Cette fois, c'est officiel, puisque rapporté par le Figaro Littéraire, Courrier International et Pierre Assouline : La Légende de Novgorode, le poème attribué à Blaise Cendrars, est un faux. Ce n'est pas sur l'histoire du faux, commentée un peu partout, mais sur les commentaires eux-mêmes que j'aimerais revenir.
On a put lire ces derniers mois les éternels reproches : "Cendrars, qui n’était pas à un mensonge près", "Mythomane", "menteur"... Cendrars était écrivain, un écrivain pour qui l'écriture est la réalité. On peut lire dans Hollywood ou la Mecque du cinéma : "en n'y mettant pas du sien, un journaliste n'arrivera jamais à rendre cette vie actuelle, qui elle aussi est une vue de l'esprit", "ainsi plus un "papier" est vrai, plus il doit paraître imaginaire. A force de coller aux choses, il doit déteindre sur elles et non pas les décalquer. Et c'est encore pourquoi l'écriture n'est ni un mensonge, ni un songe, mais la réalité, et c'est peut-être tout ce que nous pourront jamais connaître de réel", Cendrars parle du journalisme, puis glisse à l'écriture... ni mensonge, ni songe...
Certains se comportent aujourd'hui comme si Cendrars était responsable de ce faux, il n'a lui que créé la légende, inventé une histoire, un titre, il n'a fait que son métier d'écrivain.
Le moindre demi-solde du journalisme, le plus obtus des commentateurs payé à la ligne, les abonnés des Inrocks et ceux de Télérama, les fabricants de théories universitaires, mon concierge et pourquoi pas les critiques littéraires télévisuels, se penchent, s'épanchent sur le cas Cendrars, le voilà devenu écrivain grand public, des acteurs enregistrent ses textes, des chanteurs recyclent ses poèmes en chansonnettes. C'est à se demander si l'écrivain "en avance", jamais "arrivé", n'est pas aujourd'hui pris au piège par ses exégètes, jeté en pâture aux médias comme "le casseur d'assiettes" qu'il refusait d'être, lui le "Brahmane à rebours", "l'errant des bibliothèques", redevient le voyageur hâbleur, le conteur aventurier.
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