mardi 27 octobre 2009

Le 29 octobre chez votre libraire






"Ce n'est pas si désagréable d'être un jeune auteur"
De Jean Paulhan (67 ans) à André Pieyre de Mandiargues, le 4 décembre 1951. Il vient de se voir refuser Lettre au directeurs de la Résistance par cinq revues (ou journaux).

"Je rêve beaucoup, ces derniers temps, que "je découvre des manuscrits". La dernière fois, et l'avant-dernière nuit, c'était l'"Histoire de l'Etincelle" de Cyrano de Bergerac".
De André Pieyre de Mandiargues à Jean Paulhan 16 décembre 1951.

En librairie le 29 octobre 2009 : André Pieyre de Mandiargues, Jean Paulhan. Correspondance 1947 - 1968. Gallimard, Les Cahiers de la NRf, 2009, 448 p. Edition établie, annotée et préfacée par Eric Dussert et Iwona Tokarska-Castant.

Livrenblog reviendra, sous peu, sur ce volume passionnant.

Jean Paulhan André Pieyre de Mandiargues


lundi 26 octobre 2009

LE COSMOGRAPHE Catalogue N° 47







Parfois délaissés au profit du numérique, les catalogues à prix marqués des libraires d'ancien, continuent d'exister et d'apporter dans nos boîtes à lettres, surprise (de la découverte), rêve (de posséder), espoir (de trouver enfin le volume tant recherché).

Le Cosmographe, Pierre-Yves Erbland, a publié il y a peu, son 47e catalogue. Chez lui pas de spécialisation outrancière, un choix large d'ouvrages de toutes époques amoureusement choisis... Pour exemple on peut trouver dans la rubrique "Art" le volume de J.-M. Campagne sur Clovis Trouille, L'Art Ochlocratique de Péladan, le Célestin Nanteuil d'Aristide Marie chez Carteret ou La Légende de Saint-Germain des près de Michel Traviger.

Eclectique donc, ce catalogue contient quelques numéros intéressant plus particulièrement les amateurs de littérature XIXe et anté-séculaire, un Parnassiculet contemporain (1867), parodie du Parnasse contemporain, due à Paul Arène, Alphonse Daudet, Jean du Boys et Charles Bataille, et publiée anonymement, de Delphi Fabrice, L'Opium à Paris (1907), du Dr Gérard, La Grande Névrose (1889), de l'Hydropathe Georges Lorin (Cabriol) son excellent Paris rose (1884), Le Satanisme et la magie de Jules Bois, un manuscrit original de Victor-Emile Michelet, Le Monde occulte et la magie, Propos d'un intoxiqué de Jules Boissière, la réédition sur papier bleu des Martyrs ridicules de Léon Cladel et, du même, Petits Cahiers (1879) et Léon Cladel et sa kyrielle de chiens (1885). Parmis les Naturalistes et chez Kistemaeckers : Harry Alis, Les Pas de chance (1883), Le Calvaire d'Héloïse Pajadou (1883) de Lucien Descaves et D'après Nature (1879) de Francis Enne. De Jean Lorrain, Le Vice errant (1902), de Catulle Mendès, Lesbia (1886), Les Folies amoureuses (1883) et Monstres parisiens (2e série) sur hollande. A noter encore un exemplaire des Soliloques du pauvre de Jehan Rictus avec 1 poème et deux lettres manuscrites à Jean Ott. Une curiosité parmi toutes celles dont ce catalogue foisonnent : 3 numéros de Le Falot Cosmopolite, organe hygiénique et de sûreté indispensable en ménage (1868) dont la direction était assurée d'une façon presque fictive, par Albert Glatigny.

La petite liste qui précède ne rend compte que d'une infime partie des curiosités que renferme ce catalogue, histoire, curiosa, sciences, livres illustrés, spectacles, voyages...


Librairie Le Cosmographe
La Closerie du Cassereau (3)
37210 Vernou-sur-Brenne




jeudi 15 octobre 2009

PICASSO 1901, première exposition à Paris





La publication, dans un billet précédent, d'articles sur la première exposition de Picasso à Paris (1) - l'un anonyme parut dans le Cri de Paris, l'autre de Fagus dans la Revue Blanche – nous avait déjà permis de constater qu'avec son ami Iturrino, le jeune Pablo Ruiz Picasso n'était pas passé inaperçu. C'est en cette année 1901 qu'il commence à signer ses tableaux, « Picasso », du nom de sa mère. A l'occasion de recherches dans la revue La Critique de Georges Bans, je découvre un autre court article, signé d'Emile Sedeyn, qui confirme l'intérêt suscité dans le milieux des « petites revues » par l'impatient espagnol alors à peine âgé de vingt ans.

