mardi 30 novembre 2010

Dernière liste d'autographes de William Théry



Dans la dernière liste d'autographes de William Théry :

3 lettres de Paul-Napoléon Roinard à A.-M. Gossez à propos d'une conférence qui va lui être consacré à Rouen en janvier 1910, de manuscrits égarés (« notamment un roman de treize mille lignes, Don Quichotte de Montmartre déposé en 1888 au Gil-Blas et qui jamais ne me fut rendu. M. Lucien Guitry a depuis cinq ans le manuscrit de la Légende Rouge que je lui avais adressé en recommandé et dont je ne reçus jamais de nouvelles. ») et d'un portrait.

21 lettres d'Henri Strentz à Léon Deffoux entre 1914 et 1935. (Mon état d’âme est le vôtre ; dans le marécage de mon cerveau coassent les grenouilles noires de l’ennui et de l’imbécillité. […] Ah ! nous nous en souviendrons de cette planète ! comme disait Villiers, qui cependant n’avait pas des raisons aussi absolues à gémir sur son époque. »… [16 mars 1916] « Fagus, ces jours derniers, en permission, est venu dîner avec moi ; il est bien portant et rempli d’une confiance débordante et attend avènement de son roi ; pour l’instant il tresse des gabins et bûcheronne aux environs de Clermont. »… [13 novembre 1916] « Je n’ai pas précisément assisté au banquet Philéas Lebesgue. Vingt cinq francs par tête ! c’est vraiment se moquer des anciens riches. Je suis arrivé à l’heure du cigare, à ce déjeuner qui était un dîner, en plein discours de Psichari qui présidait et qui s’empêtra si bien dans son discours sur la Grèce […] qu’il en entrava la digestion de la plupart des auditeurs. »… (s.d.) « Le monument de notre cher Roinard est enfin terminé ; il sera inauguré dans les premiers beaux jours. » (28 décembre 1934.)

1 lettre de Valentine de Saint-Point à Gustave Kahn

1 dessin original à l'encre et au crayon bleu de Jehan Rictus.

1 poème autographe et une lettre (sur le Goncourt de 1932) de Rachilde.

1 lettre de Charles-Louis Phillippe à Edouard Ducoté (Il lui demande de lui envoyer au plus tôt sa cotisation pour la publication du livre de son ami Lucien Jean. Joint : 1 lettre de Lucien Jean à Pierre de Querlon : A propos de sa collaboration à l’Ermitage : « … j’ai peu de liberté pour travailler (ce qui m’est pénible !). [Il était commis ou gratte-papier dans une administration] Enfin j’ai achevé quelques pages que je vous adresse. Si elles vous plaisent, je vous en offrirai quelques autres pour un numéro ultérieur, dans le courant de l’année. »…─ Au verso : LAS de Pierre de Querlon à Ducoté : « J’ai envoyé leurs épreuves à Gide 7, Miomandre 9, Davray 13, Mary 7. Je vous envoie un manuscrit de Lucien Jean. » )

1 carte pneumatique de Catulle Mendès à Gustave Kahn à propos de Sarah Bernhardt.

1 manuscrit autographe de Camille Mauclair : réponse à une enquête (1927).

1 lettre d'excuse sous forme de poème autographe d'Henry Céard :

« A vouloir châtier autrui
C’est son châtiment que l’on trouve.
Cette morale n’est pas neuve.
Une fois de plus, aujourd’hui,
Pour mon compte, j’en fais l’épreuve. »


70 numéros dans cette liste où vous retrouverez, entre autres, des lettres d'Yvette Guilbert, Edgar Varèse, Tristan Tzara, A. Roland de Renéville, Caroline Otero, Henry de Montherlant, Milosz, Gaston Leroux, Georges Auriol, Marcel Aymé, etc.

La prochaine liste sera "essentiellement consacrée à Lucien Descaves, à Léon Deffoux et à leurs correspondants, parmi lesquels P. Delesalle, P. Dufaÿ, Fagus, L. Hennique, H. Kistemaeckers, Ch. Malato, Séverine On y trouvera aussi des documents sur la Commune de Paris, une courte période historique qui aura été à la fois pour Lucien Descaves une source d’inspiration et l’objet d’incessantes recherches."

