Le Scapin fut publié de décembre 1885 à août 1886 (1e serie), septembre 1886 à décembre 1886 (2e serie), il est souvent considéré comme le "grand-père" du Mercure de France, la Pléiade en étant le père.
Le programme de cette jeune revue, article de tête du n° 1, affirme la volonté de la génération littéraire nouvelle de tout bousculer, se voulant, avant toute théorie littéraire, libre.
Parmi les signatures, outre son directeur Alfred Valette, on trouve de futurs collaborateurs du Mercure de France, Louis Le Cardonnel, Edouard Dubus, Louis Dumur, Jean Court, Samain, Rachilde, mais aussi Charles Cros, Georges Auriol, Fernand Icres, Alfred Poussin, ou Léo d'Orfer.
Le numéro 1 du Scapin daté du Mardi 1er décembre 1885 avait pour directeur Emile-Georges Raymond, pour rédacteur en chef Saint-Gérac, le dépot de vente et les abonnements étaient confiés à Edouard Dubus, éditeur, 45 rue Jacob (1).
En Scène
Nous n'avons ni haine, ni parti pris en entrant en scène, nous n'avons ni colères à assouvir, ni admirations voulues à octroyer, libres nous sommes, libres nous resterons dans nos appréciations et nos critiques, mettant notre orgueil dans la sincérité.
Nous n'avons pas de programme à écrire, d'abord parce que les programmes sont faits pour être violés comme les constitutions et les femmes ; ensuite, parce que notre programme à nous, c'est l'anarchie littéraire.
Arrière donc les rengaines traditionnelles et plates ! Arrière les tartines indigestes ! arrière les déclarations officielles et flasques ! Point n'est besoin de nous tracer une ligne de conduite ; encore une fois, nous la violerions !
Ce que nous voulons, c'est dodeliner, si bon nous semble, c'est barytonner, s'il nous plaît ; c'est avoir notre franc-parler et notre franc rire ; c'est rosser dans notre sac les gerontes de la littérature, ces raseurs sinistres qui nous envahissent ; c'est crier : Gare à ces fabricants de rengaines lymphatiques, gare aux pompiers, gare aux Ohnet !
Notre programme, c'est la réaction contre la prudhommie graisseuse, c'est la guerre à l'engourdissement stérile de tous ces pîtres qui bedonnent ; nous avons assez de ces "penseurs" sans idées, de ces scribes à l'aune, assez de ces chairs molles et sans consistance ; ce que nous voulons c'est de la moelle et des muscles, et des nerfs, s'il se peut !
Si nous recevons des coups, nous les rendrons, soyez sûrs. Notre devise est dent pour dent, oeil pour oeil.
Place donc à ceux qui vibrent, place à l'hystérie, place à la névrose !
SAINT-GERAC
(1) Le café de la Mère Clarisse, où se réunissaient les futurs fondateurs du Mercure de France, était situé dans cette même rue.
Pour compléter le billet sur Les Décadents d'Ephraïm Mikhaël, on trouvera sur le blog de Mikaël Lugan, Les Fééries Intérieures, une présentation de la revue La Jeune France et notamment du n° 87 dont est extrait cet article.
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