(1) Galerie Amboise Vollard du 25 juin au 14 juillet 1901. Voir Livrenblog : Fagus : Picasso 1901.



Exposition de MM F. Iturrino et P. R. Picasso


J'aurais voulu parler plus tôt, durant qu'elle était encore ouverte au public, de cette exposition intéressante, où deux artistes très différents de tempéraments et d'idéal surent affirmer la personnalité originale curieuse et chercheuse de leur talent respectif.
Le talent de M. Iturrino est pensif et réfléchi, teinté de mélancolie, avec une accentuation puissante et douce à la fois des facultés d'observation. Sans larmoiements, sans exagérations mélodramatiques, son oeuvre nous montre la misère hautaine du bas peuple espagnol, misère qui se drape en des loques somptueuses et dont le sourire est plus amer, cent fois, que la plus amère des larmes. Les femmes de Salamanque, les gitanes dansant, las Chanas, la causerie de l'après-midi, sont, entre autres, des oeuvres peintes en grandeur et en pitié, dans une manière sobre et forte qui sert admirablement l'observation exacte sans vulgarité de l'auteur.
M. P. R. Picasso est aussi un observateur, mais un observateur plus fébrile, et comme impatient de noter toutes les impressions qui le séduisent ou l'arrêtent. Sa vision et son pinceau se plaisent aux sujets les plus divers : coins de beuglants montmartrois, terribles faciés de vieilles filles, douces et simples harmonies de tons gris comme en la Madrilena qui appartient à M. Sainsère, tragiques portraits de femmes de nuit, villages d'Espagne, boulevards de Paris, idylles comme les blondes chevelures, drames comme la Mère, etc... Tantôt c'est le charme ou l'imprévu des lignes, tantôt c'est la féerie des lumières, d'autres fois c'est la pensée furtive, le drame qui passe ignoré de la foule, - tout cela noté hâtivement, avec une verve extrêmement ingénieuse et diverse, séduite surtout par les impressions fugitives, alors que M. Iturrino s 'attarde plus volontiers aux rêves et aux misères qui sont de l'existence courante, et qui durent, - comme dure la vie.
En résumé, deux peintres et deux philosophes très différents en leur profonde originalité, et dont il sera intéressant de suivre l'effort, après cette révélation.


Em. Sedeyn.


La Critique N° 154 du 20 juillet 1901.


Voir : sur le blog des éditions Cynthia 3000, un article sur Fagus et Picasso : "Le Peintre s'appelle Picasso"

mercredi 14 octobre 2009

Marcel SCHWOB, Maua conte inédit



Tu m'entoures, comme une eau de mort

D'abord l'objet : autant le dire tout de suite il s'agit d'un beau livre. Belle sa couverture blanche où s'inscrit le pavé du titre en gris-bleu et rouge. Élégante, la typographie, grise et aérée. La réalisation du livre est digne de la qualité du manuscrit, reproduit en fac-similé avant sa transcription. On y retrouve l'écriture fine, claire, lisible de la version autographiée des Mimes publiée au Mercure de France en 1893. Ce manuscrit découvert par Sylvain Goudemare, biographe de Schwob (1) et libraire d'ancien (2), est présenté par lui, il s'agit d'un cahier d'écolier, sans date ni signature. La découverte d'un manuscrit inédit est toujours un événement, mais lorsque l'on saura qu'il s'agit du manuscrit de poèmes érotiques en prose, consacrés essentiellement à l'amour saphique, on comprendra mieux l'importance que constitue la publication de ce volume, pour la connaissance de la vie et de l'oeuvre de Marcel Schwob, dont les papiers n'avaient pas révélé jusqu'ici un intérêt particulier pour l'érotisme.
Érotiques, trop érotiques pour faire l'objet d'une publication à l'époque de leur rédaction, les dix-neuf poèmes en prose de Schwob furent sans doute un exercice littéraire, fantasmes mis en mots. Poème d'amour, mais aussi poème de mort, où le corps est martyrisés, où la volupté est violence, la jouissance masochiste, Maua méritait bien l'écrin que lui ont fait Sylvain Goudemare, les éditions de La Table Ronde et l'imprimerie Plein Chant à Bassac.

