vendredi 25 septembre 2009

Emile ZOLA dans le Reporter de Paul BRULAT.





Pierre Marzans sorti du service militaire se rend à Paris, il y vient pour y faire de la littérature, contre l'avis de sa famille, il sera écrivain. Sans le sous, il s'installe dans l'hôtel où, étudiant, il logeait et renoue avec ses anciens camarades, devenus hommes politiques, artistes ou journalistes. Afin de pouvoir écrire il tente de devenir journaliste, il lui faut trouver une place dans un quotidien. Méryem, jeune modèle impudique de son ami le peintre Bessoneau, lui conseille de tenter d'interviewer le grand romancier Robur – Va interviewer Robur. On te prendra ça, à quatre sous la ligne. - C'est une idée, dit Bessoneau. On débute maintenant dans le journalisme par une interview de Robur. Tu peux gagner ton louis, aujourd'hui. Même si Brulat, dans sa préface dédiée à... Emile Zola, se défendait d'avoir fait un roman à clés, on reconnaîtra facilement à la lecture de cette visite, l'auteur de Germinal dans le grand romancier Robur.
Alors, il se décida, sonna avec des battements de coeur que redoubla soudain la violence du timbre, et, comme on tardait à tirer le cordon, une envie le prenait de d'enfuir à toutes jambes. Enfin, la porte s'ouvrit. Il entra respectueusement, la tête découverte, sans faire de bruit, comme on pénètre dans une église. Toute l'oeuvre énorme du grand romancier le troublait d'un vertige ; - des pages, des chapitres, vingt fois relus, surgissaient dans son émotion confuse... C'étaient d'immenses fresques, l 'épopée des foules, les épouvantes de la grève, les angoisses du peuple, la frénésie cérébrale de l'artiste, toute la joie et toute la douleur de vivre... Ah ! Nul autant que lui n'avait été pris aux entrailles par cette oeuvre d'humanité profonde. Un soir - il avait alors dix-huit ans – en sortant d'un théâtre où l'on représentait un drame tiré d'un roman de Robur, et qui disait toute la misère du peuple, livre admirable, chef-d'oeuvre absolu, il avait éclaté en sanglots, bouleversé par ce spectacle... Toute la nuit, il avait erré dans les faubourgs, là-bas, vers le quartier de la Goutte-d'Or, le coeur saignant de pitié ; et il eût voulut être riche, avoir les poches pleines de louis, por les semer dans les rues.
Cependant, un domestique était là. Pierre, très troublé, salua avec déférence, puis il demanda :
- M. Robur peut-il me recevoir ?
- Qui faut-il annoncer ?
Il fit semblant de chercher une carte et finit par donner son nom de vive voix.
- C'est très bien, attendez, je vais prévenir.
Le domestique disparut, puis revint.
- Si Monsieur veut se donner la peine de monter.
Pierre gravit un étage, s'arrêta. Le cabinet de travail du maître était ouvert. Assis devant son bureau. Robur disparaissait derrière le dossier d'un immense fauteuil. Pierre, fixé sur le seuil, n'osait faire un pas de plus.
- Entrez donc, cria le romancier.
Et, comme le jeune homme ne bougeait toujours pas, il se leva, vint au-devant de lui, la main tendue.
- Pardon... Je vous dérange peut-être, balbutia Pierre.
- Non, pas pour le moment. Asseyez-vous.
Mais il restait debout, mal à l'aise, sans contenance.
- Asseyez-vous, répéta Robur.
Pierre finit par prendre place au bord d'un fauteuil, s'appuyant sur les jambes pour ne pas glisser à terre. Robur réprima un sourire. En vérité, il n'avait rien d'impressionnant, ce monarque de la littérature. C'était, sous une apparence un peu rude, un brave homme de grand homme, simple, cordial, plein d'indulgente bonté. Le regard était doux et franc, le front très haut ; l'ensemble de la physionomie exprimait une volonté calme et forte. Il avait lutté quinze ans avant d'atteindre à la célébrité, et telle était encore la modestie de son attitude qu'il paraissait n'avoir pas même conscience de sa gloire. Peut-être se sentait-il muré dans l'isolement de son génie, sachant que son immense succès était étranger à la valeur, à la beauté réelle de son oeuvre. Depuis trente ans, la critique, les journaux, les confrères, tous déversaient sur lui un amas d'erreurs et de sottises. Ses livres couraient le monde entier et, à vrai dire, on ne l'avait pas lu. Il était à la fois l'homme le plus connu et le plus méconnu de son temps. Il restait à découvrir, et il avait raison de n'être pas fier de sa gloire.
D'habitude, quand il avait affaire à quelque effronté routier du reportage, il parlait sans interruption, précipitamment, comme pour se débarrasser d'une corvée, puis congédiait son visiteur avec une bonne poignée de main. Cette fois, il pressentait en ce nouveau venu un simple admirateur, un timide, un innocent, dont la gaucherie même l'attendrissait, et, comme Pierre gardait toujours le silence, il se décida à l'interroger, renversant les rôles, interviewant l'interviewer.
- Comment vous appelez-vous, mon ami ?
- Pierre Marzans.
- Vous n'êtes pas de Paris.
- Non, Monsieur.
- Allons ! Vous êtes du Midi, n'est-ce pas ?
Ragaillardi par ce ton de bonhomie affectueuse, Pierre parla :
- Oui, je suis de la Provence. J'ai fait mes études à Marseille et mon droit à Paris, où j'espère pouvoir désormais me maintenir... car je rêve un avenir littéraire... J'ai toujours pensé à ça, je sens que je ne pourrais faire autre chose, que tout le reste me dégoûterait. J'aime mieux lutter et souffrir pour ce que j'aime. Tant pis si je ne réussis pas... Seulement, comme je suis sans ressources, il faut que je fasse du journalisme.
- Robur avait tout deviné, avant même que Pierre eût réédité cette commune histoire de l'adolescent pauvre, épris de gloire et fraîchement débarqué à Paris, avec la fièvre de le conquérir. Et tout cela le laissait sceptique : il en avait tant vu de ces jeunes, tourmentés d'ambitions littéraires, ne doutant de rien ! La plupart étaient de simple bêtas, quelques-uns promettaient du talent, et tous, presque tous, au bout de quelques années, grossissaient la classe lamentable des dévoyés, dont fourmillait le pavé de Paris. Pourtant, il n'aimait à décourager personne, sachant d'ailleurs l'inutilité des conseils, et il demanda :
- Avez-vous déjà écrit quelque chose ?
Pierre n'osa citer les revues et journaux obscurs qui avaient insérés sa prose et dont l'un même, une petite feuille de province, lui avait publié un feuilleton, qui n'avait pas duré moins d'une année. Mais encouragé par tant de bienveillance et de sympathie, il n'hésita plus à tirer de sa poche le manuscrit d'une nouvelle, dont il ne se séparait pas, afin de le produire à l'occasion. C'était sa meilleure page, une page sur laquelle il avait pâli. Il demanda au Maître la permission de la lui lire. Le romancier y consentit. Ce garçon craintif, mais dont les yeux flambaient, l'intéressait ; il était curieux de connaître. Et comme Pierre s'apprêtait à commencer sa lecture, toussant pour se donner un peu de voix, Robur prit lui-même les feuillets qui tremblaient entre les mains de l'auteur :
- Donnez-moi ça, j'aurais plus tôt fait.
Rapidement, il parcourut les premières lignes, puis, tout à coup, s'arrêta, parut réfléchir.
Il y a du bon ! pensa Pierre, qui observait anxieusement le visage du Maître, interprétant en sa faveur les plus imperceptibles mouvements, suivant la lecture par un effort de mémoire. Robur continuait avec plus d'attention. La fin approchait. Pierre ne respirait plus, attendant sa sentence, la poitrine oppressée. Il lui semblait que sa destinée, sa vie entière allait dépendre de cette minute.
Robur avait enfin terminé. Sans mot dire, il se leva, alla vers son bureau, prit une de ses cartes, écrivit dessus quelques lignes. Puis, se retournant vers le jeune homme :
- Tenez, voici un mot pour le directeur d'une revue. Vous lui remettrez votre travail.
Les yeux de Pierre s'agrandirent démesurément ; il ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose, mais aucun son n'en sortit, et ce fut encore le Maître qui dut rompre le silence. Il parla avec abondance, sur un ton grave et affectueux.
- Travaillez, dit-il, je n'ai pas d'autre conseil à vous donner. Le travail est le remède, l'unique salut, le consolateur suprême. Il équilibre et pacifie tout, établit l'harmonie dans l'Univers, et il faut l'envisager comme une raison d'être suffisante, comme le but même de l'existence... Oui, je ne crois qu'au travail ; il est ma seule force. La tâche que je me suis imposée, les quatre ou cinq pages que j'écris, chaque matin, sont pour moi comme un appui qui m'a toujours soutenu contre tous les chagrins, toutes les catastrophes morales... Il est des jours où j'attaque la besogne avec un grand dégoût, il faut que je me violente. Si je ne faisait pas cela, si, la matinée passée, je n'avais pas écrit mes quatre ou cinq pages, j'éprouverais une défaillance terrible, et la moindre contrariété survenant aurait sur moi l'effet d'un malheur, d'un désastre. Et si je demeurais huit jours sans rien faire, je tomberais malade, le ressort serait cassé, je mourrais peut-être... Le bonheur n'est pas dans l'ignorance, la paresse et l'illusion, mais dans l'effort quotidien, l'oeuvre accomplie, le désir de savoir sans cesse davantage, le libre épanouissement de notre nature. Et il faut aussi croire en la vie, se persuader qu'elle est bonne, qu'elle vaut d'être vécue... Je déplore ce retour à la chimère, à de vieilles croyances, qui retentit parmi la jeunesse contemporaine ; car, au fond de tout cela, il y a le pessimisme, la peur de la vie, la haine de la vérité... Ah ! La vérité, on n'en veut pas, l'humanité la repousse et se fâche quand on la lui dit ; elle aime à être trompée !
Un peu de mélancolie atténua l'énergie de son visage. Il se tut, un instant, puis reprit :
- Oui, travaillez. Vous voulez faire du journalisme, faites : cela vous apprendra la vie. Mais ne soyez pas impatient. Les jeunes aujourd'hui, sont trop pressés. Ce ne sont pas nos livres qui les ont gâtés, c'est notre succès. Pour créer, il faut avoir vécu. Vivez donc, prenez du bon temps, jouissez de tout ce qui vous entoure. Et faites votre oeuvre, sans vous inquiéter des résultas. Le talent a toujours son heure, et le livre la gloire qu'il mérite... Allez, promenez-vous dans la rue en vous persuadant que vous êtes le plus heureux, et vous serez dans la vérité.
Sur ces paroles, le Maître s'agita légèrement dans son fauteuil, façon courtoise qu'il avait de signifier aux gens que le moment était venu de se retirer.
Le jeune homme comprit et se leva en bégayant des remerciements.
- Au revoir et bon courage, répondit le grand romancier.
Et il le raccompagna jusqu'à la porte.

