Une note sur André des Gachons
... Grand, front large, yeux bleus, cheveux et barbe noire – l'imagier André des Gachons n'a pas un signalement quelconque. Dans la redingote cérémonieuse ou sous la casquette de sportman, ce grand rêveur n'est pas déguisé.
Il faut dire tout de suite que c'est le propre de notre artiste de mêler toujours du rêve à la vie et de la vie au rêve ; d'unir toujours le souci de la vérité à l'amour de la fantaisie. Lorsqu'il peint d'après nature, il sait rester exact et donner, en même temps, une impression un peu romantique de grandeur ou de charme ; quoi de plus exact et de moins matériel à la fois que ses belles études du Mont-Blanc ou de Monaco ? Et d'autre part quoi de plus près de la nature que ces imaginatives illustrations des Légendes rustiques ou de la Maison Forestière ?
André des Gachons n'est pas un novateur, mais si son coloris n'est pas plus réaliste que celui de Boticelli ou de Jean Matsys, il est aussi savant que le leur : il est simple, pur et parfaitement harmonieux. Et c'est parce qu'il est tenté, à la façon de l'école italienne et de ses imitateurs, de ne voir la beauté qu'en ce qu'elle a de parfait, de régulier et de simple, que l'imagier André des Gachons n'est pas psychologue.
Ni réaliste, ni psychologue – et d'autre part trop bon peintre pour s'adonner à la fantaisie – dans quelle idée a-t-il donc nourri son talent ?
Il n'est pas réaliste ; mais il demeure toujours vrai. Il ignore la psychologie, mais il est maître en esthétique. Si, par exemple, ses visages de femmes ne sont jamais déformés ni par la douleur ni par la passion, il sait, par contre, les faire passer du charme le plus délicat à la plus dramatique grandeur. C'est que, face à la nature, il est touché par le spectacle plutôt que par l'action.
Et c'est à cause de cela que chacune de ses oeuvres est surtout une vision de beauté, qu'il restera toujours l'illustrateur des livres descriptifs comme Salambo ou la Tentation, qu'il peindra toujours ce que voient ces yeux de rêveurs.
Il doit aimer la ville de Lille, où il habite, comme l'aimerait un poète, et je vois une de ses aquarelles dans ces vers de M. Léon Bocquet un des meilleurs poètes de là-bas :
Ne va-t'il plus sortir du dédale des rues
L'exode somptueux des fêtes disparues,
Pavoisant d'étendards les pignons et les murs ?
Et les vieilles maisons de briques et de pierres
Attendent, succombant sous leurs faîtages mûrs,
Avec des airs anciens en leur mante de lierres.
Pierre de Querlon.
(Extrait de La fève du gâteau)
Le Beffroi, décembre 1901
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire