- 1900.
Maurice de Guérin. Le Centaure. Préface par R. de Gourmont. Frontispice par G. d'Espagnat (1). - Ceux qui meurent jeunes sont aimés des dieux et leur mémoire en bénéficie. Georges Maurice de Guérin, du Cayla, âme rêveuse et naturellement faible, délicate, précoce, que l'on appela, assez improprement d'ailleurs, « l'André Chénier du panthéisme », eut-il tenu les promesses de ses Reliquiæ publiées par les pieuses mains de Barbey d'Aurevilly et de Trébutien ? Ce Centaure que, dans une pansée d'art, réédite, Remy de Gourmont, après G. Sand, qui le 15 mai 1840, le présentait aux lecteurs de la Revue des Deux-Mondes, restera la « fleur sauvage et magnifique, séparée des ronces » qu'a choisie la postérité et qui pouvait présager un maître. Sainte-Beuve trouvait que le talent de ce jeune touchait au génie et que nul peintre ni poète n'avait su rendre à ce degré le sentiment de l'origine des choses et du principe souverain de la vie. Apreté de saveur, sentiment mystérieux, simplicité et précision d'images éclatent dans ces quelques feuilles qui furent suivies de : Hécube et Bacchante, autres fragments antiques, au naturalisme savant, mais incomplets. Parmi les êtres à part qui croient semer et le plus souvent ne fertilisent pas, dont l'existence mesurée s'épuise à interroger la nature, M. de Guérin doit être donné en modèle, et son dernier des centaures, aux heures de vieillesse, sollicitant le souvenir de ces jeunes années, ses impressions, ses goûts, ses jouissances, pour les confier à un curieux, à un « diminutif de centaure», qu'on appelle homme, offre un thème admirable aux spéculations de l'âme et à la beauté du verbe. Voilà pourquoi cette petite édition de bibliophiles est oeuvre d'art aussi charmante qu'opportune.
Remy de Gourmont. Oraisons mauvaises. Edition ornée par G. d'Espagnat (2). - Combien élégant en ses perversités du penser, noyé d'ironie, apparaît ce livret d'oraisons « mauvaises » que composa, par intention sans doute peu dévote, croira-t-on, Remy de Gourmont, tour à tour éditeur, critique, philologue, romancier et poète ! Ce sont-là simplement sept strophes de six vers chacune, mêlant aux impuretés humaines « le dernier soupir de Jésus sur la croix », son « dernier regard », son « dernier amour », son « dernier désir », sa « dernière blessure », son « dernier frisson », sa « dernière pensée ». Et la griserie, qui s'exhale de ces oraisons, s'est communiquée à la flore « inventée » par G. d'Espagnat. Et parmi les cinq fleurettes qui formaient douze motifs d'ornement, bleu et jaune alternant, la petite fleur de chrysanthème (on imaginerait peut-être aussi la passiflore !) pensive, chancelante presque, semble respirer le parfum du mal. Tel que l'opium, de prime saveur amère, s'adoucit avec l'oeuvre du temps et apporte à quelques privilégiés, le sommeil, l'oubli, les rêves ; ainsi doit agir cette grande gerbe de vers qu'un homme au goût subtil voulut réunir pour ceux que tourmente le culte de l'Art. Bibliophiles cueillez ces fleurs, elles ne poussent pas en tous terrain, ni si belles !
(1) A Paris, Librairie du Mercure de France, MDCCCC ; vol. in-16 écu (collection de la Ciguë, n° 2), de 53 pages. Tirage à petit nombre (248), sur pap. d'alfa vergé et à 12 exempl. Numér. Sur gr. Hollande Van Gelder avec triple suite du frontispice (vergé d'Arches, Chine, Japon impérial).
(2) Editions du Mercure de France, MDCCCC ; form. Alb. Oblong, couv. pap. fleur. - Imp. Par C. Renaudie à lxxxxvij exempl. : xij sur Japon impérial, le reste sur alfa vergé.
Décembre. Cité dans De la conservation du papier dans les bibliothèque publique et privée et un moyen de la résoudre de Pierre Dauze (pp. 425).
La découverte d'un papier inaltérable ne serait pas une cause absolue de survie, à cause de la tentation d'employer à mille autres usages ce papier trop solide. Ainsi la valeur du parchemin a souvent déterminé le sacrifice d'un manuscrit ». Voilà ce que dit un écrivain contemporain des plus observateurs, M. Remy de Gourmont, dans une très suggestives dissertation sur « la gloire et l'idée d'immortalité » (I).
(I) « La gloire et l'idée d'immortalité », Mercure de France, novembre 1900, p. 289-319. Repris dans Le Chemin de velours. Nouvelles dissociations d'idées. In-18, Société du Mercure de France, Paris, 1902.
Première partie : 1896 et 1897. Deuxième partie : 1898. Troisième partie : 1899. Cinquième partie : 1901. Sixième partie : 1902. Septième partie : 1903. Huitième partie : 1904. Neuvième partie : 1905, 1906 et 1907.
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