vendredi 19 février 2010

WILLY : Quand les Violons sont partis d'Edouard DUBUS


Pour Remy de Gourmont.


Droite en son vêtement d'impassibilité,

Elle évoque la majesté mélancolique

D'une sainte, au long corps rigidement sculpté

Dans un portail de cathédrale catholique.


Mais son âme est un soir d'été pourpre d'éclairs,

Retentissant d'un vent d'épouvante, qui brise

Les fleurs falotes et les hauts calices clairs

Épris de ciel limpide et de soupirs de brise.


Elle paraît ainsi bien Reine pour ces temps

Enveloppés de leur linceul de décadence,

Où toute Joie est travestie en Mort qui danse,


Et l'Amour en vieillard, dont les doigts mécontents,

Brodent, sans foi, sur une trame de mensonge

Des griffons prisonniers dans des palais de songe.


DUBUS (Édouard) : Quand les violons sont partis. Bibliothèque artistique et littéraire, 1892. petit in-12, broché, 110 pp., portrait de l'auteur en frontispice. 162 exemplaires numérotés dont 150 simili-hollande, et 12 Japon impérial.

Édouard Dubus (1863-1895) figure importante du Symbolisme, membre fondateur du Mercure de France, ne laissera que ce volume de vers, publié en 1892, ainsi que Les vrais Sous-off, réponse à M. Descaves, écrit en collaboration avec Georges Darien en 1890.

"Le 10 juin 1895, vers quatre heures de l'après-midi, fut trouvé aux latrines de la place Maubert le cadavre, gisant, d'un inconnu" c'est ainsi que commence la préface que Laurent Tailhade écrira pour la réédition des poésies d'Édouard Dubus, on y apprend que grâce à Jean Court collaborateur du Mercure de France et secrétaire de police dans le quartier, le corps sera identifié comme celui d'Édouard Dubus. On trouvera une seringue de Pravaz, et deux fioles vides dans sa poche, morphinomane et tuberculeux, Dubus expirera deux jours après son entrée à l'hôpital. "Par esprit d'imitation il buvait l'absinthe comme Verlaine, il s'injectait de la morphine comme Guaïta." (L. Tailhade). (1)

Sur un livre d'Edouard Dubus

Quand les Violons sont partis

I

Quand les violons sont partis

Cent violons mignons d'une grâce ancienne,

Vêtus de bleu, de rose et de noir plus souvent,

et qui jouaient

Des musiques de la couleur de leur costume.

M. Édouard Dubus, orfèvre symbolique et pieux, évoque en son âme de vrai poète leurs charmants concertos mélancoliques, note avec amour leur lieder évanouis qui tintent encore, prolonge la féérie du son, et pour la magicienne reine de ses rêves, sertit leurs folles notes d'amertume.

En maint joyau voilé d'ombre crépusculaire...

Ces seul vers résume mieux que toutes gloses la poétique de l'auteur, un quasi-parnassien doucement somptueux, à l'âme vague...

Ces violons en allés, violons fébriles de printemps ou violons alanguis d'automne, violes narquoises ou violes plaintives, - ce sont les petits mondes sonores que l'archet de Henri Heine ressuscitait pour la danse des passions ; ce sont les soupirs et les brises que le regret ou la chimère épandent vaguement parmi les feuillées du Jardin mort, non loin des petits dieux drapés de mousse, des Éros brisés, des Ruines gardant l'écho de la Romance ou du Madrigal, et qui reconduisent nos Baudelaires contemporains

Au temps joli qui vit fleurir la Pompadour...

L'illusion est ce qui ne meurt pas ; « chaque sourire évoque un songe du passé. » Et, dans la nuit des cœurs où palpite incertainement l'or rose ou l'or mourant des crépuscules, le hamac d'indolence des ternaires rhythme (sic) la subtile Pensée, cette Inassouvie toujours ivre d'Autrefois.

Ailleurs, nous remontons les siècles, notre existence brève contemple une Belle au bois dormant, « sa vie est un fleuve qui dort » ; nous suivons l'hiératique et muette fée

Droite en son vêtement d'impassibilité,

la chère Apparition des basiliques fumeuses et des soirs harmonieux, celle dont le chaste sourire anime les demi-ténèbres.

Mais qu'il célèbre la gloire symbolique des soleils blessés ou le mystère du Naufrage, ou la griserie des bals, ou le sang des Roses, l'excellent violoniste dont la maestria s'amuse aux Pantoums éblouissants, ne laisse pas que d'avoir le jeu très classique auprès des novateurs du vers polymorphe. Son alexandrin souple, libre et riche, reste fidèle au rite parnassien, alors même que la musique intérieure de ses souvenirs sonne étrangement, comme verlainienne et mallarmiste parfois.

Les concerts de M. Édouard Dubus – doux pastels où clament des notes d'or – prouvent que le groupe des coquets ménétriers n'est pas encore bien loin sur le chemin des rêves ; et le livre ouvert, le soir, sous la lampe, le lecteur séduit peut se donner les violons. C'est une suggestive musique de chambre, un peu flottante...

II

Si M. Édouard Dubus m'envoie ses témoins, vrai, ça m'étonnera.

Willy.

Nouvel Écho, N° 9, 1 mai 1892.

(1) Préface de Laurent Tailhade à Quand les violons sont partis. Vers Posthumes. œuvres poétiques complètes d'Édouard Dubus. Librairie Léon Vanier, A. Messein Succr., 1905.

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