Le Cheval
Le cheval a vraiment du bon... quand il ne vous flanque pas par terre. On est haut placé sur la noble bête ; on domine.
Vous ne m'avez jamais vu à cheval ? Eh
bien il faut voir ça. Je monte très bien
ça m'a coûté cher.......... dix ans de leçons. Je ne sais rien, mais je peux me permettre de vous donner quelques conseils.
J'ai un nom connu, je m'appelle Chiron.
Le cheval, c'est mon dada.
J'en peux réciter toute l'anatomie. J'ai même fait un ouvrage contenant l'histoire de
tous les os et de tous les nerfs du cheval que j'ai appelé : la Chevalotomie 1.
Quand vous sortez, si votre cheval cabriole, ne faites pas une figure d'enterrement qui
provoque le rire des imbéciles à pied.
Esquissez un sourire – un peu pâle, si vous voulez, - mais un sourire ; moi je souris, c'est ma méthode. Et si une réaction, infâme
comme toutes les réactions, vous envoie piquer une tête, tombez avec grâce comme le lutteur antique.
Ne prenez pas les crins, ou n'embrassez pas avec un immense amour le col du cheval, surtout (ne vous cramponnez pas comme un singe) dégringolez, c'est plus naturel, en souriant toujours ! - Moi, je dégringole. Si la poussière vous balaie le visage et qu'un grain reste dans votre oeil, fermez-le comme
ça ; moi, je le ferme, et continuez votre promenade avec un seul oeil ouvert – sans vous faire souffler dedans par votre ami à cheval à
Respirez librement et détendez-vous. Si vous êtes marié ne pensez pas à votre belle-mère, vous ne pourriez pas suivre mon conseil ; - moi, je suis garçon. Je puis me détendre.
côté de vous. Comme groupe équestre ce serait déplorable ; c'est déjà laid à pied, ainsi !
Si un autre grain entre dans l'autre oeil, fermez les yeux ; moi je les ferme.
Quand votre cheval est lancé au galop, vous pourrez crier : « Maman ! » ça ne l'arrête pas.
Suivez-le (dessus) et attendez les événements sans grimaces. Moi, j'attends les événements sans grimaces.
Si vous perdez vos étriers, en cherchant à les rattraper ne vous servez pas de vos jambes comme de rames ; vous n'êtes pas en bateau ; ce n'est pas parce que votre cheval envoie de la fumée par les deux naseaux qu'il faut le prendre pour un bateau à vapeur.
Respirez librement et détendez-vous. Si vous êtes marié ne pensez pas à votre belle-mère, vous ne pourriez pas suivre mon conseil ; - moi, je suis garçon. Je puis me détendre.
Lorsque votre cheval relève la tête, comme
les coursiers du Parthenon ou le peuple opprimé, ne le flattez pas, comme le ferait
un pamphlétaire ; baissez les rênes de brides
jusqu'à ce que le cheval n'encense plus,
surtout ne l'appelez pas Enfant de choeur.
Ne posez pas à cheval. Vous pourriez être par terre avant la pose. - On pose et le
cheval vous dépose.
En trottant à la Française, vous pilez du poivre. Ne songez pas aux rougeurs qui décorent votre assiette. Il vaut mieux rougir par là quand on est Français patriote.
Pour mettre au pas un cheval, il n'est pas utile de taper dessus, comme pour mettre au pas une femme.
Quand vous avez franchi un obstacle, ne faites pas des efforts à vous faire sortir les yeux de la tête. Vos yeux passeraient d'abord
par-dessus l'obstacle et vous n'auriez plus rien pour diriger votre monture.
Parlez à votre cheval. Entretenez-vous avec lui. Le cheval adore la conversation. C'est très intelligent un cheval, ça comprend mieux qu'un concierge !
Dans les bois, racontez-lui vos amours, ça l'intéressera ; tachez de les lui dire en anglais si vous pouvez. Le cheval aime beaucoup l'Anglais. Dites-lui des mots anglais. On ne sait pas pourquoi, mais il aime beaucoup l'anglais.
English spoken,
fixed price,
old england, hip ! Hip !
Hurra !
Ça l'amusera beaucoup.
Si vous avez la barbe en éventail, et que vous passiez à cheval sur un pont, ne vous arrêtez pas. On vous prendrait pour Henri IV sur le Pont-Neuf.
Le sifflet du chemin de fer agace le cheval, surtout si c'est un pur-sang : et même un sang impur.
Quand vous entendez siffler une locomotive, bouchez les oreilles de votre cheval ou
criez-lui que c'est vous qui avez sifflé.
Ah ! Un petit conseil. Quand vous allez vous promener au bois, prenez de préférence l'allée des Poteaux. C'est la plus agréable.
Moi, je ne la prends jamais, l'allée des Poteaux. Je ne peux pas souffrir Sarah-Bernhardt ;
Si votre cheval ne veut pas passer dans un endroit,
ni en avançant,
ni en reculant ;
ni par le flanc droit,
ni par le flanc gauche ;
ni par la fureur,
ni par la douceur,
ni par les larmes, n'hésitez pas, ramenez-le à l'écurie et allez-vous promenez à pied, il n'y
a rien qui embête les chevaux comme ça.