Paul Brulat : Le Reporter, Perrin et Cie, 1898. (pages 63 à 70).


Le Reporter sur Livrenblog : Le critique littéraire et le bouquiniste.

dimanche 20 septembre 2009

A Marée montante de Jehan SARRAZIN



Peu de choses rares à se mettre sous la dent ces derniers temps. Ce qui n'empêche pas le blogueur dilettante de continuer à lire et notamment ses camarades en numérique. Il y a quelques jours, Grégory Haleux sur le blog de Cynthia 3000, vaillante maisonette d'édition, publiait un article sur Jehan Sarrazin, le poète aux olives. Ils sont rares les articles pleins d'informations, bourrés de références, farcis d'inédites citations, il faut donc les saluer et les lire.

L'occasion de faire écho à ce bel article ne s'est pas fait attendre. Un bienheureux hasard, m'a permis de mettre la main sur une plaquette de Sarrazin, A Marée montante, publiée en 1894, chez Jehan Sarrazin éditeur, composée de proses gentiments libertines et de vers patriotiques et amoureux.

Je ne reproduirai pas ici les poèmes consacrés à célébrer l'alliance franco-russe leur préférant, tout de même, la mignonne perversion d'une Petite Marquise.


La Petite marquise



Lorsque je vins la chercher, comme il avait été convenu pour aller à la campagne, la petite marquise était toute songeuse. Elle faisait une si drôle de jolie petite moue que je pus m'empêcher de rire en l'embrassant.
- Eh bien, chère, qu'est-ce que vous avez donc ce matin ? Est-ce encore cette vilaine idée de vous teindre en rousse comme une cocotte, qui vous trotte par la cervelle ?
- C'est bien plus sérieux que ça, répondit-elle ; je ne sais pas quelle robe mettre aujourd'hui. J'ai là plus de vingt costumes qui m'attendent, et je ne sais lequel choisir... je suis désolée...
- Il fait un temps délicieux ; mettez donc votre robe de surah mauve, celle que vous aimez tant...
- Oh ! Non, c'est trop clair.
Après deux ou trois autres propositions repoussées, je ne savais plus que dire, lorsque, tout à coup, elle se lève radieuse :
- Ah ! Fit-elle en riant, j'ai une fameuse idée ! Et elle disparut.
J'allumais une cigarette et me mis au balcon pour savourer l'air pur et le soleil nouveau. J'étais-là depuis cinq minutes à peine, lorsque j'entendis la voix de la marquise qui m 'appelait. Je me retournai, mais jugez de ma surprise : elle avait mis le costume de Fanchette, sa femme de chambre. Ah ! La charmante petite folle, la délicieuse soubrette.
Le bonnet blanc à rubans lui allait à ravir et jamais tablier de camériste n'avait été plus crânement porté.
- Eh ! Bien, me dit-elle, vous y êtes, partons. Je n'ai pas fait atteler le coupé ;... nous prendrons le tramway, voulez-vous ... Ce sera cent fois plus drôle.
Dans la rue elle acheta une fleurette de deux sous qu'elle mit à son corsage, et nous prîmes l'impériale, selon son désir. La marquise bavardait comme une perruche ; je ne l'avais jamais vue si spirituelle ni si gaie.
Lorsque nous fûmes à St-Ouen, elle voulut absolument déjeûner dans une guinguette et manger des pommes de terre frites, puis elle me demanda, comme une grâce, de la conduire aux balançoires.
La journée se passa ainsi le plus joyeusement du monde, et, dois-je l'avouer, lorsque nous eûmes dîné... la petite marquise était grise.
Elle voulut absolument coucher extra-muros et, certes, je n'eus pas à m'en plaindre, car jamais, parmi le luxe de son nid charmant, elle n'avait été aussi exquisement câline, aussi tendre, aussi passionnée.
Le lendemain, je la reconduisis jusque chez elle, où elle rentra mystérieusement, un grand fichu sur la tête.
- Personne ?
- Non.
- On ne me voit pas ?
- Non... soyez sans crainte.
- Adieu.
- A ce soir ?
- A ce soir...
Mais le soir venu, quand je me présentait chez elle, avide de nouvelles tendresses, je trouvais la marquise vêtue de noir, coiffée comme une bourgeoise, hautaine et fière.
Oh ! Fit-elle avec un petit air méchant et froid, il est inutile d'insister, monsieur, vous pouvez vous retirer, je ne me commettrai jamais avec un homme qui débauche mes femmes de chambres ! ............................................................................................................