(1) Sylvain Goudemare : Marcel Schwob ou Les Vies imaginaires. Le Cherche Midi, 2000, 343 pages. Voir aussi : Préface à Oeuvres de Marcel Schwob, Phébus, 2002, 800 pp.

(2) Un passage au 9 de la rue du Cardinal Lemoine, Paris 5e, est recommandé à tous : jarryste féru de pataphysique, collectionneurs de raretés anté-séculaires, chercheurs d'écrits rares et singuliers, des petits romantiques à l'Oulipo. Voir son site internet : http://www.librairie-goudemare.com/

Marcel Schwob, Maua, conte inédit présenté par Sylvain Goudemare. Éditions de La Table Ronde, Paris, 2009. 62 pages. Tirage limité à 2500 exemplaires. 22€.
40 exemplaires sur Vélin d'Arches, dont 10 hors commerce.

Lire : Maua, conte inédit de Marcel Schwob sur le site de la Société Marcel Schwob. Ce coquin de Marcel Schwob (inédit) par le Préfet martime sur L'Alamblog. Présentation du livre sur le site des éditions de La Table Ronde.

Schwob sur Livrenblog : Marcel Schwob par Maurice Beaubourg. Coeur double par Jules Renard.

jeudi 8 octobre 2009

Reynaldo HAHN. Notes. Journal d'un musicien.


Reynaldo Hahn : Notes. Journal d'un musicien.
Plon, Choses Vues, 1933, in-12, 296 pp.


Quelques anecdotes piochées dans le journal de Reynaldo Hahn, partie juvenilia. Entre un dîner chez Mme de Pourtalès avec la marquise de G..., la lecture de l'Enfant de volupté, un déjeuner avec Mme de Chevigné, des soirés aux concerts... On y trouve, outre l'ami Marcel prêt pour son duel avec Jean Lorrain, un Mallarmé familier, une apparition de Laurent Thaillade chez Sarah Bernhardt, la troublante Liane de Pougy et, plus curieusement, un intérêt pour la chanson populaire, le café concert et l'électrique Polaire.



J'ai parfois l'air de connaître beaucoup de musique et, au fond, j'en connais très peu. La liste de ce que je connais serait vite faite et je n'en finirais pas s'il me fallait énumérer tout ce qui me reste à connaître pour arriver seulement à la cheville du plus médiocre des musicologues. Et je n'étais pas étonné l'autre jour en entendant Marcel (1) dire qu'il connaissait très peu de chose en littérature. C'est qu'on devine beaucoup l'Art auquel on appartient vraiment. Certains poètes parlent assez bien musique ; mais j'ai rarement entendu un musicien parler poésie sans dire des bêtises.

(1) Marcel désigne toujours Marcel Proust



Dîner chez Frantz Jourdain. Séverine, Rodenbach, très sentencieux, sa femme, la rousse Hollandaise, parlant le français avec un accent presque espagnol. Mallarmé, qui, « tout de même » comme disait France, est un peu acteur (mais exquis). Léon Daudet, Lucien. Après dîner arrivent une foule de petits jeunes gens très laids et très graves, amis de Francis Jourdain, parmi lesquels un admirateur passionné de Mallarmé. Ce dernier prend une pose hiératique (1) pendant que je chante « les chères mains » ; il se tient debout au milieu du salon, les bras croisés, les yeux mi-clos. Puis il vient à moi et m'adresse des éloges sur « l'accompagnement » de cette mélodie. En me disant au revoir il me fait une moue mystérieuse que je suppose d'approbation. Mais je sens que j'ai fort mal chanté ce soir, gêné par tous ces adolescents sévères.

(1) Manet disait de lui : « On dirait le fils d'un prêtre et d'une danseuse. »




Hier, enterrement de Verlaine. Tout a été très bien et même assez imposant. J'avais envoyé à Montesquiou de l'argent pour qu'il l'employât à payer certains frais d'enterrement. Mais on n'en a pas eu besoin, et il me l'a renvoyé avec un mot qui m'a déplu. J'ai immédiatement répondu avec acidité. Ah ! Si nous pouvions être brouillés !



Aujourd'hui, Marcel s'est battu avec Jean Lorrain qui avait écrit sur lui un article odieux dans le Journal.
Il a montré un sang-froid et une fermeté, depuis trois jours, qui paraissaient incompatibles avec ses nerfs, mais qui ne m'étonnent pas du tout.