Librairie William Théry
1 bis, place du Donjon
28800 - Alluyes
Tél. 02 37 47 35 63
E.mail : williamthery@wanadoo.fr




lundi 29 novembre 2010

Mallarmé : Autobiographie, lettre à Verlaine.



Dernièrement sur le blog qu'ils consacrent au poète Fagus, nos amis de Cynthia 3000, ont publié la lettre autobiographique, recopiée par Fagus dans les archives de la librairie Vanier, que Stéphane Mallarmé envoya à Verlaine afin de lui permettre de rédiger la notice qu'il lui consacra dans les Hommes d'Aujourd'hui (Notes inédites sur Stéphane Mallarmé).
Ce matin, miracle de la chine, je tombe sur la première édition, en fac similé, de cette lettre. Il m'a semblé intéressant d'en donner la version autographe.












Stéphane Mallarmé : Autobiographie. Lettre à Verlaine. Avant-dire du Dr Edmond Bonniot. Albert Messein, éditeur. Paris, 1924, 21,5 x 29 cm. Couverture rempliée, 24 pages. Fac similé autographe.
1 Japon hors commerce. 15 Chine hors commerce. 50 Chine numérotés de 1 à 50. 1000 sur pur fil Lafuma numérotés de 51 à 1050.


Mallarmé dans Livrenblog : La Dernière Mode de Mallarmé. Mauclair, Mallarmé et les Ballets Russes. Souvenirs sur Mallarmé par Victor Margueritte. Léopold Dauphin, Mallarmé, Madeleine Legrand, dans L'Aube Méridionale. Dr Ed. Bonniot : Notes sur les Mardis.

Fagus dans Livrenblog : Fagus : Picasso 1901. Albert Samain par Fagus. Opinions sur Gauguin. Durio, Bocquet, Maillol, etc. Exposition Lévy-Dhurmer par Fagus.



dimanche 28 novembre 2010

Ça Ira ! N° 5 et 6



Trouvé ce samedi deux numéros de la revue belge Ça Ira ! que je m'empresse de décrire.

Ça Ira ! Revue mensuelle d'art et de critique. N° 1 (Avril 1920) - N° 20 (Janvier 1923). Administration-Rédaction : 61, Hofstraat, Eeckeren. 21,5 x 27,3 cm. [Reprint Ça Ira!. Collection complète 1920-1923 (Éditions Jacques Antoine : Bruxelles 1973)].


N° 5, août 1920

Couverture illustrée d'une oeuvre de Floris Jespers. Nico Buntt : Quelques directions. Clément Pansaers : Aseptique noyade pour Amateurs Programmatiques. Paul Neuhuys : Un Névropathe. Willy Koninckx : Trois poèmes. Paul Neuhuys : Soir de Bal. Georges Marlier : Un album de Floris Jespers. Paul van Ostayen : Fête japonaise (commentaire d'une lino de Floris Jespers). Paul Neuhuys : Orage. Willy Koninckx : Une lettre d'Usbek à son Eunuque noir. Notules : Les Eperons d'or. W. K., J. N., P. N. : Les Livres. Léon Franc : Chronique de Provence. Quelques Livres. Revue des Revues. Echos. 2 dessins de Paul Joosten in texte. 1 lino de Floris Jespers hors-texte (Fête japonaise).


Floris Jespers





N° 6, septembre 1920

Paul Colin : La Dictature de l'événement. Paul Neuhuys : Ambiance. Han Ryner : Un livre à aimer [Le Livre de la Grâce de P.-J. Jouve]. Charles Plisnier : Suie et pluie. Jean Karol : Campagne carnavalesque. Georges Marlier : Paul Joostens. Notules : W. Koninckx : Les Livres. Echos. Lettre d'un bourgeois rétrograde. Joint 1 dessin de Paul Joostens, Le Révolutionnaire.




Voir : le blog de la fondation Ça Ira ! qui "se propose de stimuler et de publier des recherches concernant

* le rôle et l’influence du groupe Ça ira dans les années vingt du XXème siècle, et leurs prolongements ;
* l’interaction en Belgique entre les foyers d’avant-garde francophones et néerlandophones ;
* les activités éditoriales de Ça ira de 1920 à 1984.

Elle se propose également de rééditer l’œuvre, quasi introuvable, de Paul Neuhuys, y compris les inédits, ainsi que des ouvrages originaux le concernant, lui et d’autres auteurs édités par Ça ira."

Sur le site de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique : "La revue Ça ira entre communisme et dadaïsme" / communication de Georges-Henri Dumont à la séance mensuelle du 8 avril 2000.

Sur le site de COnTEXTES. Revue de sociologie de la littérature : Daphné de Marneffe "Le réseau des petites revues littéraires belges, modernistes et d’avant-garde, du début des années 1920. Construction d’un modèle et proposition de schématisation", L’étude des revues littéraires en Belgique / De studie van literaire tijdschriften in België N° 4 (Octobre 2008).



samedi 27 novembre 2010

Lory-Dabo : Tueur de gueuses. Extrait (2)


Feuilleton.

Confession de l'assassin (2)


III

« C'est dans un grand dîner chez les Saint-Claude que germa pour la première fois dans mon cerveau le terrible projet de chercher dans l'assassinat les revenus que me mesuraient si parcimonieusement les cartes. J'en suis redevable à Roger Verneuil, un brave garçon pas très fort, qui serait bien étonné d'apprendre qu'il est responsable des drames dont Paris a été tout affolé ces derniers temps. Ne voilà-t-il pas ce grand dadais qui, pour donner des frissons aux dames, s'amuse à soutenir ce paradoxe que « rien n'est plus beau qu'un beau crime. »

« Paradoxe, disais-je moi-même à cette époque. Vérité, je le proclame aujourd'hui. C'est à faire frémir les honnêtes gens ; mais pourquoi le beau n'existerait-il pas dans le mal comme dans le bien, dans le crime comme dans l'art ? Faut-il une imagination moins riche pour inventer les éléments d'un attentat, que les péripéties d'une épopée, et moins d'habileté pour les combiner ? Il faut de l'harmonie dans une oeuvre d'art ; un rien qui ne rentre pas dans l'ordre général, un rien qui dépasse, pour ainsi dire, l'alignement, choque, dépare l'ensemble et empêche cette oeuvre d'atteindre au beau. Combien n'en faut-il pas dans un crime ? Tout y doit être coordonné dans la plus parfaite mesure, tout préparé, tout prévu ; car une vétille, un point minime négligé, suffisent à ruiner toute l'entreprise. Ainsi, dans un tableau, d'un coup de pinceau en trop ou en moins. Mais je me fais pitié de comparer le crime à toutes ces inventions d'un génie impuissant à vivifier ses créations ! Son rêve est de donner la vie, et il n'en fera jamais autre chose qu'un rêve. Moi, j'ai rêvé de l'ôter, et du premier coup j'ai réalisé mon idéal.

« Tuer pour tuer, non ! C'est la loi des fauves. Mais tuer pour se procurer des jouissances inconnues, tuer dans l'ombre et le mystère, sans que nul arrive jamais à les pénétrer ; jouir de l'effarement universel que l'on soulève dans l'impassibilité de sa volonté, dans la quiétude de sa force ; voir les hommes terrifiés et fatalement impuissants à retrouver l'auteur de leurs épouvantes ; et soi-même – ah ! Voilà la sensation suprême ! - recevoir les témoignages multipliés de leur estime et de leur amitié ; tous les jours, mettre dans leurs mains loyales sa main fumante encore de sang ; être traité toujours comme le plus honnête entre tous ; se savoir – seul sur terre – un monstre de cruauté et d'ignominie, et se moquer, au plus intime de soi, de la sottise humaine – voilà mon lot. Eh ! Quoi ! Tant de siècles écoulés, de civilisation et de progrès, et c'est assez qu'un monsieur quelconque se plaise à semer la mort autour de lui pour que progrès et civilisation ne servent plus de rien, et s'inclinent, annihilés, devant cette petite et infime volonté d'assassin, isolée au milieu de l'auguste chose qu'on nomme la Société, et qu'elle nargue ! Quelle mince idée cela vous donne de l'humanité, et comme cela me remplit d'orgueil – orgueil infernal et satanique, qui me soutient, me fortifie, et sans lequel l'horreur de ma tâche m'aurais depuis longtemps écrasé.

