dimanche 26 août 2007

Albert Fleury. Un poète Naturiste

Albert FLEURY

Être ému, voilà tout le secret du génie.

En automne 1911 mourrait un poète déjà oublié en ce début de siècle, seul quelques amis se souvenaient d’Albert Fleury. Saint-Georges de Bouhélier dans Vers et Prose et Maurice Beaubourg dans le Mercure de France lui ont notamment rendus hommage.


Saint-Georges de Bouhélier nous dit que Fleury « vivait en outlaw » (1), que même au temps du Naturisme « son caractère l’éloignait du tapage », il préférait fréquenter « les mondes interlopes » (2) à la recherche du singulier, que les cafés littéraires ou les salles de rédaction. Ce trait de caractère explique sans doute le peu de cas fait dans l’histoire littéraire au poète de « Confidences ». Après des études de chant au conservatoire, Fleury commence dans les lettres avec la revue La Renaissance Idéaliste, il y côtoie Georges Pioch et Edmond Pilon, à l’époque il est influencé par Péladan, lui et Pioch rejoindrons en février 1896, le mouvement Naturiste de Bouhélier et Maurice Le Blond, ajoutant le titre de leur petite revue (paradoxalement fichtrement Symboliste) à celui de Documents sur le Naturisme. « Nous étions donc très jeunes et extrêmement sincères et bien qu’habitant, la plupart, dans des taudis, nous nous regardions, chacun, comme des prédestinés de qui dépendait tout l’avenir du monde » (3). Les Naturistes et leur mentor, Bouhélier appelé « le petit Bon Dieu », ont un fort goût pour l’héroïsme, comme le prouve ce Manifeste publié en 1897 dans le Figaro : « L’age prochain sera héroïque… Nous glorifions les héros », de même Bouhélier rappellera dans son article que « le poète à pour premier but de découvrir le sublime de la vie et de restituer dans leur dignité les choses les plus ordinaires. » (4) Les débuts de Fleury sont marqués par l’influence de Verlaine, dont il défendra la mémoire contre Zola, pourtant devenu le grand homme des Naturistes à la suite de l’affaire Dreyfus. En plus de Bouhélier et Le Blond le groupe Naturiste est constitué de Christian Beck, Michel Abadie, auquel se joindront Jean Viollis, Eugène Montfort, Georges Rency ou Maurice Magre, l’aventure a commencé en 1893 avec la fondation de la revue L’Assomption par Bouhélier, Le Blond et Emmanuel Signoret, revue qui deviendra en 1894 Le Rêve et l’Idée puis prendra en 1895 le titre de Documents sur le naturisme, et en mars 1897 La Revue naturiste. Fleury donnera dans ces différentes revues des poèmes et tiendra la chronique des théâtres ou la Revue des revues, il dirigea même un temps, la Revue Naturiste. Bien que vivant un peu à l’écart Fleury était comme ses camarades « fous de rêve, de méditation et de vie transcendantale » (5), Bouhélier se rappelle « généralement nous nous retrouvions au même endroit tous les soirs. C’était au Chat-Noir, désormais bien oublié. Là, je revois Fleury, cher vieux compagnon ! Il ne siégeait pas souvent auprès de nous. Il habitait alors à Bois-colombes, une petite maison dans les champs, sur laquelle plane pour moi de doux souvenirs. Mais, volontiers, il lâchait ses verdures, d’ailleurs décharnés et avares comme dans ces coins indigents de banlieue, et, deux ou trois fois par semaine, nous l’avions à notre petite table où, la pipe au bec, et l’air grave, il restait des heures à causer lyrisme, réforme du théâtre, rédemption universelle. » (6) Moderniste, comme ses camarades, Fleury sera un adepte du vers libre, sa poésie se fera rapide, joyeuse, sautillante comme une vieille chanson populaire. C’est après la publication de « Confidences » où se lisent de beaux poèmes d’amour dédié à une jeune femme blonde, en 1900 que paraît son « Pierrot », un Pierrot noir, triste et douloureux, c’est une crise personnelle qui se dévoile ici, un drame intime, dont ces biographes ne parlent qu’à demi mot (un mariage raté ?), qui le transformera en poète de l’amour désespéré. Selon Bouhélier, Fleury ayant dilapidé un héritage de cent mille francs, vivait de rentes insuffisantes à sa prodigalité, et cherchait dans les Cafés-Concerts un moyen de gagner rapidement de l’argent, d’une voix de phtisique il y chantera ses poèmes étranges… Beaubourg affirme lui que Fleury n’avait jamais été malade avant une congestion pulmonaire survenue en Bretagne où il s’était rendu en 1905. En 1908 il fait paraître « Les Soldats » dans l’Aurore, un « beau roman » pour Beaubourg, une suite de souvenirs sur l’armée pour Bouhélier. C’est à cette époque que malade, il part pour Pau, pour y vivre avec sa sœur. Il revient à la poésie en 1910 avec « Des Automnes et des Soirs », poèmes de l’amour mort, où « Les mots de solitaire, de vagabond, de pèlerin, de chemineux, d’éternel voyageur, reviennent sans cesse sous sa plume » (7). Apprenant qu’il va mourir, il publie les « Tablettes », une revue où paraissent de lui, de beaux et profonds poèmes, comme ce Carrefour de la douleur.