Ce soir, chez Méry-Laurent, j'ai entendu Mallarmé parler de Dreyfus : « Ce serait intéressant de voir comment une nation qui se respecte s'y prendrait envers cet homme s'il était reconnu innocent, d'assister au départ des cuirassés allant au devant de lui, des yachts particuliers et de moi-même dans mon petit bateau ; ce serait enfin curieux de voir quelle situation on lui trouverait, et qui ne pourrait être que celle de président de la République, encore insuffisante, n'est-ce pas, à rétablir la balance ? »
Sur la mauvaise nourriture : « Du jambon et un verre de bière, voilà de quoi faire un bon dîner ; l'essentiel, n'est-ce pas, c'est qu'on ne serve que des choses qui ont bien l'air d'avoir été faites pour être mangées. Il n'en est pas ainsi chez les C... où tout à l'air d'être fait avec les cheveux de Mme C... ; c'est mieux chez les S... où, du moins, lorsqu'il y a un dîner, on déménage les objets d'art et on met la pendule et les flacons de toilettes sur la table. »
Quel agrément dans sa conversation ! Les mots qu'il prononce sont toujours inattendus et pourtant exaucent toujours votre espoir. Il est simple et familier ; vrai prince de l'esprit. Etant à Gand, et devant faire une conférence, il s'aperçut, pendant le trajet de l'hôtel à la salle où elle devait avoir lieu, que sa cravate était défaite et que son col allait se défaire aussi ; et il pria alors l'adjoint du bourgmestre qui l'accompagnait de bien vouloir lui indiquer une : « maison spéciale où une dame voudrait bien lui rendre le petit service de lui refaire sa cravate. »


Déjeuner chez Sarah. Arrivée de Laurent Tailhade étrennant son oeil de verre à travers le quel il me reconnaît. Il me raconte en détail sa maladie et son opération. Il est bien élevé et affecte les façons de Mallarmé.
Sarah descend en redingote, culotte collante et bottes montantes, les cheveux relevés d'un coup, fixés avec une épingle, comme autrefois. C'est la coiffure qui lui va. Ce costume est un essai pour l'Aiglon. Pendant tout le déjeuner elle est exquise de vivacité et, par moments, admirable de fureur quand, revivant chaque scène, elle raconte de vieilles histoires. Au fond il semble qu'elle ait toujours raison et malgré tout ce qu'on peut dire il y a en elle un élément « brave femme » qui, très souvent, prend le dessus.


Judic m'a vraiment charmé ce soir par ses chansons. Elle a une vilaine petite voix, elle est grosse, âgée, et elle chante des chansons « raides », aussi ; mais elle les dit de la façon fine et légère d'il y a trente ans, du temps de Meilhac, - de son temps, à elle ; cela passe tout seul, et pourtant il y a un petit couplet sur « la mousse »... Yvette (I) n'a rien de plus indécent dans son répertoire. Mais Yvette le soulignerait, tandis que Judic le sauve par la candeur sans recherche du ton et du regard.



Observations, réflexions diverses, hier, après deux heures passées chez Liane de Pougy pendant qu'elle posait pour La Gandara. Beauté surnaturelle de cette femme, poésie céleste qui dérange ma sceptique quiétude.



Hier, à la Scala, j'ai sérieusement admiré Polaire, bizarre, fine et grisante dans l'agitation érotique. Elle a chanté avec un art sauvage et décadent à la fois le P'tit Frisson.

Qui m'donn'ra la p'tit' sensation
Qui fait qu'on dit : j'en suis baba !
Ya donc pas moyen d'trouver ça ?


Demande-t-elle ; et cette question, elle la dit d'abord avec grivoiserie, puis avec mépris, puis avec un geste de rage sensuelle, et enfin avec d'imperceptibles tremblements hystériques, une tristesse amère et nerveuse.
Il y a d'ailleurs beaucoup de talent en ce moment à la Scala. Claudius est fin ; un nommé Mayol a une dextérité extraordinaire, une sûreté qu'on acquiert pas en un seul jour. Polin est toujours charmant. Et parmi les « vedettes » de second ordre, plusieurs ne sont pas du tout mauvaises.







mercredi 7 octobre 2009

Achille MÉLANDRI Hydropathe





Annonce publié dans Les Hydropathes du 15 mai 1879


C'est Cabriol (Georges Lorin) qui dessina la caricature d'Achille Mélandri en une du journal Les Hydropathes, Paul Vivien se chargeant de la courte biographie suivante et qui complétera notre billet précédent, La Lumière électrique de Charles Cros.