Là-dessus, elle entra dans son boudoir et ferma la porte à double tour.






jeudi 17 septembre 2009

"Les Fantaisistes" et leurs influences. Enquête 1913.



Le Cahier des Poètes Petite revue anthologique et critique de la poésie nouvelle. Nice, 3 place de la Liberté.
Comité de rédaction Charles Calais, Louis Géry, Jean Savoye, Victor Rocca.
Parution 5 fois par an : les 1er décembre, février, avril, juin et août.

5 numéros paraissent entre 1912 (N° 1) et 1914 (N° 5)

Principaux collaborateurs, outre le comité de direction, tous poètes : Francis Carco. Claudien, Edouard Gazanion, Tancrède de Visan, Tristan Derème, Adrien d'Escrivan, Henri Martineau, Alexandre Mercereau. Laurent Tailhade. Fernand Gregh. Notes d'Art : R. Ligeron..

Extrait du N° 3 Avril-Mai 1913.

Après un premier numéro où figurent la plupart de ceux qui forment alors l'école Fantaisiste : Francis Carco, Jean Pellerin, P.-J. Toulet, Léon Vérane, Jean Pellerin, Tristam Derême, Tristan Klingsor, le numéro suivant accueille des femmes poètes comme Marguerite Burnat-Provins, Valentine de Saint-Point, Marie Dauguet, Cécile Perrin, Hélène Picard et Paule Lysaine. Pour le troisième numéro, Francis Carco lance une enquête sur les « influences » des jeune écrivains. La question se complique toute fois car le questionnaire précise que les auteurs devront donner leurs préférences parmi les volumes publiés depuis dix ans. Peut-ont alors parler d'influences ? On verra dans les réponses que cette question de date d'édition ainsi que la notion « d'aînés » posent quelques problèmes de choix.
Suivrons un numéro consacré à Paul Fort, puis un dernier, publié à l'occasion de la mort de l'un des fondateurs de la revue, Charles Calais.

N° 3 Avril-Mai 1913.

Enquête sur « nos influences »

Tout récemment l'Intransigeant, prenant l'initiative de demander à certains critiques autorisés quels livres de « jeunes » ils préféraient, nous avons cru bon de retourner la question et de prier les meilleurs écrivains et poètes de notre génération de vouloir bien nous faire connaître à qui allaient – et pour quelles raisons - leurs préférences parmi les volumes de vers et les romans publiés depuis dix ans par nos aînés.

Réponses de

M. Guillaume Apollinaire

Mon cher poète, La Porte étroite, d'André Gide, me paraît être le meilleur roman parmi ceux qu'ont publiés non aînés depuis dix ans.
Les grandes Odes, de Paul Claudel, sont l'ouvrage de poésie le plus important qui ait paru dans le même laps de temps.


M. Henri Béraud

Mon cher Carco, Tout le monde, je pense a son aîné. On a toujours besoin d'un plus connu que soi. Qui donc, « dans la littérature » ne demanda, entre dix-huit et trente ans, l'appui d'un vieux monsieur afin de trouver un éditeur, une place ou un article ? Ce sont des choses qui se paient, dans les réponses aux enquêtes comme dans les nominations de « princes ».
Cela vous attirera, mon cher Carco, des réponses nombreuses et variées, si bien qu'on pourra se demander, même après votre enquête, quel est le plus beau roman paru depuis 1903. Et pourtant la Nef est de cette période !
Qu'importe votre enquête rendra service à bien des gens et fera plaisir à tout le monde.


M. Jean-Marc Bernard


Vous désirez savoir, mon cher Carco, à quels volumes de vers, à quels romans, publiés depuis dix ans par nos aînés, vont mes préférences ?
Je vous dirai que je donne d'abord le premier rang au nouvel ouvrage que vient de faire paraître le grand Mistral : Les Olivades. Le vieillard de Maillane est vraiment notre Maître. Le mouvement régionaliste actuel, le renouveau classique, c'est bien lui qui les a créés par son oeuvre, ses leçons et son exemple. Ensuite mon admiration va aux Stances de Moréas, parues en 1905 aux éditions de « la Plume ». Il n'y a que sept ans seulement et déjà ces quatrains immortels rejoignet dans notre esprit les vers d'Horace, de Virgile, de Ronsard et de Racine. J'aime aussi, et j'admire, les Poèmes (1904) et les Carmina Sacra (1912) de Louis Le Cardonnel. Ce poète fut mon premier Maître : il m'apprit à accorder

L'élan ardent de l'âme à la forme parfaite.

Je ne puis parler des poèmes de Louis Le Cardonnel sans évoquer aussitôt les vers harmonieux de Fernand Séverin. Ces deux poètes ne sont-ils pas un peu frères ? Le premier, tout mystique, et l'autre, les yeux fixés sur les belles formes périssables. Enfin je ne puis oublier les livres d'Auguste Angellier : c'est un noble poète ; ses dialogues civiques en font l'égal des plus grands.
Parmi les romans publiés, ces derniers temps par nos aînés, je relis avec joie et profits : Colette Baudoche, de Barrès, et Les dieux ont soif, de France. Cela ne m'empêche pas de prendre grand plaisir aux ouvrages de Willy.
Si l'on parlait d'aînés plus « immédiats », je n'oublierais ni Lionel des Rieux, le poète parfait de la Belle saison, ni Paul Fort et sa Naissance du printemps à la Ferté-Milon. Comment ne pas signaler encore l'émotion profonde du Petit Ami de Paul Léautaud et l'observation aiguë et malicieuse des Soutiens de l'Ordre, de Georges Le Cardonnel ?
Quant aux femmes-auteurs, il n'y en a vraiment que deux qui aient quelque chose à dire et qui sachent le dire : la Comtesse de Noailles (Les Eblouissements) et Mme Colette Willy (La Vagabonde).