[…]
Alors mon désespoir sentit tout près de lui
Un souffle doux comme une grâce,
Frais comme une caresse errante dans la nuit
Et je vis dans l’ombre une face :

Cette face pleurait mes larmes et mes pleurs.
Son regard ivre de tendresse,
Me contemplait avec un immense bonheur ;
Et tout fondait de ma détresse.
[…]

On l’aura compris le poète se tourne alors vers dieu. Il mourra à l’age de trente-six ans le 21 octobre 1911, il était né le 26 septembre 1875.

Notes : (1) (2) (3) (4) (5) (6) Saint-Georges de Bouhélier : Sur Albert Fleury. dans Vers et Prose Tome XXVII, Octobre-Novembre-Décembre 1911.
(7) Maurice Beaubourg : Albert Fleury dans Mercure de France N° 346, 16 novembre 1911.


BIBLIOGRAPHIE :

Poèmes étranges. Bibliothèque du Collège esthétique, 1894, in-18, 96 p.
Exégèse de l'oeuvre future. Issoudun : impr. de E. Motte, 1894, in-18, 45 p.
Les Évocations. Bibliothèque de la Renaissance idéaliste, 1895, in-18, 106 p.
Paroles vers elle. Paris : Librairie de l'art indépendant, 1895, in-18, 123 p.
Sur la route... Paris : Librairie de l'art indépendant, 1896, in-12, 169 p.
Impressions grises. Paris : Librairie de l'art indépendant, 1897, 21 cm, 79 pp.
Pierrot. Paris : édition du Mercure de France, (s. d.), in-12, 319 p.
Choix 1894-1898. Lille : impr. de L. Danel, 1898, in-8, 99 p. Grand Luxe, Hors Commerce.
Confidences. Paris : Editions du Mercure de France, 1899, in-12, broché, 90 pp.
Poèmes (1895-1899). Paroles vers elle. Sur la route. Impressions grises.
Les Idées dramatiques en 1906.
Paris : E. Sansot, 1907, In-12, 70 p.
Des automnes et des soirs. Pau, L. Ribaut, 1910, in-16, 151 p.
Les Tablettes, revue littéraire absolument indépendante... [N° 1-5, janvier-juillet 1911.] Paris, in-16.
La Renaissance idéaliste. Revue mensuelle / dir. Albert Fleury. N° 1 (1895, janvier)-2e année, n° 13 bis (1896, janvier) Paris : Librairie de l'Art indépendant, 1895-1896. 23 cm. Les n° 1-3 ont paru sans nom d'éditeur. Mensuel (1895). Bimensuel (1896).
Cette revue sera absorbée par Documents sur le Naturisme.


