aime pas cet homme au caractère de « femme », ce « voyou ». En 1912, la IVe Lettre à l'Amazone, déclenche les foudres de Berrichon (Paterne) et beau-frère du génie, qui écrit le mythe d'un Rimbaud vertueux et chrétien voit d'un mauvais œil ce critique qui dit ce qu'il sait et ce qui est. Oui Rimbaud pouvait se comporter comme un voyou, les coups de canne épée au dîner des Vilains Bonhommes ne sont pas d'un enfant de chœur. Non, on ne peut « ranger ce jeune homme parmi les coquebins de l'unisexualité », non Verlaine et Rimbaud ne se sont pas « réfugier dans des chambres d'hôtel uniquement pour chanter mâtine et convertir M. Claudel », tout cela Gourmont l'écrit, mais contrairement à ce que pourrais laissé croire la lecture de ses contradicteurs offusqués, il va plus loin et, surpassant « le sens commun » qu'il partage, et qui ne voit qu'aberration dans cette relation, il analyse cet amour « avec froideur et détachement » et en conclu que « L'amour, tout comme l'esprit, souffle où il veut, et là où il a soufflé, il tend à se réaliser corporellement, puisque les attractions sont physiques, c'est-à-dire corporelles ». Paterne ne fut pas le seul à s'offusquer des articles de Gourmont, ses ennemis, Gide et Claudel, se retrouvent pour dénoncer « l'ignoble article ». Pourtant si pour Gourmont, Rimbaud, le poète est « souvent obscur, bizarre et absurde » il est « quelqu'un malgré tout, puisque le génie ennoblit même les turpitudes ».
Après avoir lu la réédition de ce choix de textes, le lecteur qui ne connaît que les avis de Berrichon, Claudel, Gide, Aragon ou Breton s'apercevra que les écrits de Gourmont ne sont pas la hottée d'ordure qu'ils dénoncent et que si l'ermite de la rue des Saint-Pères n'aimait pas « l'homme Rimbaud », il n'a pas ignoré le génie du poète.
Remy de Gourmont : Sur Rimbaud. Textes choisis et présentés par Christian Buat. Éditions du Sandre.
Voir aussi : Sur Lautréamont.
Site des Amateurs de Remy de Gourmont.
Gourmont. Nigond. W. C. Morrow. et les autres (Bulletin N°0)
Scripsi n° 1 Bulletin du site des Amateurs de Remy de Gourmont
Scripsi n° 2 Bulletin du site des Amateurs de Remy de Gourmont
Scripsi N° 3
Scripsi N° 4-5. Remy de Gourmont : Dialogues oubliés
Scripsi n° 7
2 commentaires:
Superbe article, un petit détail toutefois, le coup de révolver, c'est Rimbaud qui en fut la victime.
Effectivement, la phrase était mal écrite. Merci beaucoup.
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