vendredi 10 août 2007

Conseil d'Hippolyte Babou aux critiques pour la rentrée littéraire 2007

Entre août et octobre on nous annonce 727 romans, 493 français et 234 étrangers !!

Devant l'afflux de publications nouvelles, produits de l'industrie littéraire, j'offre à nos critiques les conseils qu'Hippolyte Babou donnait à ses confrères en 1875 :

"Tout jeune critique ressemble plus ou moins à l’homme aux rubans verts, à l’incorruptible, à l’intraitable Alceste. S’il a de l’imagination plus que de jugement, s’il a été quelques fois harcelé par le démon des poètes, comme il place très haut son idéal, il prendra pour devise, en le variant, le fameux alexandrin du Parnasse classique :
Rien n’est beau que le beau : le beau seul est aimable.
Plus tard, il accueillera le joli, tolérera le vrai, admettra peut-être le médiocre, et n’osera même plus condamner le mauvais. Il prendra dès lors pour devise le mot de ralliement des économistes du dernier siècle :
« Laissez faire, laissez passer. »
Notre époque démocratique a créé tout un monde nouveau de consommateurs littéraires. Il est donc bien naturel qu’il se soit formé du même coup tout un monde nouveau de producteurs de livres. A tant de lecteurs dévorants qui font passer la quantité avant la qualité, il a fallu des auteurs aux manches retroussées, qui travaillent vite et sans cesse, avec l’inconsciente et brutale activité des métiers à la vapeur.
Point de colère donc contre un fait nécessaire qui a pris l’importance d’une loi. Qu’en littérature comme en industrie, l’offre réponde librement à la demande. Jusqu’à ce que le goût du nouveau public s’élève, la critique, si elle garde encore quelques préjugés de délicatesse, n’a qu’à se tenir à l’écart des transactions et à ne pas fréquenter le marché. Que lui importe que tel producteur envoie chaque matin un volume aux halles centrales de la librairie ? Si ce fabricant ne produisait pas chaque jour, son nom et sa marque seraient oubliés dans vingt-quatre heures. Soyons donc très-libéraux, en fait d’industrie littéraire : laissons faire, laissons passer."


"Auguste de Chatillon" in Hippolyte Babou : Les sensations d'un juré. Vingt figures contemporaines. Alphonse Lemerre, 1875.

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