Posez élégamment votre stick en travers, n'oubliez pas qu'à cheval le stick, c'est l'homme
Pour les poltrons qui ont peur de tomber de cheval, j'ai trouvé un excellent moyen. Monter à cheval quand il pleut avec un grand manteau de cuirassiers.
Mettre des anneaux à la selle, des agrafes à son fond de culotte, et s'accrocher ; comme ça on est solide.
Ne tirez pas sur les rênes, qu'elles soient en guirlandes. Suivez les conseils du professeur
d'équitation de l'antiquité, Théramène, qui a dit qu'il fallait
La main sur ses chevaux, laisser flotter les rênes.
Pour le costume, ce que vous voudrez : la question est de ne pas avoir un chapeau haut de forme trop grand, car, au galop, le chapeau descend sur le nez, sur le menton, sur les épaules, et il est impossible de diriger son cheval la tête dans son chapeau.
Sortez-vous avec une amazone dont vous êtes très amoureux ? Ne vous jetez pas à ses genoux avec le cheval, vous risqueriez de voir couronner le cheval plutôt que votre flamme.
Dans les rues, ne vous mettez pas derrière
l'amazone, vous auriez l'air d'être son domestique ; ni devant, vous sembleriez avoir votre bonne derrière vous.
Surtout, et ceci est capital, quand vous sortez avec une dame, ne mettez pas de pantalons larges et bouffants. On vous prendrait pour sa mère !
Si votre cheval s'oublie et fonctionne en courant, ne vous en préoccupez pas. Songez que c'est une supériorité évidente qu'il a sur vous.
Un dernier mot. Je vous ai dit qu'il fallait tomber avec grâce. Venez me trouver, je vous adresserai à un professeur de chutes gracieuses : M. Niagara ; avec lui on tombe tout le temps et jamais sur le
poignet, ni sur... ni sur... Enfin on tombe bien.
Il enseigne à ravir la basse école. La meilleure manière d'apprendre à monter à cheval, c'est de savoir en descendre.
(fausse sortie)
Mettre des anneaux à la selle, des agrafes à son fond de culotte, et s'accrocher ; comme ça on est solide.
Ne tirez pas sur les rênes, qu'elles soient en guirlandes. Suivez les conseils du professeur
d'équitation de l'antiquité, Théramène, qui a dit qu'il fallait
La main sur ses chevaux, laisser flotter les rênes.
Pour le costume, ce que vous voudrez : la question est de ne pas avoir un chapeau haut de forme trop grand, car, au galop, le chapeau descend sur le nez, sur le menton, sur les épaules, et il est impossible de diriger son cheval la tête dans son chapeau.
Sortez-vous avec une amazone dont vous êtes très amoureux ? Ne vous jetez pas à ses genoux avec le cheval, vous risqueriez de voir couronner le cheval plutôt que votre flamme.
Dans les rues, ne vous mettez pas derrière
l'amazone, vous auriez l'air d'être son domestique ; ni devant, vous sembleriez avoir votre bonne derrière vous.
Surtout, et ceci est capital, quand vous sortez avec une dame, ne mettez pas de pantalons larges et bouffants. On vous prendrait pour sa mère !
Si votre cheval s'oublie et fonctionne en courant, ne vous en préoccupez pas. Songez que c'est une supériorité évidente qu'il a sur vous.
Un dernier mot. Je vous ai dit qu'il fallait tomber avec grâce. Venez me trouver, je vous adresserai à un professeur de chutes gracieuses : M. Niagara ; avec lui on tombe tout le temps et jamais sur le
poignet, ni sur... ni sur... Enfin on tombe bien.
Il enseigne à ravir la basse école. La meilleure manière d'apprendre à monter à cheval, c'est de savoir en descendre.
(fausse sortie)
Ah ! Une chose indispensable que j'oubliais. Pour être bien à cheval, il ne faut pas monter du pied droit dans l'étrier gauche, car alors vous vous trouveriez placé du côté opposé à la tête, et il serait très difficile, dans cette position, de voir si le cheval prend le mors aux dents.
1 Paul Ollendorff, éditeur.
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NOTES :
Robert de Bonnières (1850-1905)
Ecrivain, journaliste, poète parnassien et critique littéraire (voir les trois volumes des Mémoires d'aujourd'hui). Auteur notamment de Contes de Fées en 1881, des contes versifiés, Les Monach, roman en 1885.
Sapeck (1853-1891), roi des fumistes, grand mystificateur, dessinateur, mais aussi avocat puis conseiller de préfecture. Fondateur et rédacteur de L'Anti-Concierge, organe de défense des locataires, il profite des illustrations pour le monologue de son ami Pirouette-Coquelin Cadet pour faire de la publicité pour sa publication.
Hydropathes et fumistes dans Livrenblog : Jules Jouy, Emile Goudeau, Alphonse Allais, Achille Mélandri Hydropathe, La Lumière électrique de Charles Cros...
Coquelin cadet "Roi" du Monologue
Sapeck illustre Le Rire de Coquelin Cadet
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