M. Francis Boeuf


Mon cher ami, Parmi les oeuvres (roman ou poème) publiés depuis dix ans quelles sont celles vers qui vont mes préférences ?
La Vagabonde, de Colette Willy.
Clara d'Ellebeuse, de Francis Jammes.
La Danseuse de Pompéi, de Jean Bertheroy.
La Maîtresse servante, des frères Tharaud.
Voilà pour la prose ; mais je crains que deux de ces bouquins ne soient antérieurs à la dâte que vous fixez.
Les poètes que j'aime sont trop nombreux et puis je n'aime pas tout ce qu'ils créent, au fond, j'aime la jeunesse, mais la garce ne m'aime guère. Tant pis pour elle !

M. Claudien

Mon cher ami, Je serais tenté de répondre à votre question par cette autre : qui sont nos aînés ?
Si je prends pour tels ceux que leur âge et leur évolution esthétique ont mis hors du mouvement actuel, - et d'autre part élimine les représentants de cycles déjà clos, - un prosateur me semble, durant cette courte période d'environ dix années, dominer en France l'art littéraire : c'est Claudel, en qui nous ne pouvons plus voir un chef d'école, mais simplement un grand écrivain, devant lequel nous nous inclinons tous.
En matière de vers, je saurais moins encore me passer de telles restrictions ; elles me permettent de désigner Henry Bataille, qui fut un très émouvant, très subtil et très pur poète, du temps qu'il écrivait Le Beau Voyage.

M. Léon Deffoux


Mon cher Francis Carco. Parmi les romans publiés depuis dix ans, mes préférences iraient, aujourd'hui, à un gros volume d'Henry Céard : Terrains à vendre au bord de la mer (1906) et à Pépète le Bien-Aimé (1907) de Louis Bertrand.
Ces oeuvres me semblent réunir toutes les qualités du genre : style direct, aussi dépouillé d'artifices littéraires que l'admirable Bouvard et Pécuchet ; composition bien centrée sur l'intrigue capitale ; pas de thèse, pas de moralité ; enfin, une représentation fidèle des caractères et du cadre qui permet, après une première lecture, de reprendre le livre à n'importe quelle page et d'y trouver toujours nouvel agrément. En un mot, j'aime ces romans parce que l'auteur s'y montre moins que le scrupuleux reporter des faits les plus significatifs de la vie de tous les jours.
Laissant aux critiques professionnels le soin de dégager l'originalité de ces deux fils – l'un réaliste, l'autre romantique – de Gustave Flaubert, je me défendrai aussi, quelque désir que j'en ai, de prononcer à leur sujet le mot génie ; mettons seulement que les qualités qui leur sont propres m'apparaissent parfois comme un aspect transcendant du talent...
Quant aux poètes, je ne connais que des jeunes et les vieux jeunes, hélas ! Les aînés ?... Ah ! Pourtant, attendez donc : Les Divertissements de Remy de Gourmont ne vous enchantent-ils point ? Quelle aisance élégante. Quelle jolie souplesse licencieuse, n'est-ce pas !...


M. Tristam Derème

Mon cher Carco, j'aime de tous mon coeur le Deuil des Primevères (1907). M. Francis Jammes nous a montré dans ce livre toute la richesse d'une vie ordinaire, d'une vie quotidienne, comme disait Laforgue, et quelle source de lyrisme attendri s'épanche de notre existence banale quand on sait l'en faire jaillir.

C'est un modèle de grâce ;
Et la grâce plus belle encor que la beauté.

Écrivait La Fontaine. Mais que l'on ne s'y trompe pas : cette poésie gracieuse est, à mon sens, plus profonde que celle qui pousse de grands cris et use de termes barbares en des rythmes sauvages. Il faut plus d'énergie pour sourire de ses souffrances que pour lancer de rauques et vaines imprécations contre la destinée et plus d'art pour surprendre avec les mots habituels que pour étonner avec des vocables empruntés à je ne sais quel jargon scientifique.
J'aime ce livre pour sa mélancolie et pour son sourire :

Oh viens... (comme disaient les anciens poètes),
Oh viens... Que ton petit coeur me donne le bras.

Et parce que Jammes nous a enseigné dans ces pages que la sincérité n'exclut pas la liberté et que l'on peut exprimer des sentiments très vrais par des images d'une singulière hardiesse :

C'est en dormant sur ce vieux coffre odorant
que mon coeur s'est peuplé de jeunes filles tendres
et d'arbres indiens où montent des serpents.

N'est-ce pas là le secret de la fantaisie qui semble aujourd'hui conquérir bien des coeurs et qui est une manière de douce indépendance et comme un air mélancolique que voile un sourire ambigu.

M. Fernand Divoire

Mon cher Carco, Nos aînés , Ils ont presque tous fait leur oeuvre il y a vingt-cinq ans. Et depuis...
Rares sont ceux, depuis dix ans, qui ont monté en vieillissant. Il y a notre père Bourges, dont la Nef est une très grande chose ; il y a Partage de Midi, de Claudel ; il y a le Buisson ardent, de Romain Rolland ; il n'y en a pas trente six autres. Il faut citer encore l'Evolution divine d'Edouard Schuré, qui est d'un haut poète, et les Carmina Sacra, au rythme large et calme, de Louis Le Cardonnel.
Arrêtons là notre petite liste, mon cher Carco, parce que si nous nommions l'Homme qui assassina, de Farrère, ou le Beau Voyage, de Bataille (qu'on relira comme on relit Musset, Samain, Charles Guérin ou Rodenbach), on nous dirait que nous ne sommes pas logiques avec notre désir de n'admirer que des oeuvres qui s'inspirent du divin.
Votre enquête veut sans doute montrer ce que nous sommes par ce que nous aimons. En général, nous suivons ceux de nos aînés qui ont travaillé en même temps que nous et ont marché devant nous sur le même chemin que nous. Les autres, nous les abandonnons aux éloges de leur propre génération.
Qu'on évolue donc, qu'on progresse, si l'on veut nous plaire. Ainsi nous louons Bourget d'avoir écrit l'Etape et Paul Adam de s'attaquer à des synthèses nouvelles, même si nous n'aimons pas ces deux écrivains.
Quant aux hommes de métier qui s'épuisent à répéter, laissons-les. Qu'ils sachent seulement que c'est nous, les jeunes, qui faisons et défaisons les gloires – avec injustice parfois, sans goût ni compétence quelque fois – et que l'on ne peut pas être notre maître en se contentant du vieux réalisme qui paraissait si hardi au temps des tournures et des manches à gigot.
Ils nous faut de l'éternel maintenant – et allez donc ! - fussions-nous même incapables de créer de l'éphémère.

M. Francis Eon

Mon cher confrère, Dans six mois j'achèverai ma trente-quatrième année. Je suis peut-être un poète encore jeune. Mais je ne suis plus un jeune poète...
Quand même, puisque vous voulez bien m'interroger, je vous avoue que l'ouvrage de poésie, publié depuis dix ans, auquel je reviens le plus volontiers, c'est l'Homme intérieur (1905) de Charles Guérin, qui était mon aîné.
Pour mes aîné vivants, soyez assuré que j'aime toujours ceux que j'ai aimé et que, vraisemblablement, vous aimez vous-même.

M. Roger Frêne

Cette question est d'importance ; elle me révèle la difficulté qu'il y a à débrouiller, pour quelqu'un qui le suit d'assez près, le chaos littéraire contemporain. Juger ses aînés ! Pressentir les décisions de la postérité pour des oeuvres anciennes de dix ans au plus !
La littérature qu'on appelait hier « d'exception » m'intéresse seule aujourd'hui ; elle est devenue, d'ailleurs, parce que les valeurs se déplacent, peu exceptionnelle. Les noms de Claudel, Jammes, Verhaeren, Gide, Faramond, Griffin, Van Lerberghe sont les premiers que je choisis, et je me demande si c'est même la peine, puisque tout le monde est à peu près d'accord sur eux.
Si je veux chercher des « aînés » plus jeunes, et que je prononce les noms de Nau (quel superbe livre que Vers l'espoir !), Philippe, Mandin, je me trouve presque leur contemporain et si je dis : Jules romain, Deubel, je sais qu'ils sont (oh à peine !) mes cadets. - Voilà pourtant ma réponse.


M. André Gandillac

Cher Monsieur et Ami, le romancier que nous ont révélé ces dix dernières années ? - Il me semble qu'il y en a un : Gérard d'Houville. L'Inconstante est un livre exquis. Le Temps d'aimer a son charme. L'Esclave est un chef-d'oeuvre.
Quant au poète de ces dix dernières années, c'est évidemment Mme de Noailles. Aucun doute possible.
N'allez pas conclure de ma lettre que je suis un féministe forcené. C'est sans préméditation de ma part que ces deux noms de femmes sont sortis de mon écritoire – à l'exclusion de tous autres – tandis que, pour répondre à votre questionnaire, je cherchais le poète et le romancier qui, entre les innombrables nouveaux venus de ces dix dernières années, se distinguent par le talent le plus vrai et l'originalité la plus authentique.
Si j'avais hésité, ce n'eût pu être qu'entre Gérard d'Houville et Colette Willy. Ce n'est pourtant pas de ma faute, mais cette dernière nous est connue depuis plus de dix ans.


M. Gabriel-Joseph Gros

Mon cher Carco, Henry Bataille tient une grande place dans mon coeur avec son Beau Voyage. André Gide en tient une autre avec son Isabelle et, hasarderai-je un mauvais compliment à l'endroit de Colette Willy en la classant parmi nos aînés ? Bah ! Une femme est toujours jeune – et la Vagabonde le sera éternellement.
Il y a bien encore de la place dans mon admiration : Léon Blois, Maurice Maeterlinck... Mais voilà qui demande un travail de classification très précis et vous connaissez ma grosse paresse.


M. Legrand-Chabrier

Nos aînés, mon cher ami confrère, mais c'est grave de qualifier publiquement quelqu'un d'aîné ! Cela le vieillit tout de suite et un vain peuple pense alors nous soupçonner de nous rajeunir à ses dépens. Et les dames de lettres, par galanterie française, vont être exclues. Dans quel guet-apens nous attirez-vous là ?
Cependant pour votre plaisir, ô inquisiteur persuasif, allons-y avec notre lanterne sourde – et Diogénique.
Seulement, il faut à chaque apparition poser la question : avez-vous plus de dix ans de volume ?
Et il y a des livres endormis, ceux qui ressusciteront aux dépens de certaines oeuvres actuellement lumineuses, lesquelles en pâliront, mortellement peut-être, et ce sont ces oeuvres latentes qu'il faut désigner.
Voulez-vous que je déclare mon admiration pour le testament littéraire de Jules Renard : Nos Frères Farouches... pour cette délicieuse et touchante revue que M. Anatole France a passé de ses multiples aspects dans les Dieux ont soif ?
Dirais-je l'ardeur que j'ai eu à la poursuite du Trust et de la Ville Inconnue, de Paul Adam ?
Et que le grand frisson de l'émotion humaine m'émeut magnifiquement devant la Vague Rouge, devant la Guerre du Feu de notre épique J.-H. Rosny aîné ? Je le dis avec joie.
Vingt autres romans se pressent pour se faire reconnaître. Et c'est le bataillon serré des livres d'Henri de Régnier, de Ch.-H. Hirsch, de René Boylesve, de Gérard d'Houville, d'André Gide... je m'arrête, très arbitrairement et je m'en veux de ne point nommer – si je nommais ceux à qui je pense en cet instant je ferais une mauvaise action involontaire envers qui j'oublie.
Je veux encore signaler deux livres, entre autres, parce qu'ils n'ont point aujourd'hui à mon avis une réputation digne de leur mérite : le Voluptueux Voyage, qui est d'un auteur mystérieux et qui m'a toujours enchanté par sa rare et savoureuse fantaisie, et ce parfait recueil de nouvelles de Tristan Bernard qui répond à l'appellation : Amants et Voleurs.
Mais, mon ami, j'ai hâte de me retrouver hors du cul-de-sac et de souffler le rat de cave à la lueur duquel je me suis si mal éclairé, n'est-ce-pas ?


M. Pierre Mac Orlan

Il est difficile de fixer son choix sur un seul livre. Cependant, puisqu'il s'agit d'un livre unique dans cette enquête, je prendrai : La Lumière qui s'éteint de Rudyard Kipling. J'aime cet ouvrage pour l'énergie qu 'il contient et qu'il communique à ses lecteurs et puis pour cet art admirable de Kipling qui consiste à transposer ses sentiments. Ex. : Si vous aimez une femme, ne lui dites pas, c'est absolument inutile pour faire un mariage solide et affectueux, mais déversez cette somme d'amour que vous n'avez pas utilisée sur les navires par exemple. Tel Deick, le héros de Kipling – entendant dans le brouillard la machine du paquebot de Folkestone, battant au large comme un coeur.


M. Henri Martineau

Mon cher poète, c'est une confession que vous nous demandez là. Et quels sont nos aînés ? Jaloux, Montfort n'ont guère que quatre ou cinq ans de plus que moi. Il ne me faut pas davantage vous parler de Despax, de François Porché. Pourrai-je pousser l'inélégance jusqu'à compulser le dictionnaire de nos contemporains pour avoir le droit de dire bien haut combien les vers récents de Mme de Noailles me semblent souvent admirables, que je ne prise rien au-dessus des romans de Mme Gérard d'Houville, ou encore tout le prix que j'attache aux livres de Mme Colette Willy.
Puis dix grandes années se sont bien écoulées depuis que parurent l'ensemble des Stances, le Semeur de Cendres et cet inégalable, Jean de Noarrieu (I). Depuis, Moréas est mort, et Charles Guérin. Mais ce dernier nous a laissé encore L'Homme intérieur. Tous ces livres ce sont ceux que je reprends le plus volontiers à l'heure du crépuscule.
L'Anatole France que j'aime relire a peut-être bien plus de dix ans de date, mais je reste sans doute dans les limites permises en vous citant de Barrès Les Amitiés Françaises et les incomparables paysages d'Au Service de l'Allemagne. J'ajouterai tous les livres de Boylesve et deux ou trois romans d'Henri de Régnier.
J'ajouterai encore... Mais n'est-cce suffisant ? Et sans doute parmi ces auteurs j'établis une hiérarchie. Mais je crois pouvoir les admirer tous sans être accusé de dilletantisme anarchique. Tous ces livres me semblent si clairs, et ont en moi une telle résonnance !!