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« Voilà que je m'emballe. Si jamais ces lignes tombaient sous les yeux d'un brave citoyen, ce qu'il aurait de cheveux se hérisserait sur sa tête. Il ne se douterait pas, peut-être, que privé d'une semblable théorie, je serais la proie du remords, et qu'en l'ayant toujours présente à l'esprit, j'espère échapper toujours à ce châtiment des criminels. Je me grise, je me saoule d'orgueil, et le reste n'est plus rien.

« Mais je reviens à mes moutons, moi le héros de l'abattoir. C'est donc cet imbécile de Verneuil qui me mit en tête toutes ces idées de carnages. Vagues d'abord, elles se précisèrent petit à petit. L'une après l'autre, mes répugnances de la première heure disparaissaient. Placé entre le travail et une vie modeste, ou la continuation de mon existence de luxe et de plaisirs, je n'eus pas de longue hésitation : j'écartai de suite la première hypothèse. Et j'admis la possibilité de devenir un assassin, plus facilement que je n'avais admis, deux ans auparavant, celle de devenir voleur.

« De là à chercher les moyens d'en tirer le plus de profits, en courant le moins de risques, il n'y avait pas même l'épaisseur d'un préjugé. A quoi bon décrire comment j'arrivai à me créer, logiquement, un « type d'assassinat » ? On le devine aisément, étant donné mon état d'esprit.

« Bref, il devint évident pour moi que je devais choisir mes victimes dans une classe peu estimée ; l'émotion causée par leur disparition serait moins grande, et les regrets qu'elles devaient laisser après elles, moins vifs. (Quelle philanthropie, n'est-ce pas ! Je ne voulais pas faire trop de malheureux). De plus, il me les fallait riches, d'une richesse sur laquelle le premier venu put mettre la main ; car autrement, pourquoi les tuer ? Enfin, il était indispensable qu'elles fussent dans une condition, qu'elles s'agitassent dans un milieu propres à favoriser un crime et à en assurer le mystère.

« Où trouver toutes ces circonstances réunies, sinon chez les femmes galantes ? Elles étaient bien mon champ d'études... Mais elles me trouveraient moins gai que Brantôme.

« Universellement méprisées – et davantage par ceux qui se servent d'elles ; généralement sans parents ou retranchées de leur famille, comme des membres pourris, - ce qui reviens au même, - leur mort, si tragique soit-elle, ne provoque qu'un émoi passager pour les indifférents, qu'un chagrin tempéré chez les autres. Riches, cinq sur mille le sont (c'était assez pour moi) ; mais celles-là le sont bien. Toujours avares, car, « dans cette partie », les avides et les économes seules font fortune, elles accumulent près d'elles, le plus près possible, les gages précieux de leur prospérité. Leur avoir consiste en bijoux – dont elles se parent comme des châsses, pour exciter le dépit des chères camarades – en billets de banque, en or et en titres au porteur. (J'ai remarqué que les Ville de Paris sont très courues dans le demi-monde). Enfin, elles ont les relations les plus étendues, les plus distendues ; leur intimité s'ouvre à tout venant, et la valetaille qui les entoure est précisément payée pour ne rien voir, ne rien entendre et surtout ne rien dire.

« Tout cela était parfaitement raisonné ; dès lors ces malheureuses étaient vouées à mes coups. Je me suis toujours très bien trouvé du raisonnement ; et je suis certain de lui être redevable de mon impunité. »

Confession de l'assassin (1). (3). La Tuerie de l'Avenue Montaigne (1).

