vendredi 20 mai 2011

Pierre de Régnier, Joseph Kessel, René Clair dans La Presqu'île, 1916


Quels rapports entre l'écrivain aventurier Joseph Kessel, le poète des champs de course Pierre de Régnier, le réalisateur René Clair et la "petite poyétesse" Mireille Havet ? Tous les quatre naquirent en 1898, tous les quatre furent relativement précoces et tous les quatre collaborèrent à la petite revue littéraire la Presqu'île. Ils avaient alors 18 ans. Francis Ponge, qui signe Paul-Francis Nogères, a lui 17 ans, le sonnet qu'il donne à la Presqu'île est son premier poème publié.


La Presqu'île

Rédaction et administration : J. Sylveire, 52, rue Madame, Paris.
Le Numéro 0,75. Abonnement : Un an 9 fr. 6 mois, 4,50 3 mois 2,25
Puis :
La Rédaction et l'Administration : M. Mansi, 32, rue Vaugirard, Paris. M. Claude André dirige la rédaction.
Abonnement : 8 fr. pour un an, 4 fr 50 pour six mois. Le numéro 0 fr. 75.

[Tirage sur papier Ingres d'Arches]

[Publié de 1916 à 1918, portera comme sous titre « Cahier d'art et de pensée du Front »].

A nos lecteurs

« Que chacun fasse son devoir moléculaire. »
Ch. Péguy.

Ils en est qui partent au front ; ce sont des héros et des braves, qui défendent leur foyer, qui servent leur patrie et qui luttent pour l'Idéal commun. Tous nos voeux sont vers eux, qui vivent d'une vie rude et qui souffrent et qui luttent. Ils sont forts, ils sont grands ; et dans leur vie monotone, ils connaissent l'admirable fraternité que donnent au soldat les dangers quotidiens.
Mais il en est qui restent ; de ceux-ci, on ne parle pas. A leur foyer que d'autres défendent, ils versent des larmes inconnues. Trop âgés ou trop jeunes pour servir leur patrie les hommes vivent dans une opprimante inaction et les femmes languissent en silence d'une vie petite et douloureuse. Ils connaissent l'attente, les larmes sèches, l'angoisse des terribles nouvelles que donne aux parents et aux amis l'absence de leurs Bien-aimés. Dans la lourde et brisante quotidienneté des jours qui passent, soudain jaillit la vérité impossible d'un deuil... Et on dit : « Pourvu qu'ils tiennent ». - Ils tiendront ! - Et à ceux-là qui tiennet et qui restent depuis de si longs jours, nous venons apporter humblement l'hommage de notre admiration et l'offre d'un paisible refuge.
C'est le but de la Presqu'Ile : sans nous séparer du monde par une mer infranchissable, et tout en gardant toujours devant nos yeux le spectacle grandiose de nos frères qui luttent, nous voulons nous accorder quelques heures de pensée tranquille ; nous voulons nous accorder quelques heures de pensée tranquille ; nous voulons dans l'orage garder une retraite sûre où nous puissions songer et réfléchir. Et lorsque la Tempête sera apaisée, lorsque la Victoire aux ailes d'or reviendra avec les soldats criant : « Vive la France ! », que la France ne nous trouve pas brisés et chancelants, que la Victoire ne nous grise pas dès les premières gouttes de son vin enchanté. - Non ! Que ceux-là qui sont restés silencieux et obscurs, se lèvent dignes des héros, prêts à défendre leur foyer, à servir leur patrie et à lutter, eux aussi, pour l'Idéal commun !
C'est vers la Grande Tâche d'Après, que notre pensée recueillies et tranquille s'élancera de ses ailes fougueuses mais inhabiles. - Nous demandons aux lecteurs leur indulgence et nous espérons que notre effort ne restera pas infructueux.

La Rédaction.

Sommaires :

N° 1, Janvier 1916.
R. D. : Tu changeras. S. L. : La Vision de Prosper Jasnin. T. Monsi : L'Hérétique – L'Oiseau blessé [Poèmes]. J. Sylveire [1] : Chemin faisant. J. R. B. : [1 poème sans titre, daté de Juin 1915, Oh ! Rêver dans un coin d'ombre / avec toi...]. Olivier : Les Histoires d'Olivier. Charles Trebor : Espoir. [Non signé] : A la Classe 17.

N° 2, février 1916.
Pierre de Régnier [2]: Sonnet. J. Sylveire : Chemin Faisant. Jean Lynel : Luthide et Olympios. Henri Dutheil : De la Terrasse de Walbaum [poème]. Pierre de Lanux [3] : Images de Liszt.