M. Michel Puy

Par bonheur, j'ai seulement à vous dire quels sont, parmi les romans et les livres de vers publiés par nos aînés, depuis dix ans, ceux que je préfère. Cela me permettra de vous faire part tout simplement de mes impressions de lecteur. Si vous maviez demandé quels sont les livres qui me semblent les meilleurs, j'aurais été obligé d'essayer d'exprimer une opinion critique : peut-être alors aurai-je été incapable de vous répondre.
Les romans qu'il faut préférer, ce sont ceux dont la lecture a empoigné, ceux par lesquels on a été accroché dès les premières pages et auxquels on dirait qu'on a laissé un peu de sa vie imaginative et sentimentale, comme de la chair au croc d'un boucher.
Ils sont bien rare. Je citerai La Ville inconnue, de Paul Adam, Le Diable est à table, de Hugues Rebell. Mais surtout aucun roman ne m'a saisi avec autant de force que ceux de John-Antoine Nau : Force Ennemie, Le Prêteur d'amour, Cristobal le poète. Charles-Louis Philippe, à ce qu'on rapporte, disait : « Maintenant, il faut des barbares », et Georges Duhamel a eu l'air de reprendre cette déclaration pour son compte. Mais ni l'un ni l'autre ne sont des Barbares : ce sont des démoc-soc qui aspirent à se repaître, avec un appétit plus violent que les bourgeois, de ce qui fait la nourriture des bourgeois : la soupe, le rôti et la métaphysique. John-Antoine Nau est vraiment naïvement barbare ; il aime la verroterie des mots voyants, assortis avec un goût instinctif, il se plaît au milieu des êtres simples qui obéissent à leurs impulsions. Il a le don de tranposer la réalité, de la projeter dans le légendaire, comme les poètes des premiers âges ; et son style est puissament et étrangement persuasif.
Parmis les poètes, mes préférences vont à Verhaeren et à Francis Jammes, mais il me serait difficile de choisir parmi leurs livres récents, car j'ai lu leurs vers plutôt quand ils ont paru dans les revues que quand ils ont été réunis en volume.


M. Tancrède de Visan

Mon cher Carco, je ne répondrai point à ton enquête. Non pas par lassitude ni par paresse, comme tu serais tenté de le croire, mais peut-être par excès de scrupule.
J'ai mes préférences, bien sûr ; mais en élisant celui-ci je crains de faire tort en moi-même à celui-là et je ne suis pas tellement certain de préférer un tel, qu'il faille passer sous silence tel autre.
Mon admiration sait bien compter jusqu'à dix, mais ira-t-elle jusqu'à quinze ? J'aurais toujours peur d'oublier un de nos aînés, et, d'autre part, de m'exciter au delà de la mesure.
Mieux vaut donc me taire.

Je n'ai pas les scrupules de Tancrède de Visan, et, si je comprends qu'on ne réponde pas toujours à une enquête, c'est moins vis-à-vis de moi-même que des autres que je me trouve embarrassé. Dans la circonstance, il était facile, je crois, de n'embarrasser personne. Aussi, sur l'envoi du questionnaire, à trente des plus intéressants écrivains et poètes de notre génération, seize ont bien voulu nous communiquer leur avis. Il en ressort que Francis Jammes, Paul Claudel et André Gide précèdent dans leur admiration Henry Bataille, Gérard d'Houville et Colette Willy et que les noms d'Anatole France, Paul Adam, Maurice Barrès sont relégués au troisième rang.
Il n'en faut rien déduire de trop rigoureux car une génération chasse l'autre et de très grands écrivains le cèdent sans cesse à de plus jeunes au bénéfice d'une expression nouvelle. Jammes, Claudel et Gide ont une influence indiscutable aujourd'hui et nous souscrivons pleinement à l'hommage qui leur est rendu ici, mais nous n'avons garde d'oublier dans notre admiration Anatole France, Maurice Barrès, Paul Adam, qui furent, il n'y a pas si longtemps encore, les maîtres de la jeune littérature. Rien n'est immobile et, comme l'écrivait avec une très grande finesse de jugement M. Roger Frène (1) : « Le sens de la beauté s'est déplacé ; la perfection sera autre. »
Nous pensons d'ailleurs qu'après Jean de Noarrieu, Les Grandes Odes et La Porte Etroite, la génération qui s'affirmera demain trouvera dans le Beau Voyage et La Vagabonde et le plus beau volume de vers et le meilleur roman qu'on ait écrits pour elle... Qu'on lise, pour s'en convaincre, ce que cette génération a déjà produit.

Francis Carco

(1) L'Île Sonnante, numéro de mars 1913.


(1) De Francis Jammes.

Enquêtes dans Livrenblog : Anatole France autopsié par Cendrars Divoire Morand Delteil... Enquête L'Ermitage 1893 Le Bien Social ? Une Enquête au Beffroi. La Critique. Une enquête sur le droit à la critique. 1896. Enquête sur la question sociale au théâtre. Les écrivains et le vote dans l'Esprit Français. Docquois mène l'enquête. Baudelaire, enquête dans l'Eventail en 1917. Enquête sur Les Tendances de la littérature, 1906. Revue Littéraire de Paris et de Champagne




jeudi 3 septembre 2009

Travailler plus... le dimanche. 1906-2009




On le sait, Livrenblog ne se penche sur l'actualité que pour signaler quelques études ou rééditions. Pourtant grâce, ou à cause de certains de nos « modernes » politiciens une question d'actualité en 1906, se trouve à nouveau discutée aujourd'hui : le repos dominical. La lecture d'un passage du roman de Paul Adam, Clarisse et l'Homme Heureux, m'a furieusement fait penser à certains débats actuels et aux discours de ces mêmes « modernes ». Chacun pourra mettre le nom d'une personnalité du jour, sur cet Homme Heureux, pressé, paternaliste et entreprenant, dont la devise semble être "travailler plus...".


Extraits du Chapitre V de Paul Adam : Clarisse et l'Homme Heureux, J. Bosc et Cie, 1907, 276 pp.