A suivre....



vendredi 26 novembre 2010

Le Théâtre d'Oscar Wilde par Canudo


Le Théâtre d'Oscar Wilde


L'étrange poème en prose que Wilde composa sous le titre Salomé, est connu du public français depuis qu'il fut écrit. En 1893, le singulier écrivain, dont raffolaient la haute société londonienne et la jeune littérature française du temps, se plut à esquisser en français une petite symphonie parlée consacrée à la fille d'Hérodiade, princesse de Judée. C'était l'époque littéraire inquiète, trouble mais belle, où les poètes s'efforçaient à des recherches verbales, à des attitudes de pensée, à des orientations nouvelles du sentiment dépourvu de tout pathétique facile. Ils voulaient dresser contre le tonnerre du romantisme de l'avant-dernière génération, contre le vent matinal, léger et froid, du néo-classicisme parnassien, contre l'orage aveugle et aveuglant du naturalisme contemporain, la finesse pensive d'une poésie toute de préoccupations verbales et sentimentales suraiguës. Les peintres pré-raphaélites anglais avaient indiqué la voie aux générations littéraires et musicales suivantes. Dans l'histoire de la sensibilité artistique artistique moderne, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, les Symbolistes et le musicien Claude Debussy, appartiennent à cette petite phalange des précurseurs de notre esthétique renouvelée. Oscar Wilde passa à travers les cénacles anglais et français, s'enrichissant d'une double culture, affinant prodigieusement, en France, où il vécut longtemps, et où il devait mourir pauvre et solitaire, son génie d 'analyse et de construction, et créant tout autour de lui cette atmosphère particulière d' « esthétisme » artistique et moral, qui fut très féconde.

Oscar Wilde était un révolté, avant tout et surtout. Il l'était volontairement, avec une opiniâtreté anglaise qui renforçaient et facilitaient ses relations continues avec nos écrivains les plus nouveaux et les plus intéressants. Il était un révolté d'une singulière envergure, et, on ne le fut jamais avec plus d'aisance et d'esprit. Toutes ses attitudes, qui apparurent et se nommèrent paradoxales, n'étaient en réalité que des cris de révolte contre toute la société, prise en bloc dans son esthétique et dans sa morale.

Toutes les pages du roman de Dorian Gray, cet hymne en prose à la beauté mâle physique et cérébrale inquiète et raffinée, qui renouvelle le culte de l'Adonis antique le transposant en perfection dans les temps présents, sont parcourues par un souffle véhément de révolte. Et tout le théâtre d'Oscar Wilde n'est qu'une accusation individuelle et collective, amusée et féroce, souriante et implacable.

Oscar Wilde semble avoir développé dans ses œuvres dramatiques ce principe posé par lui-même dans son étude La Vérité du Masque : « Une grande œuvre dramatique ne doit pas se borner à exprimer la passion moderne au moyen seulement de l'acteur ; elle doit nous être présentée dans la forme qui convient le mieux à l'esprit moderne. » Les comédies et les drames de Wilde répondent généreusement à cette préoccupation. L'esprit y est moderne, totalement moderne, dans le sens le plus complexe du mot, alors même que la conception théâtrale de l'auteur y apparaît quelque peu surannée. C'est que la sensibilité extraordinaire de Wilde le rendait attentif à toutes les voix, celles du passé comme celle du présent. Il ne devina rien. Il ne fut point un prophète, il se défendit d'être un apôtre. Mais il subit, et souvent il pâtit, toutes les influences, classiques, romantiques et contemporaines. Il les reniait, tout en les canalisant selon la norme que son esthétisme intransigeant lui imposait, et imposait à ceux qu'il charmait irrésistiblement. Sa nouveauté était dans l'expression. L'outil était, entre ses mains, d'une perfection neuve étonnante. C'est ainsi que dans les deux drames Véra ou les Nihilistes et la Duchesse de Padoue, qui datent de 1891, la « construction » romantique est évidente, quoique à chaque moment atténuée et ennoblie par l'expression verbale, par l'enchaînement musical du dialogue qui n'est pas sans rappeler celui du Politien d'Edgar Poë. Lady Windemere's fan et A Woman of no importance datent de l'année suivante. Ce ne sont pas des comédies, et ce ne sont pas des drames. Ce sont de purs essais psychologiques d'une acuité très douloureuse. Le dédain de tout pathétique n'empêche pas l'émotion de se répandre dans l'atmosphère dramatique créée par l'auteur ; il ne fait que la rendre plus intense, parce que plus contenue. Nous la ressentons avec une violence profonde au milieu de la société britannique qui évolue autour de lady Hunstanton, dans une Une femme sans importance, et d'où s'élèvent vastes et terribles la silhouette cruelle de lord Illingworth, le séducteur sans crainte ni remords, et la silhouette tragique de mistress Arbuthnot, la « femme sans importance » qui est d'une beauté orgueilleuse digne des plus fières héroïnes antiques. Mistress Arbuthnot rappelle de près la Lalagé de Poë, l'inoubliable courtisane délaissée, si exquise de douleur résignée. On dit d'elle ce que La lagé pouvait dire d'elle-même : « Elle souffrira toujours. Pour elle, plus de joie, plus de paix, plus de pardon. C'est une femme qui porte un masque comme une créature frappée par la lèpre. » Une héroïne volontaire et hautaine, est encore cette admirable Mme Erlynne, qui ramasse l'éventail de lady Windemere, sa fille – qui ne la connaît pas et la dédaigne – comme la seule chose précieuse qu'elle soit digne de prendre à son enfant.