Les Hydropathes, N° 12, du 25 juin 1879 :

Mélandri


Mélandri est un jeune, mais il n'est pas mauvais d'ajouter que c'est un jeune qui a déjà fait ses preuves. Il est tant de nullités pour lesquelles ce mot signifie tant ! Quelques sonnets acceptés complaisamment par quelques petites feuilles et on est arrivé !
Bien qu'à peine commencée, son histoire serait longue ; abrégeons.
Petit-fils de la princesse Coralli et fils du général Mélandri, qui prit une part active au soulèvement des Romagnes en 1854, notre ami, jeté par les cahots de la politique dans toutes sortes de situations plus ou moins bizarres, se fait tour à tour bureaucrate, dessinateur, photographe, et journaliste.
Qui n'a lu ans le Tintamarre, dont il est un des plus spirituels collaborateurs, ces nouvelles délicieuses signées M. Irlande ? C'est un esprit fin et délicat, un causeur charmant.
Etant un peu polyglotte, il a voyagé et s'est fixé en Angleterre et en Italie, où il a fait partie de la presse avancée de ces deux pays.
Puis il revient en France, où il collabore sous divers pseudonymes à la Marseillaise (partie littéraire), au Tintamarre, et se livre dans le silence du cabinet, à la poursuite de sa grande toquade : la photographie animée.
Il rêve de voir les images photographiques s'agiter sous le regard – ajouter en un mot l'illusion du geste à la vérité prodigieuse de la copie par l'objectif.
Il a, quand il traite ce sujet, des arguments à désarçonner les contradicteurs les plus intrépides.
Ce qui est incontestable, c'est que, ayant étudié sur place le faire des Robinson Churril de Londres, de Luckghardt de Vienne, il nous a rapporté une façon toute originale d'interpréter le portrait. Ses épreuves ont une intensité d'expression extraordinaire. On y sent vibrer la vie.
Son atelier, près de la place Bréda, est devenue le rendez-vous des artistes et des écrivains de l'Ecole militante, de tout ceux enfin qui, selon le mot de Murger, se lancent à l'assaut de l'avenir.
Le joyeux ami Pirouette du Tintamarre (Coquelin Cadet, pour la Comédie-Française), André Gill, Jules Jouy, Luigi Loir, Georges Lorin, sont les hôtes les plus assidus de ce charmant atelier que je vous demanderais la permission de décrire un jour.
Nous allions oublier Sarah Bernhardt, qui y fait souvent de courtes apparitions et qui professe pour le talent de Mélandri une véritable admiration.
Comme pour la plupart de nos co-hydropathes (les Jeunes !) c'est une biographie à continuer... plus tard !

Paul Vivien.

Achille Mélandri sous le pseudonyme de M. Irlande dans L'Hydropathe :

N° 7 du 20 avril 1879 : Sonnet. La Chauve-souris. à Félicien Champsaur.

N° 13 du 10 juillet 1879 : Le Sonnet-fantôme, Légende (à G. Lorin)

N° 14 du 25 juillet 1879 : Ultima Verba, à M. E. Goudeau (Sur Sarah Bernhardt)

N° 20 du 28 octobre 1879 : Lamento.

N° 22 du 25 novembre 1879 : Au Luxembourg.

N° 1 du 15 janvier 1880 : Folles amours.

Hydropathes et fumistes dans Livrenblog : Jules Jouy, Emile Goudeau, Sapeck, Alphonse Allais, Coquelin Cadet...

Indications bibliographiques en images :







