vendredi 17 décembre 2010

Maison Médan et Cie


Quelques documents...


Les Marges : Le Naturalisme et les Soirées de Médan. Librairie Valois, Cahier de printemps 1930, 160 pp.

Sommaire :

Survivance du Naturalisme, par Maurice Le Blond. Emile Zola, par Denis Saurat. Les six naturalistes, par Jean Richepin. L'Année littéraire 1880, par Auriant. Les Soirées de Médan racontées par Guy de Maupassant. Ce que voulaient les auteurs des Soirées. Quelques opinions actuelles sur les Soirées de Médan. Les six auteurs des Soirées de Médan vus les uns par les autres. Les auteurs des Soirées de 1876 à 1880, par Léon Deffoux. La mort de Flaubert (1880), par René Dumesnil. Médan au temps des Soirées, par Madame Zola. La littérature de guerre entre 1870 et 1880 par E. Tisserand.

Supplément : Le grand maître du moderne : Marcel Proust, par D. Saurat. Quelques poèmes parus en 1929. Lectures, par Eugène Montfort.


Paul Alexis

par

Henry Céard



Paul Alexis admire par-dessus tout la puissance décorative d'Émile Zola et ses descriptions tumultueuses et colorées comme des fresques, il a une passion étroite et plus tenace pour la sécheresse psychologique de Stendhal. Il tâcha de combiner les deux manières et se créa ainsi une manière d'expression qui vaut d'être étudiée et qui ressemble à la fraîcheur de tous et à la dureté de lignes des objets vu dans le champ d'un appareil photographique.

Avec cette précision à teintes plates, pour ainsi dire, il était merveilleusement armé pour rendre la petitesse des sentiments des individus enfermés, comme il l'avait été, dans les préjugés d'une grande et resserrée ville de province. « Les Journal de M. Mure, par exemple, avec sa notation patiente des plus humbles états d'une âme rétrécie est une merveille de délicatesse et d'observation même. »

Le grand succès est allé à La Fin de Lucie Pellegrin, sujet bien plus en dehors et plus séduisant, à l'époque, par le spectacle de mœurs misérables dont il me semble que, sans juger selon mes préférences, Les Femmes de M. Lefèvre peuvent passer pour le chef-d'oeuvre de Paul Alexis.

Cette aventure d'écuyères de bas-étage venant troubler les pudeurs et les conventions d'une sous-préfecture endormie dans sa tranquille bourgeoisie, témoigne de rares qualités de justesse et de consigne. La pondération y est parfaite, l'effet toujours savamment ménagé. Le style, très adroitement adapté au sujet, railleur sans sous-entendus, et ne disant rien que ce qu'il veut dire, est sobre avec éclat et pittoresque sans enflure. Ces cinquante pages respirent la vie, une vie spéciale bien connue de l'auteur. On sent qu'il l'a vécue de près dans son pays natal, dans cet Aix-en-Provence, « ville du passé, toute à ses souvenirs, calme et silencieuse, aux vieux hôtels mélancoliques ».

Avec des imitations des personnages politiques, grands dominateurs d'idées et de peuples, tel que les concevait Émile Zola, Vallobra, le dernier roman de Paul Alexis, témoigne en maintes pages d'un sentiment exact et personnel. Certaines scènes y sont puissantes et humaines à l'égard des plus belles scènes de comédie, car Paul Alexis avait tenté du théâtre, et Vallobra avant de paraître sous forme de roman, sous forme de pièce avait sollicité les directeurs de théâtre. « Quatre fois reçue et pas encore représentée » constate tristement la préface !

Et pourtant, Alexis avait des succès pour répondre de lui. Il avait été applaudi au Théâtre-Libre un des premiers. Le Gymnase lui avait joué une adaptation de Charles Demailly des Goncourt ; le Vaudeville une traduction de Giocosa La Provinciale ; l'Odéon, Sycomore, imité de l'anglais, et la fortune des planches lui avait été on ne peut plus favorable quand, en compagnie de Méténier, il avait donné, aux Variétés cet audacieux M. Betsy, dont la belle humeur satirique avait alarmé la critique, mais longtemps attiré le public et les bravos.

Le Divan, Printemps 1930.




Médan au temps des « Soirées »

évoqué par Mme Emile Zola

« - Ah ! Que Médan était gai dans ce temps-là ! Maupassant animait la maison de son activité joyeuse. J'entends encore ses coups de carabine qui ne finissaient pas de se succéder dans le jardin. On le taquinait sur ses succès dans le monde. C'était un sujet de plaisanteries intarissables. Il se laissait faire, riant beaucoup et se défendant de bonne grâce. Comme il était alors grand amateur de canotage, c'est lui qui fut chargé de nous acheter notre premier bateau, une barque bien popote, une barque de famille, qui reçut un nom assez mal approprié : Nana.

« Céard nous ravissait par la finesse de son esprit. Je vous l'ai dit, mon mari l'aimait beaucoup, et lui-même était alors tout à fait charmant, très tendre, très affectueux, oui, très affectueux.

« Huysmans nous attachait par ses causeries érudites entremêlées de drôleries et de jolis traits d'observation.

« Hennique nous apportait des perroquets, des oiseaux qu'un de ses frères lui envoyait du Sénégal, et nous parlait de son chat qu'il adorait et qu'il avait appelé « Gueule d'Or ».

« Alexis était de tous le plus paisible. Il n'aimait pas la hâte, la bousculade et nous amusait beaucoup par l'impossibilité où il était d'être exact aux heures des repas. Mon mari le grondait quelquefois de sa nonchalance.

Pendant les longs séjours qu'Alexis faisait à Médan, il lui permettait, par une exception qu'il n'a jamais renouvelé pour personne, d'écrire auprès de lui, sur la grande table de l'atelier. Il espérait l'exciter au travail par son exemple. Car il agissait avec une sollicitude toute paternelle avec ses amis, qui étaient pour la plupart plus jeunes que lui d'une dizaine d'années. »

- Quelle bonne vie nous menions alors !

Nous allions souvent en promenade dans l'île. On y déjeunait quelquefois. Mon mari même ces jours-là ne nous rejoignait jamais avant le moment du repas, car, qu'il y eût du monde ou qu'il n'y en eût pas, et quelque projet de partie que nous eussions formé, il ne manquait jamais à son travail. A 8 heures, il entrait dans son cabinet et lisait tout d'abord les journaux. Vers 10 heures, il prenait la plume et ne quittait sa table qu'à une heure, après avoir couvert environ quatre ou cinq feuillets de son écriture serrée. C'est alors seulement que nous le retrouvions...

« Souvenirs de Médan » entretien recueilli par A. Souberbielle. L'Aurore, 11 mars 1905.




Envoi de René Dumesnil au chanoine Mugnier (1853-1944). L'abbé Mugnier fréquentait le monde littéraire, il est à l'origine de la conversion de Huysmans, il tint un journal où défilent le Tout-Paris intellectuel.

Émile Zola sur Livrenblog : Zola mis en fiches. Edouard Toulouse. La Vérification des bagages Emile Zola illustré par Fernand Fau. Emile Zola dans le Reporter de Paul Brulat. L'Assommoir d'Emile Zola, étude critique, par Frederic Erbs. Zola intime par Henry Céard.


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