Lorsque l'Eventail de lady Windemere fut joué pour la première fois à Londres, le 20 février 1892, sur la scène du Saint-James Theatre, Oscar Wilde n'était pas encore l'amoraliste irréductible qui dominait d'un grand rire la société londonienne fouettée par lui sans rémission. « Jamais, écrivit-on, une première représentation n'eût un public moins élégamment habillé. » Mais une élite de la bohème des arts fit un triomphe à la pièce. Et depuis lors, le dramaturge, arbitre de toutes les élégances, depuis celle de la causerie savante jusqu'à celle de l'habillement, connut à tel point l'ivresse du succès, qu'il s'en fatigua, il porta dès lors en lui la nostalgie des empereurs « puissants et solitaires » comme le Moïse de Vigny, de Tibère, qui exaspéra son esthétisme sensuel jusqu'aux fêtes cruelles de Capri, ou de Néron qui exaspéra son esthétisme sanguinaire jusqu'à l'incendie de Rome... Ce ne fut pas un simple amour du paradoxe et de l'attitude paradoxale, ainsi qu'on s'est plu à le répéter, qui poussa Oscar Wilde à désirer, à chérir le scandale de sa fin, à le provoquer même avec le procès par lui intenté au marquis de Queensburg, et qui devait aboutir à sa mort civile, en 1895, cinq ans avant sa mort navrante dans un hôtel indigne de la rue des Beaux-Arts. C'était la lassitude du succès, le besoin éperdu des renouvellements. On connait son arrogance souriante devant les juges qui s'efforçaient de le sauver, et qu'il s'efforçait d'agacer et d'indisposer souverainement. Et ce ne fut point, certes, pour affirmer que dans une société idéale le « style » de l'expression humaine est au-dessus de toute la « morale » des rapports entre les hommes, qu'il répondit à la question du juge par laquelle on lui demandait, s'il reconnaissait comme immorale une oeuvre qu'on lui attribuait à faux : « Elle est pire ; elle est mal écrite ! »

Même dans ses plus faibles pièces, An ideal Husband, et The importance of Being Earnest, représentées en janvier et février 1895, les admirateurs de l'écrivain sentirent l'inquiétude irrémédiable qui rongeait son esprit perpétuellement insatisfait. La catastrosphe de toute sa vie, sa condamnation, fut saluée comme une libération par le poète-esthète que la bonne société d'Outre-Manche n'osait plus désigner par son nom, mais par un pronom : He (lui).

On a perfectionné sa manière de concevoir l'œuvre théâtrale qui fut influencée par le théâtre français de son temps ; mais on n'a pu réaliser jusqu'ici, sur la scène, une œuvre psychologique aussi puissante et diverse que celle de ses pièces. « Hugo est le père du romantisme et Zola en est l'enfant terrible », écrivit-il. Wilde, de son côté, fut l'ami de la maison romantique, un ami indiscret, railleur, qui bouleversa tout, renouvela le mobilier, brisa les vieux tableaux pendus au mur, mais qui demeura quand même dans la maison.