Nous dînâmes ensemble, chez Clarisse Gaby, un Premier Mai. Ce soir-là, l'Homme Heureux fut le causeur hardi qu'une joie certaine éperonne, enivre :
« Le repos par roulement, oui, tant qu'on voudra ! Mais le repos universel ?... Comment, monsieur, en notre vingtième siècle, à l'époque de la télégraphie sans fil, de la houille blanche et de l'électrolyse industrielle, comment peut-on vouloir suspendre la vie créatrice vingt-quatre heures par semaine ? C'est un délire de colimaçons visqueux qui se veulent coller à leurs feuilles de salade, pour éternellement !... C'est un rêve d'embryons ridicules englués dans le protoplasma et qui s'y chauffent avant la parturition, l'âme encore aveugle, et les os encore cartilagineux !... Depuis que je me suis remis à travailler pour le plaisir de notre déesse, le repos hebdomadaire m'est inconnu... Évidemment, une heure par-ci, une heure par-là, quand ça tombe : l'après-midi, entre deux discussions d'affaires, ou dans l'automobile, en allant de ma banque à mes entrepôts de Pantin, à mon laboratoire de Villejuif, à mes usines de Noisy-le-Sec... Quant au reste du temps, il appartient aux affaires, aux inventions, à la science, à la politique, à mon culte de Clarisse.
De vingt à quarante ans, je me suis reposé une fois quinze jours, et une autre fois, trois semaines, par ordre de la Faculté... Et quatre jours aussi après que Clarisse... Un point, c'est tout... Eh bien ! Regardez ma mine... »
[...]
L'Homme Heureux m'amuse. Je m'accoutumai de l'aller voir à sa banque entre ses téléphones et ses liasses de télégrammes, ses tableaux synoptiques épinglés contre la moire verte du mur, ses deux valises toujours prêtes pour le voyage impromptu, ses quatre tubes où la foudre décompose lentement quelque métalloïde, tout à l'heure métamorphosé en poudre multipliable par milliers de tonnes, négociable, transportable et livrable contre valeurs d'escompte, dans tous lieux du monde, gares et ports.
Même je lui pardonne, s'il injurie mon socialisme avec des raisons de logicien pressé que tout retard exaspère. Car il ne voit, dans la Révolution prochaine, qu'un arrêt des forces en mouvement, après quelques brefs triomphes d'apôtres enthousiastes, naïfs et bornés :
« L'augmentation des salaires, la réduction des heures de travail dépendent uniquement du bénéfice, de rien d'autre. Quand j'ai rémunéré mon capital à dix pour cent, est mis autant à la réserve, je puis distribuer le reste au personnel. Mais quelle entreprise rapporte aujourd'hui trente, d'un bout à l'autre de l'année ? Il faut produire plus, simplifier par la science les moyens de fabrication, abaisser les prix, accroître ainsi le nombre des acheteurs, gagner une infinité de petites sommes sur une immense quantité de transactions ; ce que nous permettra la science. Celle des Allemands les enrichit. Choyons nos chimistes et nos physiciens. Ils élaborent dans leurs creusets toutes les solutions du problème. Travaillons. N'arrêtons jamais la vie créatrice une minute !
« Quand j'étais pensionnaire au collège, il m'arrivait souvent d'abîmer mes habits, de crever mes pantalons, de tacher mes tuniques. Je me promettais d'acquérir, un dimanche de sortie, quelques effets propres. Ah bien, oui ! Le dimanche, tous les magasins etaient, en ce temps-là fermés. Pas moyen de renouveler ma garde-robe. Il fallait me promener sale. Pleuvait-il ? Je courais chez un libraire pour m'emparer d'un livre. Boutique close. Il ne me restait qu'à m'avachir sur une banquette de café en buvotant des alcools qui m'exténuèrent l'estomac, et en fumant des cigares qui rendirent mon coeur fragile. Le voilà, le repos général hebdomadaire. Pas moyen d'acheter une culotte, ni une revue ! Belle invention qui vous consigne au cabaret. Comment l'ouvrière employée toute la semaine pourra-t-elle faire les emplettes indispensables à sa progéniture, si le dimanche les actes commerciaux sont interdits ? Comment deux cousins réunis pourront-ils s'offrir un bon dîner, si tous les restaurants chôment ? C'est déjà bien assez qu'on ne puisse recommander un pli au bureau de poste, le soir.
[...]
« Vous riez ; vous imaginez que j'exagère, que je vous conte des blagues. Vous êtes tous les mêmes, les littérateurs. Avez-vous de la chance ! Ah, le loisir de douter ! Moi, je n'ai jamais le loisir de douter ! C'est oui. C'est non. Ce n'est jamais : peut-être... On ne m'invite pas au repos hebdomadaire. Aidez-moi donc, au lieu de faire l'ironiste. Je possède quelque part dans les Pyrénées une chute d'eau qui va faire tourner vingt-cinq turbines et vingt dynamos de 800 chevaux chacune. Je peux élever la température à 2,000 degrés dans mes fours électriques. Vous ne voyez pas quelque chose à faire cuire là-dedans ? Une matière dont le transport ne coûterait pas cher au tarif de l'Orléans ? Un stock d'acier à raffiner pour les rails d'un Transsaharien ? Un oxyde d'alumine à transformer en carburateurs d'automobiles ? Toute une population crève de faim dans la montagne. Ce travail la nourrirait, la vêtirait, la développerait. Non. Alors qu'est-ce que je fiche là ? J'ai rendez-vous dans sept minutes avec le délégué de la Russie pour une utilisation des cascades de l'Oural. Clarisse, je vous emmène dans mon auto... Où faudra-t-il vous déposer ensuite ?... Répondez... Pas de repos universel !... Le roulement, vous dis-je. Rien que le roulement. Ou nous sommes morts ! »


Le 13 juillet 1906 la loi Sarrier, instaurant le repos hebdomadaire dominical de vingt-quatre heures est votée par le Parlement. Les ouvriers sont assez peu concernés par cette loi, ils ont déjà pour beaucoup, obtenu dans les usines et les ateliers, ce repos hebdomadaire. Ce sont les employés de commerce, après s'être mobilisés par la grève et la manifestation, qui en seront les principaux bénéficiaires.

Paul Adam sur Livrenblog : Paul Adam par Francis Vielé-Griffin Paul Adam : Préface à L'Art Symboliste de Georges Vanor Ravachol de Paul Adam au Petit Journal. Les Incohérences et contradictions de M. Paul Adam, "Anarchiste"

mercredi 2 septembre 2009

Les Jours et les Nuits d'Alfred JARRY par Emile STRAUS



Comme on a pu le voir avec le compte-rendu de La Caserne (1898) d'Albert Lantoine par René Ghil (1), la vogue des romans antimilitaristes, ou pour le moins critiques envers l'armée, commencée à la fin des années 1880, se poursuit jusqu'à la fin des années 1890. L'image du soldat, celle de l'armée, se transforme, la critique de l'institution devient alors possible, même si elle expose encore à des poursuites. L'antimilitarisme est renforcé par « un cosmopolitisme libertaire » et avec l'affaire Dreyfus, le droit de critique et l'irrespect sont revendiqués par « l'intellectuel » et se développent dans « la masse profonde ». Dès lors, il semble évident pour les commentateurs de voir dans la publication de Les Jours et les nuits, roman d'un déserteur (1897), d'Alfred Jarry, une oeuvre antimilitariste et plus spécialement une charge contre la médecine militaire. Mais Les Jours et les Nuits est aussi, surtout peut-être, un roman sur le dédoublement, sur « la désertion » du réel pour le rêve, et Emile Straus l'a bien vu. Grand admirateur d'Ubu Roi, le commentateur de la Critique, n'oublie pas de rappeler l'oeuvre « prestigieu(se) » et affirme même que le nom d'Ubu est devenu classique, un type, au même titre que Gavroche ou Harpagon, la première d'Ubu ne date pourtant que du 10 décembre de l'année précédente. A noter, la comparaison entre le style utilisé par Jarry pour rendre compte d'une pensée qui « devient fluide » saisissable après en avoir « coordonnés les lambeaux épars », et les oeuvres graphiques de Valtat, de Mouclier et des japonais.