mardi 6 octobre 2009

La Lumière électrique de Charles CROS





Les Hommes luisants


A Marcelin Desboutin


Je me promenais avec mon ami Cros à travers l'Exposition d'électricité. Il avait l'air de trouver cela très inférieur et prenait des mines tellement dédaigneuses devant tous ces foyers irradiants, qu'on eût dit qu'il portait le soleil dans sa poche.
Un monsieur qui l'observait d'un air vexé lui en fit la remarque.
- Pardon, dit mon singulier ami, à qui ai-je l'honneur de parler ?
- A M. Jablochkoff lui-même.
- Fort bien, répondit l'auteur du Coffret de Santal. Moi, je suis Charles Cros, tout ce qu'il y a de plus lui-même...
- Vous ne paraissez que médiocrement satisfait des merveilles de cette Exposition.
- Ce n'est pas mal, mais tout cela est coûteux et peu pratique. Si vous voulez me faire l'honneur de m'accompagner chez moi, je vous montrerai un système d'éclairage auprès duquel la lampe d'Edison n'est pas même un feu de la Saint-Jean !
- Très volontiers. Je ne demande qu'à m'instruire, réplique notre interlocuteur avec un sourire sceptique.
Nous suivons Cros dans un réduit inquiétant où fioles et bouquins gisent pêle-mêle. De la poussière partout. Obscurité presque absolue. Seule, la lueur lunaire, traversant une fenêtre grillée, éclaire vaguement un instrument bizarre : le phonographe Cros, inventé plusieurs années avant celui d'Edison.
Un gros chat noir ronronnait dans un coin. Le maître l'appela : « Viens ici, Belphégor ! »
D'un bond, le matou fut sur ses genoux. Alors, nous vîmes une chose étrange. Cros passa plusieurs fois sa main à rebrousse-poils sur le dos du chat. Des étincelles électriques en jaillirent. Le savant continua ses passes. De petites flammes brillèrent le long de l'épine dorsale de l'animal. Enfin, tout à coup, Belphégor nous apparut hérissé, lumineux, splendide ! Chacun de ses poils terminé par un petit soleil aussi éclatant que les réverbères de l'avenue de l'Opéra.
- Ce chat, dit Cros avec simplicité, me sert en même temps de lampe et de poêle. Car je vous fais remarquer qu'il dégage une chaleur fort agréable. Il est d'un entretien peu coûteux : un sou de mou tous les deux jours... Et même, depuis que je l'ai dressé, il emprunte sa viande aux bouchers du quartier. C'est très commode.
Jablochkoff se frottait les yeux. Ne trouvant rien à dire, il roulait machinalement une cigarette. Quand il eut fini, il demanda du feu.
Notre hôte, après avoir touché son chat-foyer du bout des doigts, frisa sa moustache dont la pointe rayonna d'une lumière éblouissante, et se penchant légèrement, il invita l'étranger à s'en servir comme d'une allumette.
- Comment, m'écriai-je, vous pouvez ?...
- Cela se propage comme le feu, répondit le savant, dont le profil de sphinx avait un singulier sourire. Je puis vous rendre irradiants comme deux petits soleils.
En effet, après avoir approché nos chevelures du matou fantastique, il fit quelques passes sur nos têtes, et nous nous mîmes à flamboyer comme des phares. Jablochkoff aplati demandait des explications.
- C'est bien simple, disait Cros. Si vous avez voyagé sur le Metropolitan railway de Londres, vous avez dû remarquer que chaque wagon est éclairé par le gaz que fournit la machine elle-même. De sorte que l'éclairage ne coûte rien à la Compagnie. Eh bien ! Je me suis inspiré de cette découverte...
- Mais comment avez-vous pu trouver ?...
- Ah ! fit Cros négligemment, c'est une idée qui m'est venue... en regardant des vers luisants. Maintenant, allons prendre un bock.
- Mais nous ne pouvons pas sortir dans cet état. Nous causerions une émeute. Il faut que vous nous éteigniez.
- C'est facile, dit mon ami, dont le sourire devenait de plus en plus sardonique.
Il me fit quelques passes dans le sens contraire au premier, et mes cheveux retombèrent en mèches soyeuses sur mon front pur. J'étais éteint.
- Quant à M. Jablochkoff, reprit Cros, pour le punir d'avoir eu des doutes, nous allons le laisser briller toute la nuit. Ses rayons s'éteindront aux premiers feux de l'aurore.
Jablochkoff était comme un crin.
- Vous allez me faire remarquer, dit-il.
- Pas du tout ! Vous avez un chapeau noir. Une fois coiffé cela brillera en dedans. Personne ne s'en apercevra.
Il ne paraissait qu'à demi convaincu, mais il fallut faire contre fortune bon coeur, et se résigner. Sous différents prétextes, Cros joua longtemps avec ce chapeau. Je m'aperçus qu'il faisait dans la forme du couvre-chef des entailles bizarres à l'aide d'un canif, avant de le rendre à son légitime propriétaire. Enfin, il le lui tendit. Jablochkoff s'en couvrit vivement comme d'un éteignoir, et je vis alors que les découpures à jour du canif formaient en lettres de feu sur le fond noir du gibus, cette phrase :
La meilleure lumière électrique est celle de Cros.
L'infortuné Jablochkoff ne s'était aperçu de rien. Il sortit avec son chapeau illuminé. Il avait l'air d'un de ces hommes-réclames que l'on voit le soir dans les rues de Londres. Nous riions sous cape. Il demandait à mon ami :
- N'avez-vous pas essayé de tirer parti de cette merveilleuse invention ?
- Si fait. Je l'ai offerte à Bullier, pour économiser son gaz. Nous en avons fait l'expérience un soir. - Vous avez dû lire ça dans les journaux ? On a éteint toutes les lumières. Puis, les femmes ayant dénoué leurs cheveux, j'ai illuminé les groupes de danseurs... C'était splendide ! Des femmes comètes ! Remarquez que la couleur de ma lumière varie selon celle des cheveux. Les blondes donnent une lueur rose, les brunes éclairent en flamme de punch, les rousses ont des feux verts... C'était la valse des feux follets dans la nuit !
- Et qu'à dit Bullier ?
- Rien. Il n'a pas compris.
A cet instant, nous passions sur le boulevard devant une boutique ornée de glaces où l'on se voyait en pied. Jablochkoff aperçut son chapeau-réclame. Il bondit de rage et plongea sa canne à épée dans le dos de Cros, en rugissant :
- Emporte ton secret dans la tombe ! La meilleure lumière est la lumière Jablochkoff.
Il avait à peine prononcé ces mots qu'un passant le saisit au collet, et lui lardant les côtes avec un stylet pointu, lui dit froidement :
- Je suis le principal actionnaire de la Compagnie du gaz !
Au même instant, un homme vêtu d'une blouse bondit sur ce dernier, et lui fendit le crâne avec sa canne plombée en criant :
- Et moi, je suis le dernier allumeur de réverbères à l'huile que vous avez ruiné.
Epouvanté, je tombai à mon tour sur ce tas de cadavres, et...
............................................................................................................
- Et vous vous réveillâtes ?
- Tout juste !