Le jour où il en sortit tout à fait, en claquant les portes, il écrivit Salomé.

Oscar O'Flahertie Wills Wilde, l'étudiant turbulent et génial de Dublin et d'Oxford, couronné poète par le consentement de l'élite alors qu'il était encore adolescent et qu'il donnait, en 1881, le recueil Poems, résumait enfin dans un chef-d'œuvre toutes les tendances de son art volontaire. La seule école littéraire existant de par le monde, était l'école française Symboliste. Oscar wilde lui fit le don de son génie, et Salomé fut écrite en français. Lord Alfred Douglas, l'ami fatal, la traduisit en anglais l'année suivante, en 1894, et la publia à Londres dans une magnifique édition que Aubrey Beardsley orna de dix illustrations.

Ainsi que dans l'Eventail de Lady Windemere le motif de l'éventail prend dans l'oeuvre la place enchaînée d'un motif musical dans une partition ; dans Salomé deux thèmes principaux, celui de la beauté de Salomé et celui de la bouche de Iokanaan, sont posés et développés avec des procédés littéraires sommairement empruntés à la musique. Le thème de Salomé est immédiatement annoncé par le jeune Syrien : « Comme la princesse Salomé est belle ce soir ! » Et toute la tragédie évolue symphoniquement à la suite de ce thème, sur lequel se greffent d'autres motifs angoissants et significatifs ; celui de la lune et celui du sang, de la lune pâle qui effraie le jeune page au début de la « partition » tragique, et épouvante ensuite, devenue écarlate, l'inquiet Tétrarque.

« Salomé, Salomé, dansez pour moi. Je vous supplie de danser pour moi. Ce soir je suis triste. Oui, je suis triste ce soir. Quand je suis entré ici, j'ai glissé dans le sang... »

Vers le milieu de la tragédie, apparaît le thème terrible et mortel de la bouche. Après la scène si neuve de la séduction féminine, de l'incantation charnelle qui glisse, sans même l'effleurer, autour du saint, et se perd au-delà de l'horizon nocturne chargé de sensualité et de cruauté, Salomé crie sa volonté inévitable : « Je baiserai ta bouche, Iokanaan ! » Elle avait supplié : « Ta bouche est comme une branche de corail que des pêcheurs ont trouvé dans le crépuscule de la mer et qu'ils réservent pour les rois ! » Elle répète, frénétique, jusqu'à l'instant où elle va assouvir enfin sa furieuse convoitise sur les lèvres du saint décapité : « Je baiserai ta bouche, Iokanaan ! » Puis elle s'écrie : « Ah ! J'ai baisé ta bouche, Iokanaan, j'ai baisé ta bouche. Il y avait une âcre saveur sur tes lèvres. Est-ce la saveur du sang ?... Mais peut-être est-ce la saveur de l'amour... »

La tragédie se complète et s'achève sur le double motif éternel de l'amour et de la mort, que Salomé avait annoncé ainsi : « Ah, pourquoi ne m'as-tu pas regardée, tu m'aurais aimée. Je sais bien que tu m'aurais aimée, et le mystère de l'amour est plus grand que le mystère de la mort. Il ne faut regarder que l'amour. » Mais c'est la mort qu'elle serre entre ses mains tremblantes de désir, et qui la tue.

Le thème du début : « Comme la princesse Salomé est belle ce soir ! » s'était transformé dans la bouche du prophète : « Quelle est cette femme qui me regarde ?... » Il réapparaît, en concluant, dans le commandement du Tétrarque, dans le dernier accord de cette atroce symphonie du Désir : « Tuez cette femme ! »

Et lorsque Oscar Wilde, renié par ses compatriotes, trouvait dans l'élite intellectuelle française des vengeurs nobles et décidés, qui se nommaient Paul Adam, Octave Mirbeau,Henri de Régnier, etc. Salomé était représentée à Paris, pour la première fois, par les soins de M. Lugné-Poë. La gloire d'Oscar Wilde n'a fait que croître, depuis.

Canudo.

jeudi 25 novembre 2010

Lory-Dabo : Tueur de gueuses. Extrait (1)


Feuilleton.