Les Jours et les Nuits


« C'est une survivance de cette manière de voir des sauvages et des barbaresques que d'assigner, dans notre prétendue civilisation, le rang suprême au soldat, et de témoigner à son costume militaire, aux broderies, comme qui dirait aux tatouages guerriers de son col, de ses manches et du plastron de sa tunique, la vénération qui, dans l'état primitif des hommes, était très naturelle et compréhensible, mais qui, à la hauteur de notre civilisation actuelle, n'a plus aucun sens rationnel ».
Ces âpres paroles de M. Max Nordau se pourraient aisément placer en épigraphe du livre de M. Alfred Jarry, Les Jours et les Nuits.
Sous la poussée des idées philosophiques nouvelles, empreintes d'un cosmopolitisme libertaire, il s'est formé depuis une quinzaine d'année, dans la production livresque, un genre qui pourrait se classer sous la rubrique : Littérature antimilitaire. Ce genre est infini : il embrasse tous les moyens de propagande depuis le roman d'observation et le roman d'imagination, en passant par le plaidoyer, la conférence, le journal, la revue jusqu'au théâtre et l'icône. Il faudrait des pages pour énumérer depuis les fameux Sous-Offs de M. Lucien Descaves jusqu'à La Grande famille de Jean Grave. Tels livres purement techniques, comme l'oeuvre admirable de M. Alfred Duquet, L'Histoire de la Guerre de 1870-71, sont encore plus destructeurs, parce que non de parti-pris, ils mettent à vif les turpitudes de l'armée. Les ouvrages des « rigolos » ou « auteurs-gais » comme Charles Leroy ou M. Courteline, sont encore plus désagrégeants, en accoutumant à l'irrespect la masse profonde. Le théâtre s'indiquerait par L'Automne de MM. Paul Adam et Gabriel Mourey, Mineur et Soldat de M. Jean Laurenty. De plus le crayon est une terrible catapulte ajoutée au siége : il suffira d'indiquer Sous les Drapeau de M. Couturier et Mince de Trognes de M. Jossot.
J'ai voulu à dessein, cette énumération pour y ajouter Les Jours et les Nuits. Le livre de M. Alfred Jarry est destructeur, comme ses précédents.
En différant absolument de forme, il fait l'oeuvre de termite sur une autre portion de l'immense corps, attaqué sans relâche, et dont des portions déjà, sous l'effort, semblent crouler en poudre.
Les Jours et les Nuits se sous-titrent, pour je ne sais quelle raison roman d'un déserteur, alors qu'il se pourrait plutôt tituler hypnose d'un déserteur, car ce livre est double, roulant de la vie brutale à la vie psychique et développant plus le sens critique que strictement littéraire. C'est la médecine militaire qui fait les frais de cette satire sceptique et narquoise, satire qui prend un ton suraigu, débordant parfois dans le grotesque outré, l'injurieux, l'ordurier (Les Héméralopes, L'Heure militaire). Par ce procédé les scènes d'hôpital sont inoubliables d'horreur ou de malpropreté basse. On sent gronder la colère et la haine. Mais l'accumulation rapide de petits détails, d'une si exacte et probante notation, sert simplement à situer la vie militaire, on sent que l'homme seul intéresse l'écrivain, le décor pourrait être « partout et nulle part » dans sa neutralité, c'est-à-dire, dans toutes les casernes et lazarets du monde.
Le trait caractéristique s'appuie de manière à prendre une intense énergie d'expression ; ces faits plats, monotones, ces drames bêtes, finissent par évoquer avec une singulière netteté une image abstraite. M. Alfred Jarry a surtout le don de création (et en témoigna en ce prestigieux Ubu Roi, devenu classique en la langue au même titre que Harpagon ou Gavroche). Les types s'ordonnent d'eux-mêmes en une vision objective, incarnant des tares ou des qualités ; l'image réelle subsiste, les personnages sont alors sans analyse et s'incrustent en mémoire.
Sengle, d'abord résolu à la simple désertion, emploie le mensonge et l'intrigue pour secouer le joug. Par là, il s'affirme. L'intelligence entre en lutte par son initiative contre la force brutale déprimante et finit par en triompher.
Le centre de volonté associé au jugement devient une aptitude à surmonter les obstacles. Du reste Sengle est un véritable « intellectuel » son état normal est pareil à l'état de haschich, c'est-à-dire l'état supérieur ; il est désireux de beauté jusqu'à se dédoubler en adelphisme en son frère Valens. Il est intégralement, de tout, un déserteur. Une atrophie complète du sens de la pitié, signale un génie de volonté, affranchi de mouvement d'âmes sentimentaux : « Il était bien égal à Sengle que le peuple périt dans l'armée et que les laves qui lui servaient d'âmes passassent du corps des esclaves démoniaques dans celui des pourceaux : mais... il ne voulait pas être compris dans l'ablation des cervelles, ni l'enlaidissement des corps » (page 90). Pour ce motif « la discipline... doit d'abord supprimer l'intelligence, ensuite y substituer un petit nombre d'instincts animaux dérivés de l'instinct de conservation, volontés moindres développées dans le sens de la volonté du chef » (page 53). Sengle est donc purement cogitationnel et non émotionnel, il se manifestera par des actes.
D'autres figures évoluent autour de cette centrale, le major Busnagoz, Nosocome, Pyast, Philippe dont plusieurs traits semblent empruntés au malheureux Max Lébaudy, le camelot Dricarpe dessiné suivant la méthode ubuesque, et le lieutenant littérateur et anarchiste Vensuet. Ce genre existe. Il travaille dans les feuilles érotiques, dit ses vers symbolistes et finit toujours mal par un mariage, quatrième page de journaux.
Mais Sengle les domine tous. Toujours la pensée revient à lui ; il finit par devenir le livre lui-même et son état d'hallucination plane sur tous les chapitres heurtés, saccadés, sans suite, aux titres incohérents, insanes.
Il semble, à moment précis, que sur la pensée glisse un nuage ; elle devient fluide, on ne la peut saisir que quelques pages plus loin, après en avoir coordonné les lambeaux épars. Souvent elle désine absolument en brume. Sengle s'interrompt d'être vivant, il passe à travers des milliards d'années et devient songe, il passe et semble agir contradictoirement, échappant au lecteur, comme en une trappe, pour donner ensuite l'impression intégrale de la vie, par un cri prenant.
Le style artificiel évoque les artistes japonais synthétisant en traits instantanés l'extériorité ou certaines xilogravures de M. Marc Mouclier et M. Louis Valtat. C'est tout à la fois brutal et fin.
Même dans ses paysages bretons, M. Alfred Jarry japonise, il les brosse avec de petites phrases maigres et sèches, tels de schématiques traits de pinceau.



Emile Straus.




La Critique, N° 60, 20 août 1897.

Jarry sur Livrenblog et dans La Critique : Alfred Jarry : Premières publications. Messaline : Jarry - Dumont - Casanova - Champsaur. Ubu Roi par Martine et Papyrus. Alfred Jarry et Le Théâtre des Pantins. L'Almanach du Père Ubu par Martine. "Vive la France !" Le Théâtre des Pantins censuré. Le Père Ubu dans La Critique. Le Surmâle d'Alfred Jarry par Martine et Papyrus. Les Paralipomènes de Punch. E. Straus. A. Jarry

Illustration : Louis Valtat, Ann, hors texte de La Critique, N° 33, 5 juillet 1896.