vendredi 18 janvier 2008

LA PHYSIONOMIE de JULIEN LECLERCQ



Julien Leclercq (16 mai 1865 - 31 octobre 1901) à vingt ans avec son ami Gabriel-Albert Aurier il fréquente les réunions de jeunes poètes comme le cénacle de La Butte, à Montmartre, il y rencontre Paul Roinard (futur Napoléon), Edouard Dubus, Gabriel Randon (futur Jehan-Rictus), Paul Pradet (futur Théodore Chèze), Marc Legrand, Léo d'Orfer, Alfred Vallette, Alexandre Boutique, Fernand Clerget et Louis-Pilate de Brinn' Gaubast. Avec Aurier, Dubus, Brinn' Gaubast et un nouveau venu, le jeune suisse Louis Dumur, vivant à Saint-Pétersbourg, il collabore à la fondation de la seconde mouture de la revue La Pléïade (1889). Cette Pléïade, donnera le jour au Mercure de France, dont il sera l'un des dix du comité de rédaction (1), figurant au sommaire du premier numéro paru, fin décembre 1889. Il collabore donc au Mercure de France des premières années avant de se tourner vers l'étude des caractères par la physionomie ou l'étude des mains, dans La Physionomie, avant son portrait par Eugène Ledos il ne se présente pas comme poète ou journaliste mais comme "auteur dramatique". Tout comme son ami G.-Albert Aurier, mort en 1892, il se passionne pour la jeune peinture et restera attaché à l'oeuvre de Vincent Van Gogh, ainsi il collaborera à l'organisation de la première grande exposition Van Gogh de mars 1901 chez Berheim-Jeune.


(1) Pour mémoire les autres membres de ce comité sont : Vallette, Aurier, Renard, Dubus, Dumur, Louis Denise, Jean Court, Ernest Raynaud et Albert Samain.


Bibliographie :

Strophes d'amant. Prélude par G. Albert Aurier. Paris, A. Lemerre, 1891. In-12, XXI-74 p.

Dialogue platonicien sur l'antisémitisme Morès et Drumont jugés par Socrate. Morès à l'Hippodrome. Paris, imprimerie des ″Essais d'art libre″, (1892), in-8, 14 p

Les Sept sages et la jeunesse contemporaine. Paris, A.-L. Charles, 1892, in-16, 48 p

La Physionomie, visages et caractères. 85 portraits contemporains d'après les principes d'Eugène Ledos. Paris, (s. d.) in-8, 312 p., Portraits photographiques in et hors texte.
Sadi Carnot, Alexandre Dumas fils, Félix Faure, Jules Simon, Emile Bergerat, Francisque Sarcey, le Général Boulanger, S. M. Nicolas II, Joséphin Péladan, Alphonse Daudet, Jules Massenet, Georges Clémenceau, Jean Jaurès, Alphonse Humbert, Camille Flammarion, Camille Lemonnier, Th. Edison, Maurice Maeterlinck, Henri Rochefort, Jean Richepin, Julien Leclercq, Puvis de Chavannes, Auguste Rodin, Fr. Coppée, Jules Lemaitre, Victorien Sardou, Henrik Ibsen, Edouard Drumont, Alfred Naquet, Bismark, Déroulède, Jules Guesde, Emile Zola, Brunetière, Pierre Loti, Coquelin ainé, Aurélien Scholl, le reine Victoria, la reine de Roumanie, Mme de Bonnemain, Séverine, Sarah Bernhardt, Augusta Holmès, Gyp, Maud-Gonne, Réjane, Rose Caron, Marthe Brandès, Jane Hading, Emma Calvé, Cléo de Mérode, etc.

La Physionomie, visages et caractères, quatre-vingt-cinq portraits contemporains d'après les principes d'Eugène Ledos. Larousse, (1896), in-8, 310 p., figures.


Le Caractère et la main, histoire et documents. 30 mains de personnages contemporains. Paris : F. Juven, (s. d.), in-16, 266 p., figure et couverture illustrée.


