mercredi 14 avril 2010

Paul FORT, un jeune prince


Paul Fort, Prince des poètes


Eh bien, c'est là, c'est à Recloses, que j'appris la mort du bon maître admiré, chéri de tous, notre prince Léon Dierx, et qu'un peu plus tard je sus par Marguerite repentante qu'il me fallait tout de suite retourner à Paris, que certain fait allait s'y passer quasiment en ma faveur. Je rentrai à la capitale des arts : Mont parnasse. Et c'est à la Closerie des Lilas, derrière le sabre brandi du Maréchal Ney, que l'on m'annonça, par un doux crépuscule, étant au milieu de mes amis, mon élection au titre de P. d. P. (entendez par là prince des Poètes). Jugements des humains, vous êtes impénétrables ! Les votes avaient été réunis par Comœdia, Gil Blas, un autre journal et la Phalange du cher Royère. Le Figaro s'en était mêlé. Frédéric Mistral, disait-on, m'avait accordé son vote impérial, en même temps qu'il écrivait sur mes « Ballades » son premier article en français, ce qui m'attira les foudres jalouses du Midi, Bourges, Maeterlinck, Merrill, Tailhade, Saint-Pol-Roux, Vielé-Griffin m'avaient donné leur voix. Le vote de ce grand poète, Francis Vielé-Griffin, particulièrement me toucha. Outre qu'il était mon ami de toujours, mon conseiller bienveillant dans toutes mes entreprises, je tenais et je tiens encore son oeuvre si pure, si fraîche, si près de notre folklore et si profonde souvent pour l'un des monuments lyriques qui font le plus honneur au langage français. La Chevauchée d'Yeldis, Wieland, Thrène sur la mort de Mallarmé sont des chefs-d'œuvre. - Enfin, très généreusement, votèrent pour moi Sébastien-Charles Lecomte, président alors de la « Société des Poètes Français » (qui entraîna tous les membres de cette Société dans le même mouvement), et une ribambelle de bardes, de bons bardes, je les trouvais excellents, que l'on connaissait à Paris et en Province sous le nom de Loups.
Georges Pioch, très humain poète, mon vieil ami, faisait campagne dans les journaux avec Alain-Fournier, Divoire, Pellerin, Canudo, pour son compagnon de la rue Boissonade ; et voire, ils obtenaient bon nombre d'acquiescements à ma fortune.
J'avais interdit à la Closerie le vote en ma faveur. Mais bonne quantité de mes amis passèrent outre, non tous, bien naturellement. Le pot de fleurs qui me tombait sur la tête, plutôt qu'une couronne, m'écrasait-il ? Eh ! Non, zut ! Après tout ! Je me portais à ravir et j'étais content. - Que voulait-on ? Un prince jeune ? On l'eut.



Paul Fort : Mes Mémoires, autre extrait sur Livrenblog.


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