Compte-rendu du Prince Naïf des frères des Gachons par Nicole Chambellan, dans l'Idée Moderne, N° 3 et 4, Février 1895.
Le directeur (ou plutôt la directrice, elle signe aussi "Isolde" dans sa revue) de l'Idée Moderne, rend compte de la représentation du "lumino-conte" des frères des Gachons [I] donnée au théâtre minuscule et devant cette tentative de fusion entre la poésie, la peinture, la musique et le théâtre, elle ne peut manquer de rappeler la tentative de Paul-Napoléon Roinard [II] lors de la représentation du Cantique des Cantiques au Théâtre d'Art. Mais cette fois, les artistes ne tentèrent pas l'expérience odorante qui importuna tant les spectateurs de 1892.
Théâtre minuscule
31, rue Bonaparte
Le Prince Naïf, lumino-conte de Messieurs Jacques et André des Gachons.
MM. des Gachons viennent de nous offrir un véritable régal artistique. Se basant sur des essais préalables (1) ils tentèrent faire concourir à une même émotion esthétique, la peinture, le récit et la musique. Et certes nous devons reconnaître qu'ils surent séduire leurs spectateurs et garder l'attention sur le beau rêve de leur poème.
Les spectateurs prennent place dans un coin d'ombre, religieux, alors que la plus tendre musique s'éveille et les ravit et qu'une voix douce, mémoriale ainsi qu'un écho, raconte la légende du Prince Naïf.Et véritablement ils eussent incarné le Prince et vécu sa légende, si parfois, levant les yeux (qui se closent pour y voir clair, dit le poète) ils n'avaient vu les délicieuses peintures d'Andhré des Gachons se succéder sur un petit écran ou toute la lumière se concentrait.
Nos lecteurs ont tous lu en l'Album des Légendes le poème de MM. Des Gachons, nous ne leur en vanterons donc pas la gracieuse naïveté et la souple simplicité du récit.
La Musique douce aussi et voilée avec des grâces de jadis était l'œuvre de M. Henri Quittard [III], l'artiste qui composa l'adorable chanson de Don Juan (2)
Nos compliments à Mlle Rose Syma, la gracieuse interprète de « la jolie fille aux yeux clairs » quoique, se ressouvenant, quelques spectateurs se soient pris à regretter Camée.
Quelques-uns parmi les présents ignorèrent ou parurent ignorer le prix infini du silence. Il est vrai que les toilettes demeurèrent dans l'ombre et qu'un peu de snobisme avait passé le seuil.Nicole Chambellan.
(1) On se souvient que pour le Cantique des Cantiques, donné au Théâtre d'Art vers 1891, on avait tenté de séduire par l'odorat lui-même, en imprégnant l'atmosphère de fumée religieusement aromatiques. Mais à ces représentations, les esthètes les plus délicats furent peut-être choqués de l'imperfection du décor. MM. Des Gachons ont réalisé dans cet art un véritable progrès.
(2) Par Charles Morice, dans Chérubin.
Lumino-conte en 16 tableaux dont la première représentation fut donnée au Théâtre Minuscule le 2 décembre 1893, - avec 16 décors d'Andhré des Gachons.
L'Album des légendes. Publication mensuelle illustrée. Directeurs A. et J. des Gachons, Administrateur Edmond Girard. Imprimerie Girard, 8, rue Jacquier.
Janvier 1894 – décembre 1894 (remplacé à partir de janvier 1895 par Le Livre des Légendes, qui sera publié par Jacques des Gachons seul, et imprimé par R. Engelmann).
16, puis 24 pages par fascicule, au moins 1 aquarelle hors texte (coloriée par l'auteur dans les 10 exemplaires sur japon impérial). Têtes de page, lettres et culs de lampe originaux.
Tirage limité, pour l'édition de luxe, à 60 exemplaires numérotés, dont 10 sur japon impérial, et 50 exemplaires sur japon français blanc. Tirage courant sur papier fort teinté.
Voir : Bibliographie des éditions Edmond Girard, imprimeur-éditeur et poète.
[II] Voir Roinard dans Livrenblog : Albert Cozanet - Jean d'Udine. Les Rythmes et les couleurs - 1892, le Théâtre d’Art, le Cantique des Cantiques de P. N. Roinard, par Julien Leclercq, Mercure de France janvier 1892. La voix de Roinard sur Gallica. Les Miroirs, Paul-Napoléon Roinard, Chercheur d'Impossible (1re partie), (2me partie), (3me partie).
[III] Henri Quittard (1864-1919), musicien et musicologue. Voir, la notice que lui consacre Viviane Niaux, ainsi que l'article nécrologique de La Revue de Musicologie. Il est l'auteur de la musique de scène de Les Uns et les autres de Paul Verlaine.
Dans Livrenblog : André des Gachons par Pierre de Querlon.
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