Deuxième série, N° 1, Juillet 1916.
La Rédaction : Explications inutiles. Philippe Reynier : La Révolte [poème]. Jean Sylveire : Deux poèmes. Hélène Perdriat [4] : Pointe Sèche. J. Kessel : La Pensée dans la composition de Vigny (1). Raoul Desjardin : Djilali spahi de 1re classe. Charles Cousin : Chant funèbre [poème]. Marie-Antoinette de Bonnefon : Les Anges sur les toits. Pierre de Lanux : Quelques livres [Henri Géhon : Foi en la France].


Deuxième série, N° 2, Août 1916.
Maurice Rostand : Sonnet. Philippe Reynier : Sommeille, petite chose. Fernande Jeanin : La Mort de l'Arbre [poème]. Gille le Rire : Ballade du Chevalier de Ravelston [poème]. Suzanne Sourioux-Picard : Une postulante à son anneau. Jean Sylveire : Prose. Charles Guy Rosey : Sensations de province [poème]. René Dinart : La fête aux images. Jean Frois Wittmann : Un jour à Londres [poème]. Charles Cousin : Valse en rouge majeur [poème]. Charles Cousin : Frontispice au Devenir. Louis-Lucien Hubert : D'après Virgile [poème]. T. Monsi : Sisyphe [poème]. Pierre de Régnier : Le Cheval Cosaque [poème]. J. S. : Quelques livres [Charles Cousin : Les Taches de l'Orchidée].

(1) Cette page de critique est extraite du Mémoire pour le diplôme d'étude supérieure présenté en Sorbonne par M. J. Kessel, âgé de 18 ans, licencié es-lettres candidat à l'agrégation [p. 8]. [Joseph Kessel (1898-1979) fut licencié es-lettres en 1915, à dix-sept ans il est engagé au service de politique étrangère du Journal des Débats.]

Deuxième série, N° 3, Septembre 1916.
Charles Cousin : Paroles de la Montagne. Charles Guy Rosey : Kosmos [poème]. Gilles le Rire : Dans ses yeux, A Mlle Lucette D... [poème]. Gaston Depresle : Le Maudit [poème]. Tigre : La Page de dessin (1). Jean Sylveire : Désir [poème]. Alfred Canicas : Apaisement [poème]. Maurice Rostand : Chérubin [poème]. C. C. : Quelques livres [Colette : La Paix chez les bêtes]

(1) "M. Pierre de Régnier [1898-1943] fut parmi les premiers collaborateurs de la Presqu'île, où les lecteurs cherchent le rythme de ses élégants sonnets. Le petit-fils du magnifique Heredia, le fils tout jeune de Madame Gérard d'Houville et d'Henri de Régnier a trois sources pures et vives de poésie, mêlées au sang de ses veines.
Il a par surcroît son art personnel, sans glorieux encombrement d'atavisme : le délicat dessin, qui porte ici la douce signature de Tigre, est l'oeuvre de M. Pierre de Régnier. Il importe de le dire ; car c'est un secret" [p. 6].


Deuxième série, N° 4, octobre 1916
Jean Dégrais : La Biche [poème]. Max Bichon-Dacnet : Coins de France. Pierre de Régnier : Soir [poème]. René Chomette [5] : La Ronde des Saisons [poème]. Charles Cousin : Chant exitial [poème]. F. Amunategui : La Porte Close. Raoul Monmarson : J'ai regardé [poème]. Mireille Havet [6] : C'est ce désir du monde [poème]. Paul-Francis Nogères [7] : Sonnet. G. Houlnick : Conte Russe. C. C. : Quelques livres [Paul Lintier : Ma Pièce].

Deuxième série, N° 5, novembre 1916
René Chomette : Il pleut [poème]. Philippe Reynier : La Mort. Jean Sylveire : Sourire [poème]. Mad. Von Der Heyden : Idéale Union. Raphael Fumet : Liminaire sur la Composition Musicale. Charles Cousin : Coins de france. Joseph Emiliani : La Vallée [poème]. Willy Goudeket : Nocturne [poème]. René Schwob : Jeunesse [poème]. Max-François Poncet : Quelques livres [Francis Jammes : Le Rosaire au soleil].

Deuxième série, N° 6, décembre 1916
René Chomette : Adieu à Verhaeren. René Schwob : Aéroplane [poème]. Jean Sylveire : Coins de France. Jacques Madian : L'Abonné de l'Opéra se souvient [poème]. Jean-François Wittmann : Danse Ecossaise [poème]. Ch.-Joseph Reverdy : Les Fées [poème]. F. Amunategui : Dix-huit ans. Philippe Reynier : Paroles banales [poème]. Jean Le Roy : Tableaux mouvants des nuits de garde. Mad. Von der Heyden : Intimité. Paul Rehan : Soleil couchant [poème]. Jean Griner : Sonnet. René Chomette : Plus Haut [poème]. Max François-Poncet : Quelques livres [La Nouvelle Revue Française].


[1] Jean Sylveire, est-ce le même qui contera son voyage en URSS en 1932 dans la revue Esprit ?
[2] Pierre de Régnier (1898-1943). Ecrivain, poète et dessinateur. Petit-fils de Jose-Maria de Heredia, fils de Marie de Heredia, femme de lettre sous le nom de Gérard d'Houville, et de Henri de Régnier (en fait son père génétique est son parrain, Pierre Louÿs). Pierre de Régnier, dit Tigre, est l'auteur de recueils de poèmes comme Erreurs de jeunesse (Fayard, 1924), Stances, instances et inconstances (La Cité des Livres, 1926), d'une monographie sur Deauville (Emile-Paul frères, 1927), en 1928 dans la collection "L'homme à la page" de la Nouvelle Société d'édition, il donne une "étude de moeurs" sur ...La Femme, puis c'est un premier roman, Colombine ou la Grande semaine (Emile-Paul, 1929) suivi en 1930 chez Grasset d'Une Vie de Patachon, un roman autobiographique se déroulant dans le monde des jeunes noceurs, de boîtes de nuit en champs de course. Il illustrera un livre pour enfant écrit par sa mère, Les Rêves de Rikiki (Plon, 1930). Gringoire, Candide et La Vie Parisienne l'eurent pour collaborateur. Pierre de Régnier est l'une des figures des nuits parisiennes des années vingt.
[3] Pierre de Lanux (1887-1955) en 1916 Pierre de Lanux est déjà un critique reconnu, collaborateur de la N.R.F. Voir dans Livrenblog son article sur L'Art et le Geste par Jean d'Udine paru en janvier 1910.
[4] Hélène Perdriat (1894-1969). Peintre et poète, elle fut découverte par Henri-Pierre Roché.
[5] René Chomette (1898-1981), est le véritable nom de René Clair, futur réalisateur de Paris qui dort (1923), d'Entracte (1924), du Fantôme du Moulin-Rouge (1924) ou encore de A nous la liberté (1931).
[6] Mireille Havet (1898-1932).
[7] Paul-Francis Noguères pseudonyme de Francis Ponge (1899-1988). Ce Sonnet (Pâle, et sentant en moi vibrer des accords sombres) est son premier poème publié. Francis Ponge est alors au lycée Louis-le-Grand, en hypokhâgne. René Chomette (René Clair), Raymond Payelle (Philippe Hériat), Maxime-François Poncet, autres collaborateurs de la revue, passèrent eux aussi par Louis-le-Grand.



Mis à jour le 28 mai 2011.

C'est lors d'une promenade parisienne me menant à la librairie Epigrammes située à l'angle de la rue Gérando et de la rue de Dunkerque que j'ai découvert ses 8 numéros de la rare Presqu'île qui ne nous pas encore livré tout ses secrets, n'en doutons-pas. Merci à Monik.

Dans Livrenblog : extraits d'un article de Pierre de Régnier sur La Revue Nègre.

Bibliographies de revues dans Livrenblog :

Revue L'Image, bibliographie complète et illustrée.
Bibliographie de la revue Le Beffroi (1ère partie), (2e partie), (3e partie), (4e partie).
Bibliographie illustrée et complète du journal Le Pierrot (1ère partie), (2e partie), (3e partie), (4e partie).
La revue Palladienne de 1 à 10
.
Les Contemporains A. Le Petit F. Champsaur.
La Revue des Lettres et des Arts 1867-1868.
La revue Matines. 1897-1898.
Le Bambou, Bibliographie illustrée.

Le Carillon.
1893-1894
La Revue d'Art. 1896-1897.
Les Gerbes. Revue littéraire bimensuelle. 1905 - 1906.
Le Feu, Marseille, 1905-1906.

La Rose Rouge, 1919. Cendrars, Salmon, Carco.
La Revue Contemporaine, Lille. 1900 - 1902
Le Thyrse. 1897.
La Cité d'Art et L'Art et l'Action. 1898 - 1899.
L'Idée Moderne 1894-1895.

Le Nouvel Echo 1892-1894.
La Poésie Moderne, 1882.

La Pléiade. 1886 et 1889.
La Basoche 1884-1886.
L'Aube Méridionale 1898-1899.
L'Élan littéraire 1885-1886.


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