En septembre 1890 c'est Julien Leclercq qui annonce la mort de van Gogh dans le Mercure de France :

Vincent Van Gogh


Vincent Willem van Gogh est mort le 29 juillet dernier, à Auvers-sur-Oise, où il travaillait depuis quelques semaines après un séjour de deux années en Provence. Il était âgé de trente-sept ans.
On n’a pas oublié l’article (Mercure de France, n° I) de notre ami et collaborateur G.-Albert Aurier sur l’art de ce hollandais à la couleur éclatante. Bientôt s’ouvrira une exposition des principales oeuvres du peintre ; il aura peut-être l’heure de célébrité qui lui est due, posthume, hélas ! avant d’être classé à son rang parmi les rares artistes hardis et personnels de cette fin de siècle. Nous devons ajouter que cette exposition aura lieu de par l’intiative de M. Th. Van Gogh, l’habile expert de la maison Boussod et Valadon, le subtil connaisseur, qui avait rendu pleine justice au talent de son frère en lui procurant les moyens de se vouer entièrement à son art. Que cette indiscrétion nous soit pardonnée. La Famille, réduction et synthèse du public, méconnaît si souvent, à moins d’apothéose ( ?) – le Prix de Rome ou l’estime de M. Albert Wolff – les artistes qui l’honorent !
On peut voir des tableaux de Vincent van Gogh chez M. Tanguy, 14 rue Clauzel.
Julien Leclercq



En mai 1891 il rend compte du Salon des Indépendants dans ce même Mercure :


