mardi 24 juin 2008

CURNONSKY Souvenirs


CURNONSKY Prince des Gastronomes : Souvenirs littéraires et gastronomiques. Préface du Dr Chauvelot. Albin Michel, 1958.

J'écrivais il y a un peu plus d'un an déjà, un petit compte-rendu des Cahiers d’un mercenaire de lettres de Maurice Ed. Sailland dit Curnonsky, le hasard, l'obstination, la marche à pied et quelques piécettes me permettent aujourd'hui de consacrer ce billet a un autre volume de souvenirs de Curnonsky, Souvenirs littéraires et gastronomiques, paru chez Albin Michel, avec une préface du Dr René Chauvelot, en 1958, deux ans, donc, après la mort de leur auteur. La première partie du volume est consacré aux amis. En voici quelques chapitres : Mon bon maître Alphonse Allais - Franc-Nohain et l'automobile - Paul Verlaine aux Feuillantines (où il reproduit in extenso un article-interview d'André Guilbert-Lasalle qui l'interrogeait pour les Cahiers Paul Verlaine en 1954) - Jules Desbois (le statuaire Tourangeau, un compatriote) - Jean Moréas est l'occasion pour Cur de rappeler le restaurant La Côte d'Or, « découvert » par Papadiamantópoulos qui y attira une génération littéraire, d'Hugue Rebell à Marcel Schwob. Paul-Jean Toulet était de ses agapes à La Côte d'Or, Cur souligne son amitié pour Moréas, les entretiens des deux amis et termine sur une Confidence de Moréas - avec Courteline et le perroquet tourangeau l'anecdote est contenue dans le titre - Pierre Louÿs et l'art épistolaire présente l'intérêt de reproduire des lettres et poèmes de circonstances de l'auteur d'Aphrodite, grand amateur de Chaussettes Pour Dames, l'un des Opus majeur du collabo de Willy, Curnonsky reçu plus de deux cent vingt lettres de Pierre Louÿs, dont il fit don pour partie à la Société des Gens de Lettes, une édition de cette correspondance était prévue par Curnonsky en collaboration avec le Dr Chauvelot, il mourra sans pouvoir réaliser cette édition.
Le chapitre sur Rodolphe Bringer, est là pour que ne meurt pas tout à fait le souvenir du fondateur de la « Société des Imprévoyant de l'Avenir » et auteur de Ces Messieurs de l'apéritif. C'est par l'intermédiaire de Pierre Louÿs que Cur rencontra Debussy, dont il se souvient ici pour nous conter deux anecdotes. Des souvenirs de spectacles émaillent aussi ce volume et notamment sur l'acteur Max Dearly « Lavallière ! Granier ! Brasseur ! Dearly ! Baron ! O soleils disparus derrière l'horizon ! », un chapitre est consacré à Marguerite Moreno.
Parmi les amis, il en est un que Curnonsky ne pouvait oublier, « le parfait écrivain Paul-Jean Toulet », dont il écrit qu' « Il fut, avec Gabriel de Lautrec, Jean de Tinan et Pierre Veber, l'un des hommes les plus spirituels qu'il m'ait été donné de connaître à ce moment là de ma vie ». Une erreur de transmission télégraphique fit que la signature commune de Curnonsky et Toulet, qui devait être « Perdican » devint « Perdiccas », pseudo sous lequel les deux amis firent paraître Le Bréviaire des Courtisanes et Le Métier d'amant. Le duo collabora à part égale à un autre volume, Demi-Veuve, qui ne fut signé que par Curnonsky, Toulet « estimant qu'il n'avait pas eu le temps d'écrire avec assez de soin sa partie. » Toulet et Curnonsky ne partageait pas seulement leur pseudonyme, au 7 rue de Villersexel, ils firent avec Princeteau, « salle à manger commune », louant quatre appartements, l'un d'eux étant consacré aux agapes et réceptions, assez grand pour s'y pavaner, il fut baptisé le « Pavanatoire ». On aurait souhaité un volume entier de souvenirs de Curnonsky sur Toulet, en savoir plus sur leur voyage en Extrème-Orient, leurs maîtresses communes, leurs réceptions au « Pavanatoire », leur voisinage encore, dans un même immeuble de la Place de Laborde, leur travail en commun... Tout cela n'est malheureusement qu'effleuré dans ce volume. Son passage au secrétariat du Duc de Monpensier y est survolé, son amitié avec Forain à peine esquissée, notre Tourangeau se contente de nous délivrer quelques anecdotes et une théorie de bons mots du dessinateur. Ernest Lajeunesse est quasiment inconnu, non pas que nous ne sachions rien de lui, sa rosserie, sa tête à claque, ses « Nuits et ennuis de nos plus notoires contemporains », ont fait l'objet de quelques chroniques toutes répétant les mêmes anecdotes, Curnonsky semble avoir bien connu La Jeunesse, « le plus érudit, sinon toujours le plus clair, des journalistes de son temps », mais ne nous en dit pas beaucoup plus que la légende, ne nous dévoilant ici que le sujet d'une opérette que La Jeunesse rêvait d'écrire et de voir accompagnée d'une musique de Claude Terrasse. Nous ne pouvons que regretter avec l'auteur que son ami n'ait pas laissé de mémoires « car La Jeunesse est un de ceux qui, comme moi, ont écrit beaucoup plus de choses qu'ils n'en ont signées. Et nous en aurions appris de belles (que d'aucuns savent déjà). »
La deuxième partie est consacrée à la gastronomie on y trouve toute même quelques écrivains comme Raoul Ponchon « Un grand poète bachique » et un chapitre sur « Colette à table ». En résumé un volume pour faire le plein d'anecdotes.


A lire : Sur le blog des Editions Cynthia 3000, sous la plume de Gregory Haleux, De Rana-Rouri à Bibendum, ou l’épopublicité un billet sur Marcel Rouff (1887-1936), et son roman Guinoiseau ou le moyen de ne pas parvenir (1926), roman à clefs où l'on retrouve sous pseudonymes, Willy, Henry de Bruchard (1), Paul-Jean Toulet, et... Maurice Sailland qui sert de modèle au héros du roman, Guinoiseau.

(1) Ami de Jean de Tinan et de P.-J. Toulet, fort en gueule et batailleur, ardent dreyfusard qui rejoindra les rangs royalistes, il fera partie de la Ligue de la Patrie Française. Auteur de La Fausse gloire un roman contemporain, d' "études algériennes" La France au soleil, et de Petits mémoires du temps de la Ligue.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est amusant, un autre amoureux du prince des gastronomes en parle sur son blog. http://blog.frederic-martinez.fr/index.php/post/2008/09/17/Un-Jurancon-93