Mélandri
Lady Vénus. Ollendorff, 1884. Ouvrage orné de 125 illustrations d'Henry Somm. 296 pp. (1)



La nouvelle, Les Hommes luisants, n'est pas illustrée. Mélandri aimait à mettre en scène ses amis et le milieux de la bohème, ainsi dans Fumisme (2), et dans Lady Vénus, deux autres nouvelles de ce recueil, où l'on retrouve Fragerolle, Sapeck, Georges Lorin-Cabriol, les brasseries du boul'Mich et le Chat Noir.

Je reviendrais prochainement sur Achille Mélandri (1845-1905), écrivain, poète et photographe, fumiste, hydropathe, tête de pipe et assidu du Chat Noir.


(1) Sommaire : Lady Vénus. Par ministère d'huissier. Le Bouquet d'asphodèle. Fumisme. Le Fiacre errant. Histoire d'un requin et d'un chapeau. Lady Malborough. Les Hommes luisants. La Fin de Nicolas Filoche. Le Capitaine Gardavô. Le Perroquet réclame. Magnétisme. Le Cauchemar. Conte Anglais. Le Pantalon fantastique. Les Sept queues du pacha. Amours de catéchisme. Le Marabout. Le Ver luisant. Conte immoral.

(2) Nouvelle, reprise dans l'excellente édition de Dix ans de bohème d'Emile Goudeau, publiée par Michel Golfier et Jean-Didier Wagneur avec la collaboration de Patrick Ramseyer aux éditions Champ Vallon en 2000.


Charles Cros dans Livrenblog : Adieu à Charles Cros par Emile Goudeau.

Achille Mélandri dans Livrenblog : Achille Mélandri, hydropathe. Croquis Impressionnistes.


vendredi 2 octobre 2009

LE CENTAURE Vol. II






Recueil trimestriel de littérature et d'art, qui ne connaîtra que deux livraisons, Le Centaure est une revue à la rédaction fermée où l'on retrouve les amis de Pierre Louÿs, tous habitués de la maison d'édition d'Edmond Bailly, la Librairie de L'Art Indépendant et du café d'Harcourt : Jean de Tinan, André Lebey, Henri de Régnier, André Gide, Paul Valéry, A.-F. Herold, et Henri Albert. Le rédacteur en chef du Centaure sera Henri Albert, Jean de Tinan en sera le gérant et le secrétaire de rédaction. Une note illustrée d'un dessin de Charles Léandre indique que «les opinions exprimée par l'auteur de la Chronique n'engage en rien les autres rédacteurs», Henri de Régnier rappellera cette note, dans une lettre à André Gide lorsque celui-ci, mécontent des articles de ses amis, voudra quitter ce qui n'était pas, dans l'esprit des auteurs, une revue, mais plutôt un « recueil » où chacun d'eux pouvaient publier ses dernières productions en toute indépendance. Le Centaure s'inspire de la revue allemande d'Art Nouveau, Pan, dont Henri Albert organisera le supplément Francais, entre mai et décembre 1895.

N'ayant jamais mis la main sur un exemplaire du volume I, je me contente aujourd'hui d'en décrire le volume II et d'en reproduire les illustrations.

Le Centaure, volume II, 1896, Paris, 9 rue des Beaux-Arts, 1 volume in-4, reliure éditeur pleine toile verte, intérieur frais. Couverture (illustration de Delacroix), titre, fx-titre, 156 pages, 2 ff non paginés, supplément de 16 pages, 2 ff blancs.

4 pages en fac-similé d'un autographe de Jose-Maria de Heredia « Salut à l'Empereur ! ».
5 illustrations hors texte avec serpentes légendées : 1 lithographie d'Armand Point, 1 Eau-forte d'Albert Besnard, 1 pointe sèche de Charles Maurin, 1 lithographie en 3 couleurs de Paul Ranson, 1 estampe en 3 couleurs de Henri Heran.

1 illustration hors texte d'Albert Besnard, 1 dessin de Charles Léandre, ornement de H. Heran.

A.-F. Herold : La Fée des ondes, poème dramatique.
Henri de Régnier : Confession mythologique, conte.
P. V. [Paul Valéry] : La Soirée avec M. Teste, nouvelle.
Pierre Louÿs : Les Hamadryades, poèmes.
André Lebey : Ennoia, conte.
André Gide : El Hadj, conte.
Henri Albert : Les dangers du moralisme, étude.
Pierre Louÿs : Vie de Marie Dupin, maîtresse de Ronsard.
Jean de Tinan : Chronique du règne de Félix Faure (juin, juillet, août)




Ariane par Albert Besnard



Le Centaure Chiron par Armand Point



Léda par Albert Besnard



Nymphe effrayée par Henri Héran




Tristesse par Paul Ranson


Education sentimentale par Charles Maurin




Dessin de Charles Léandre

jeudi 1 octobre 2009

VARLET FLAUBERT STEVENSON



En attendant de trouver le numéro de Vient de paraître de mai 1927, pour se faire une idée plus précise de l'article de Varlet, cette note de René Dumesnil trouvée dans Les Marges, N° 159-160, septembre-octobre 1927 :

A signaler, dans Vient de paraître (mai 1927) : Un parallèle à vérifier : Stevenson et Flaubert, de M. Théo Varlet. Stevenson est « un auteur qui hait l'à peu près, qui s'acharne à la poursuite du mot juste, de la forme nécessaire, et qui écrira s'il le faut, non pas seulement une phrase ou un chapitre, mais tout un roman, de fond en comble, et jusqu'à des trois ou quatre fois, pour leur imposer à force de labeur ce style « définitif » si simple et naturel qu'on le dirait né du premier jet ». Mais ce n'est point seulement un égal souci de la perfection dans la forme qui permet à M. Théo Varlet d'établir son parallèle : c'est encore et surtout une opposition de caractère « qui va presque jusqu'à « l'antithèse » : Flaubert hait les bourgeois : il se condamne à peindre l'objet de son aversion. Stevenson, lui, n'écoute que ses sympathies. Mais ces divergences, note M. Théo Varlet, rapprochent les deux hommes, ils font de l'art le but suprême de leurs efforts, la raison même de toute leur vie. Car en eux, il y a pareil entêtement, pareille volonté de tout subordonner à l'art, de tout utiliser en vue de la seule chose qui, pour eux, vaille en ce monde : un beau livre...
L'idée est ingénieuse. Mais pourquoi, en France, certains qui affirment cependant mettre au-dessus de tout le sentiment « national », ont-ils précisément exalté Stevenson en abaissant Flaubert ?

René Dumesnil



Voir l'article de Varlet : Un parallèle à vérifier : Stevenson et Flaubert, publié par Eric Dussert dans son Alamblog.