Aux Indépendants

Il serait d’un mauvais conseil d’engager le public, hélas ! peu nombreux en cette exposition, de s’attarder dans les premières salles où c’est, comme chaque année, un lamentable spectacle que nous donnent des peinturlureurs qu’un peu d’habilité eût rendus dignes du Palais de l’Industrie, et qui s’en consolent par leur conviction naïve d’être des indépendants. Dans la salle avant-dernière, MM. Rauft, Perrot et Perier montrent des velléités de tendances originales.
M. Perier seul a quelque mérite ; il y a des intentions dans sa Convalescente. M. Perrot n’entend rien au pointillisme. M. Rauft aime Degas et Chéret, ce qui est bien, mais il n’a ni la fantaisie du dernier, ni les qualités de dessin du premier, qui est un maître : c’est plus que médiocre.
Dans la dernière salle, la seule intéressante, si tout n’est pas admirable, une partie tout au moins des toiles accrochées méritent la discussion.
La société des Artistes indépendants est cette année en deuil de trois de ses membres : Vincent van Gogh, qui fut et reste un grand peintre de ce siècle ; Seurat, tempérament de chercheur et d’initiateur, un militant d’avant-garde ; Dubois-Pillet, qui fonda la société et fut un bon administrateur. Mais faisons un tour de salle :
Dubois-Pillet. – Soixante toiles. C’est l’oeuvre d’un amateur d’art qui eût pu emplyer plus mal les loisirs que ses occupations lui laissaient. Quelques jolies natures mortes de sa dernière manière ; nous préférons l’autre.
Georges Seurat. – L’an dernier le Chahut, cette année le Cirque. Recherches curieuses peut-être, mais cette géométrie est-elle de l’art ? Des tous rares et fins dans ses marines. Peint ses cadres : puérilité.
Paul Signac. – Beaucoup d’habileté et d’assimilation. Harmonie conventionnelle, aucune sensibilité. La Mer, c’est le Fleuve, et réciproquement. Le portrait de M. Félix Fénéon est bien amusant.
Charles Angrand. – Nous en parlâmes louangeusement l’an passé. Il est à craindre que trop d’adresse n’émousse la sensibilité de ce peintre qui, après Camille Pissarro, est le plus bel artiste de son groupe.
Van Rysselberghe. – Ecole des Beaux-Arts, classe de M. Lefebvre, - voyez le dessin. La couleur est jolie et d’un virtuose qui se croit sans doute un révolutionnaire.
Henri Cross. – J’aime mieux Carolus Duran.
Leo Gausson. – Rendez-nous, cher Monsieur ! le Gausson d’autrefois. Bien que peu, il valait mieux. Horreur !
De Toulouse-Lautrec. – Belle exposition. Nous sommes restés longtemps devant le tableau : A la Mie. Grandes qualités de style. Pas très personnel, mais enfin !...
Armand Guillaumin. – Un peintre puissant qu’on peut ne pas aimer. Il est brutal. Discutable, mais incontesté : c’est Zola peintre. Du rouge et du bleu (ses jaunes sont rouges, ses verts sont bleus) et avec ses deux couleurs il nous donne sa vision fortement matérialiste d’une nature exubérante.
Anquetin. - Dans une manière joliment décorative, son Torse de jeune fille vous sollicite au passage. Le dessin est pur. Des roses du visage aux crèmes chaudes du torse compte parmi les trois ou quatre qui de cette salle sont les meilleures. Nous aimons aussi le profil de femme (N° 17). Les paysages et le décor sont inférieurs. Par la composition et les particularités du dessin. Le Pont des Saint-Pères tient de la fresque, mais il semble que la couleur n’en soit pas assez murale.
Emile Bernard. – Un tout jeune peintre de beaucoup de talent qu’il ne faudrait pas juger sur les toiles qu’il expose. Une seule, Peupliers au déclin, vaut d’être citée. Ajoutons-y la nature morte où l’on sent les qualités du peintre. Le reste n’a rien de définitif. On n’expose pas le produit de recherches incomplètes.
Maurice Denis. – Ce mystique nous arrête. Il expose pour la première fois. Il est à souhaiter que ses dessins de Sagesse, de Paul Verlaine, trouvent un éditeur pour une édition luxueuse de ce beau livre. Dans la femme nue de son Décor, il n’y a pas harmonie entre la couleur qui vibre trop et la ligne qui est silencieuse et doit l’être. Belles promesses.
Pierre Bonnard. – A mentionner son petit tableau : L’Exercice.
Anna Boch. – Admire van Gogh et ça se voit.
Daniel-Monfreid. – Admire Gauguin et ça se voit.
Willumsen. – Parmi ceux qu’a influencés Paul Gauguin, c’est un des rares dont la personalité soit parente. On rie devant ses toiles, c’est affaire aux niais. M. Willumsen a du tempérament. Deux bretonnes sur la rue et la fin du bavardage sont dans un caractère de puissante originalité. Ses eaux-fortes sont fort belles. Sa sculpture sur bois est mieux qu’intéressante. Il y a chez ce peintre un don d’ironie qui n’est pas à fleur d’âme.
Vincent van Gogh.La Résurrection est le chef-d’oeuvre de l’exposition des Indépendants, et, de plus, un chef-d’oeuvre. On a tout dit sur cet admirable artiste.
Lucien Pissarro. – Nous n’aimons pas sa peinture. Ses gravures sur bois sont remarquables.
Albert Trachsel. – L’architecte symboliste. Le lever de lune (fragment de décoration d’un temple à la lune) ne renseigne pas suffisamment. Mais son épure du Palais des extases, dans sa simplicité de lignes, nous montre à quelle volupté architecturale on peut atteindre par des courbes. L’architecture n’avait pas encore exprimé cela.
Julien Leclercq.



2 commentaires:

Mikaël Lugan a dit…

J'aimerais bien qu'on nous donne, un jour, quelques renseignements complémentaires sur cette "Butte", que Saint-Pol-Roux fréquenta aussi en ses premières années parisiennes.

zeb a dit…

Je suis attentif à toutes mentions de cette Butte dans les volumes de souvenirs, les études ou les revues, mais malheureusement, je n'ai jamais rien trouvé.