vendredi 20 février 2009

Paul MASSON : Une conférence sur la fumisterie


Sous la signature de Bernard l'Ermite paraissait dans L'Ermitage de 1894 (5e année, 4e livraison) un article sur une conférence à propos de la fumisterie par le plus célèbre des fumistes, Paul Masson, qui signait aussi : Lemice-Terrieux ou le Yoghi.

Une conférence de M. Paul Masson

C'est la semaine dernière qu'a eu lieu à la Bodinière la conférence de M. Paul Masson sur la fumisterie à travers les âges. Le public y est venu non seulement nombreux et brillant mais encore anxieux. Un pareil titre et la réputation bien assise du conférencier légitimait toutes les appréhensions. Chacun n'entrait dans l'élégant théâtricule qu'avec une méfiance sournoise ; on dévisageait les préposés au contrôle ; beaucoup refusèrent opiniâtrement de livrer leur vestiaires aux ouvreuses, hantés sans doute par le souvenir des grands mélimélo de chambrée. Dans la salle on voyait les arrivants avant de s'asseoir scruter gravement les fauteuils et chercher à découvrir quelque ressort imprévu, quelque lassitude insoupçonnée. L'éclairage fut l'objet de préoccupations attentives. L'heure de la conférence approchant, la même angoisse étreignit tous les coeurs : s'il nous posait un lapin ! Ç'aurait été en effet le triomphe de la mauvaise plaisanterie, si M. Paul Masson avait été un mauvais plaisant.
Mais non, la conférence eut bien lieu à l'heure dite et ce ne fut pas une plaisanterie, et personne ne rit, sauf peut-être M. Masson dans sa barbe, en se doutant qu'un public si nombreux, si brillant et si anxieux, alors qu'il n'avait devant lui ni écritoire armorié, ni poésie chéiroptères, devait être la dupe d'une autosuggestion contagieuse. Il faut dire que M. P. Masson qui était dans ces derniers temps attaché à la Bibliothèque nationale après avoir été juge à Chandernagor et à Tunis, est devenu représentant pour la France d'une maison anglaise de fabrication de poëles et de cheminées. Les frivoles furent donc leurs propres victimes, car ils durent écouter une étude très sérieuse, très polie, très technique, très école centrale sur la fumisterie industrielle et tous les modes historiques de chauffage depuis le brasier de Julien l'Apostat jusqu'au four crématoire de Milan. La conclusion fut naturellement en faveur de la marque représentée par M. Masson, supérieure à tous les autres poëles roulants et mobiles à nom polonais ou mythologique. Il n'y eut donc ni incident cocasse, ni coup de théâtre perpétré par des compères, mais seulement une stupéfaction envahissante sur le visage des auditeurs, puis un exode d'abord timide, un à un, peu à peu accru, enfin immense, cataractaire, cependant que l'orateur impassible continuait à comparer le tuyau hippologique des bookmakers au poële bien plus philosophique de Descartes...


Bernard L'Ermite.



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