Chronologie des revues Naturistes :

1893-1894 :

L'Assomption : mars et avril 1893 / directeur, Saint-Georges de Bouhélier. Paris : Vanier, 1893, in-8.

L'Annonciation. Livret de rêve et d'amour. Rédigé par Saint-Georges de Bouhélier. Léon Vanier.
Fascicule premier. 1893
Fascicule deux. 1893
Fascicule trois. 1894
Fascicule Quatre, Août 1894, in-12, broché, 110 pp.
Fascicule Cinq, Octobre 1894, in-12, broché, 58 pp., vignettes de G. Bottini. Thyrsis et Angélique ou La Vierge à la fontaine. Offrande. Argument. Premier livre. Inscription funéraire. Mémorial.
"Paraissant à des époques irrégulières" et rédigé uniquement par Saint-Georges de Bouhélier, commencé en 1893 cette revue semble se terminer avec le fascicule 5, si l'on en croit le catalogue de la B.N.F.


1894 – 1895 : Le Rêve et l'idée : documents sur le temps présent. [N° 1] (1894, mai)-n° 2 (1894, octobre). 2e année, [n° 1] (1895, janvier)-[n° 3] (1895, mars)

1895 – 1896 : Documents sur le naturisme. dir. Maurice Le Blond. 3e s., n° 1 (1895, novembre)-n° 11 (1896, septembre). Paris : L. Vanier, 1895-1896. 248 p., 22 cm
Les numéro 1, 2 et 3 de novembre, décembre 1895 et janvier 1896 portent en plus du titre Le Rêve et l’Idée et le numéro 4 de février 1896, après le ralliement de Fleury et Pioch au Naturisme : La Renaissance idéaliste, Le Rêve et l'idée.

1897 - 1901 : La Revue naturiste
La Revue naturiste : mensuelle, d'art et de littérature [juil.-oct. 1900]
La Revue naturiste : organe du Collège d'esthétique moderne [févr.-nov. 1901]
N° 1 (1897, mars) - n° 12 (1898, 25 février), n.s., n° 1 (1899, décembre) - n° 12 (1900, 15 novembre), 3e année, n.s., n° 13 (1900, 15 décembre) - n° 20 (1901, 15 juillet). n° 25-n° 32, 3e année, n° 33/34 (1901, août/septembre) - n° 35 (1901, 1er novembre). Paris : [s.n.], 1897-1901. 6 vol. (300 p., 280 p., 419 p., 232 p., 256 p., 128 p.), 23 cm
La Revue Naturiste absorbera en octobre 1900 La Vie Nouvelle, revue Bruxelloise, après 3 numéros parus en mars, avril et mai 1900, le rédacteur en chef en était Christian Beck.

Numéro exceptionnel de La Plume consacré Au Naturisme et à M. Saint-Georges de Bouhélier
N° 205, 1er novembre 1897, in-8, 48 pp.
Pages préliminaires par Camille Lemonnier, La Révolution comme origine et fin du Naturisme par Saint-Georges de Bouhélier, Documents sur la poésie contemporaine par Maurice Le Blond, L'Amour et le Naturisme par Eugène Montfort, De l'émotion naturiste par Albert Fleury, Fragments pour une esquisse de la physionomie morale de Saint-Georges de Bouhélier par Jean Viollis, Du Théâtre par Louis Lumet, Notes sur le Naturisme par Joachim Gasquet, Le Paysage du néo-paganisme par Edgar Baës, La Simplicité dans la peinture par Charles Lacoste, L'Harmonie et les sons par Andries de Rosa, L'opinion de M. Zola, etc. Portraits in texte.

D’après Bouhélier, Fleury aurait écrit dans les revues Antée et Le Centaure, nous n’avons pas retrouvé sa signature dans ces revues.



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