D'Armand Charpentier (1864-1949) je sais peu de chose, les titres de sa bibliographie précédant L'Initiateur (1), semblent indiquer son intérêt pour les choses de l'amour et les rapports entre les sexes, le reste de celle-ci nous indique qu'il fut un libertaire, partisan de l'union libre (2), un fervent dreyfusard (3), l'historien du Parti radical (4), un pacifiste (5) ce qui l'entraînera comme de nombreux anciens dreyfusards (Ajalbert, Mauclair, Zévaès, Victor Margueritte) vers la collaboration durant l'occupation (6).
La lettre-préface d'Alphonse Daudet à L'Initiateur nous éclaire un peu sur ce curieux roman :
"Mon cher Confrère,
J'ai lu d'un trait votre manuscrit ; c'est vous dire que l'Initiateur est pour moi une oeuvre prenante, amusante, au sens le plus délicat, et que cette oeuvre aura certainement du succès.
Maintenant que je vous ai complimenté, il faut en plus que je vous félicite de n'être pas marié ; car vous risquier de donner à votre épouse le désir de connaître ce délicieux M. Stéphane, qualifié par vous magicien de voluptés - nous avions déjà l'Enfant de volupté, de d'Annunzio - ce Stéphane qui trompe sa femme, qui trompe ces maîtresses et à qui elles pardonnent toutes, si bien qu'il en arrive à se constituer, sous le nom de Stéphaniennes et en plein Paris bourgeois et parlementaire, un petit harem de trois ou quatre honnestes dames, dont une légitime, la Validè, mais toutes consentantes et unies dans le même amour. La constitution de ce singulier bureau s'appelle, dans notre joyeux Midi, "prendre le turban".
Donc votre initiateur a pris le turban. Mais à quoi bon mêler à son aventure les noms divins et disproportionnés de sainte Thérèse et de Jésus ? Moi, votre personnage me fait surtout songer à Barbassou, un capitaine marin de Marseille dont j'ai esquissé le type dans Tartarin de Tarascon et qui fournit plus tard l'idée de Mon oncle Barbassou à Mario Uchard, lequel oublia toujours de me remercier.
Cordialités, mon cher Confrère."
J'ai lu d'un trait votre manuscrit ; c'est vous dire que l'Initiateur est pour moi une oeuvre prenante, amusante, au sens le plus délicat, et que cette oeuvre aura certainement du succès.
Maintenant que je vous ai complimenté, il faut en plus que je vous félicite de n'être pas marié ; car vous risquier de donner à votre épouse le désir de connaître ce délicieux M. Stéphane, qualifié par vous magicien de voluptés - nous avions déjà l'Enfant de volupté, de d'Annunzio - ce Stéphane qui trompe sa femme, qui trompe ces maîtresses et à qui elles pardonnent toutes, si bien qu'il en arrive à se constituer, sous le nom de Stéphaniennes et en plein Paris bourgeois et parlementaire, un petit harem de trois ou quatre honnestes dames, dont une légitime, la Validè, mais toutes consentantes et unies dans le même amour. La constitution de ce singulier bureau s'appelle, dans notre joyeux Midi, "prendre le turban".
Donc votre initiateur a pris le turban. Mais à quoi bon mêler à son aventure les noms divins et disproportionnés de sainte Thérèse et de Jésus ? Moi, votre personnage me fait surtout songer à Barbassou, un capitaine marin de Marseille dont j'ai esquissé le type dans Tartarin de Tarascon et qui fournit plus tard l'idée de Mon oncle Barbassou à Mario Uchard, lequel oublia toujours de me remercier.
Cordialités, mon cher Confrère."
Alphonse Daudet.
Contrairement à ce que laisse entendre la lettre goguenarde de Daudet L'Iniateur n'a pas grand chose à voir avec une "galéjade" méridionale. Les Stéphaniennes y sont présentées comme les prétresses d'une religion nouvelle, adoratrices d'un Dieu vivant, comme le montre cet extrait d'une lettre de Jeanne, la femme de Stéphane : "Ah ! Stéphane, il n'appartient qu'à toi de devenir ce Dieu. Puisque, dans la déroute de nos croyances; le Christ du Golgotha ne suffit plus à remplir notre coeur, il faut bien que nous trouvions sur terre un nouveau Christ auquel nous puissions offrir notre adoration. Nous ?... C'est à dire toute les bienheureuses qui t'on connu. Car c'est pour elle comme pour moi que je veux te bâtir un Temple. Au lieu d'être des carmélites, nous serons des Stéphaniennes." Ainsi notre délirant Charpentier annonce que "Pour la première fois, à travers la lente théorie des siècles [...] La joie certaine des voluptés se substituait aux symboles menteurs des cultes". Faut-il souligner l'idéologie, profondément machiste, de cette "religon nouvelle" ?
(1) Le Bonheur à trois. E. Monnier, 1888. L'Enfance d'un homme. A. Lemerre, 1890. Une Honnête femme. Perrin, 1892. Une Courtisane. Perrin, 1893. Un Amour idyllique. Lemerre, 1894. Le Roman d'un singe. P. Ollendorff, 1895. Le renouveau d'amour. Lemerre, 1896.
(2) L'Évangile du bonheur, mariage, union libre, amour libre. P. Ollendorff, 1898. Annoncé "Pour paraître" en 1897 (cf L'Initiateur) avec pour sous-titre "Philosophie et sociologie libertaire"
(3) Historique de l'affaire Dreyfus. Fasquelle éditeurs, 1933.
(4) Le Parti radical et radical-socialiste à travers ses congrès (1901-1911). M. Giard et E. Brière, 1913
(5) La Guerre et la Patrie. Préface d'Henri Barbusse. A. Delpeuch, 1926. - Ce que sera la guerre des gaz. Avant-propos de Victor Margueritte. André Delpeuch, 1930.
(6) Cf Epstein (Simon) : Les dreyfusards sous l'occupation. Albin Michel, 2001.
Un "figurant" de la scène littéraire : Armand Charpentier. Félix Fénéon dans le Roman d'un singe d'Armand Charpentier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire