mercredi 11 novembre 2009

LE MIME SÉVERIN Souvenirs d'un Pierrot



L'HOMME BLANC


Séverin Cafferra, dit Séverin, (1863-1930), né à Ajaccio, a commencé sa carrière à Marseille où il fut l'élève de Louis Rouffe, et l'un des plus grands mimes de la tourne du siècle. En 1929, il publie ses souvenirs, L'Homme blanc, Souvenirs d'un Pierrot, introduction et notes de Gustave Fréjaville. J'en donne un court extrait sur le « Théâtre des Funambules » qu'il fonda en 1898, petit théâtre où furent jouées des pantomimes et pièces, entre autres, de Pierre Veber [I], Melandri [II], Tristan Bernard, Liane de Pougy, et des musiques de Claude Terrasse [III]. Je reviendrai sur ce Pierrot, ses oeuvres et ses souvenirs prochainement.






Le Théâtre des Funambules de Séverin (1898-1899)


Après Chand d'habits, je jouai à Paris d'autres pantomimes, soit aux Folies-Bergère, soit à l'Olympia, et je commençai la série de mes voyages à travers les villes de France et d'Europe. Je parlerai plus loin des aventures de cette vie errante. Je revins à Paris jouer le Docteur blanc, de Catulle Mendès, musique de Gabriel Pierné (1). Puis je voulus réaliser un beau rêve d'artiste...
Il s'agissait de fonder à Paris un théâtre d'art où la pantomime aurait sa place. Je l'appelai « les Funambules » en souvenir du théâtre des Deburau. Je ne voulus pas cependant y jouer exclusivement la pantomime. J'eus la joie d'y monter des pièces de Tristan Bernard, Pierre Veber, Mendès, Armand Silvestre (2). Je m'appliquai à faire sur ce petit théâtre d'amusants essais de mise en scène. Aux entr'actes, l'orchestre ne jouait que de la vraie musique, de belles oeuvres. Dans le domaine de la musique gaie, je crois avoir été l'un des premiers à découvrir et à faire jouer Claude Terrasse. Je voulus que tout fût à l'avenant dans cette petite salle. Le programme était illustré par notre cher Willette ; ni autour de son dessin, ni même dans l'intérieur du programme, je n'admis aucune publicité, ne voulant pas que la réclame d'un marchand de chaussures vint piétiner une jolie chose. Je fus aussi le premier à payer mes ouvreuses et à leur interdire de quémander le « petit bénéfice ». Avec des idées pareilles, une petite salle, d'assez gros frais d'artistes et de mise en scène, au bout d'un an je payai jusqu'au dernier centimes acteurs et personnel et je laissai à d'autres mon théâtre, qui changea de nom.
Je repris ma course, revenant à Paris à peu près tous les ans, aussi souvent que je pouvais... C'est ainsi que j'y jouai beaucoup de pantomimes, créées ou reprises par moi de 1896 à 1914, et dont je ne citerai que quelques-unes : Pierrot don Juan ; Pousse-Caillou ; Pierrot pochard, de Max Maurey ; Conscience ; Pierrot en tournée, d'Armand Silvestre ; les Septs péchés capitaux. Je rappelle que j'eus la joie d'associer mon nom et mes efforts à des conférences de Mendès, de Victor Margueritte, à la Bodinière, avec la reprise de Pierrot assassin de sa femme, de Paul Margueritte, musique de Paul Vidal. Paul Margueritte avait créé lui-même cette pantomime, et de belle façon, ma foi, pour un amateur. Il était fort doué pour cet art qu'il aimait et Paul Legrand lui avait donné des indications. Il y avait dans cette pièce un petit rôle de croque-mort : notre Antoine ne dédaigna pas de le jouer.

(1) Le Docteur blanc. Cette pantomime, qui d'abord était en cinq actes, avait été créée aux Menus-Plaisirs, le 5 avril 1898, par Pepa Invernizzi et Marie Labounsjaïa, sans grand succès. Réduite à deux actes pour Séverin, elle fut jouée par celui-ci aux Folies-Bergères, le 23 décembre 1897, et ce fut un triomphe qui se maintint pendant quatre-vingt représentations.

(2) Le programme d'ouverture du théâtre des Funambules, 25, rue Fontaine (29 novembre 1898) comprenait : L'Amorce, de Michel Provins ; Visite de nuit ; de Tristan Bernard ; Chand d'habits, avec MM. Jablin, Jean Dax et Mlle Rivolta ; Paroles en l'air, de Pierre Veber et Léon Abric ; Le Souper du Notaire, opérette en un acte, de Séverin, Abric et Chantrier.
Le 26 janvier 1899, création de : la Conscience, drame en un acte de Melandri et Hawkins ; Pierrot en tournée, pantomime en un acte, par Armand Silvestre, Lutz et Bonnamy, joué par Séverin ; les Joies de l'Adultère, comédie en un acte, de M. Daniel Riche. Le 16 février, première représentation de l'Enlisement, comédie en un acte, de Mme Liane de Pougy.
Aux entr'actes, l'orchestre jouait la Marche des Funambules, de Claude Terrasse ; l'Arlésienne, de Bizet, etc.
Séverin institua en outre des « Vendredis de pantomime classique » où il joua notamment Pierrot nourricier, pantomime du répertoire de Deburau.








Sur la pantomime : Ariane Martinez, La Pantomime, théâtre en mineur 1880-1945, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2008, 322 p. (voir l'article de Gilles Bonnet sur Fabula).

Sur le Pierrot fin de siècle : Jean de Palacio, Pierrot fin-de-siècle. Séguier, Paris, 1990, in-8, 312 pp., bibliographie, couverture illustrée, cahier d'illustration.

Autre extrait des Souvenirs de Séverin : Félicia MALLET, COLETTE, OTERO, femmes mimes.

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