Confession de l'assassin


Quand on a découvert l'auteur du crime de l'avenue Montaigne, on a trouvé sur lui les pages suivantes, d'une écriture fine et serrées.

I

« Le temps est affreux, et je ne me sens pas d'humeur à sortir. Cependant, j'ai promis de paraître à la soirée du duc de Brantès. J'enverrai demain un mot d'excuses, prétextant une migraine. J'y suis d'ailleurs assez sujet : cela m'envahit le cerveau comme des bouffées de sang. Aujourd'hui, je suis bien ; très calme, très reposé, mais assombri, presque triste. Je ferais piètre mine dans le monde. Avec un tempérament de fer et une volonté inébranlable, il y a pourtant des heures où je ne sais quelle mélancolie me prend. Ce n'est pas le remords : je l'ignore. Avant d'entreprendre ce que je fais, j'ai si longuement réfléchi, j'ai si exactement pesé le pour et le contre de mes actes, que j'espère bien ne connaître jamais cette terreur des petits esprits. Si j'avais cru devoir l'éprouver un jour, je me serais écarté de la voie où je suis entré ; car je prétends trouver au bout le bien-être, et j'y aurais alors infailliblement rencontré l'inquiétude et des tourments de chaque instant. Non, je ne regretterai jamais rien ; je me sens invinciblement cuirassé contre le regret.

« Comment alors expliquer ce besoin, qui devient de plus en plus impérieux, de m'entretenir sans cesse avec soi-même de ce passé redoutable et des nouveaux projets que je forme ? Il me faudrait un confident : tout mon être s'élance vers l'épanchement, et je ne puis contenir le flot de pensées et de rêves qui bouillonne au dedans de moi. Mais quel autre confident choisir que moi ? Ce serait la fin de tout, la perte certaine. Fortune, amour, ambitions, je verrais en un moment crouler tout cet échafaudage laborieusement élevé. - Un mot qui se rapproche bien d'« échafaud »... Bah ! Je n'y monterai jamais. Je le laisse à ce pauvre diable de Jean Renaud.

« Je veux écrire mes impressions et l'histoire de ma vie : cela me soulage déjà de les confier à ce papier. C'est assez vulgaire, n'est-ce pas ? Et je m'étonne de ressentir une envie si commune. Tous les jours, les journaux nous apprennent qu'un assassin consacre les loisirs qu'on lui fait à Mazas, à la confection de ses Mémoires. Il y en a qui font des vers et qui s'ingénient à des acrostiches. Et voilà que, moi aussi, je ne résiste pas au désir de raconter mes crimes ! C'est, paraît-il, une loi commune à tous, et je ne l'explique aisément que par cette nécessité de confidence dont je parlais. Nous en avons trop sur le cœur !

« C'est dangereux, ce que je fais là. Si j'étais pris, le moyen de nier, après qu'on m'aurait mis ces lignes sous le nez ? Répondre qu'il n'y a dans ces révélations qu'un essai de littérature, une oeuvre d'imagination, une étude psychologique ? Quel enfantillage ! Mais je suis tranquille : nul au monde ne les lira, car je ne serai jamais inquiété, et s'il était possible que je le fusse, je me garderais de les écrire. Non, encore une fois : la terre peut trembler, l'univers peut disparaître ; je ne puis pas être soupçonné.

Et d'ailleurs, je vais bientôt changer d'existence. Plus qu'un effort, et quand j'aurai épousé ma chère et pure Suzanne, une vie nouvelle s'ouvrira devant moi. Je brûlerai ceci, et j'étoufferai jusqu'au souvenir du passé. J'aurai tant de bonheur, je connaîtrai tant de joies, que mes crimes en seront effacés.

« Je veux laisser courir ma plume sous l'effort de mes pensées ; je veux être tout entier au récit de ma vie. Je ne serai pas dérangé : ma mère repose là-haut ; elle me croit chez le duc. Pauvre chère vieille femme ! Si elle savait !

« John vient de m'apporter tout ce qu'il faut pour confectionner un excellent grog. Je suis installé dans mon grand fauteuil aux armes des Chambléan. Mon cabinet est bien clos ; mon feu de bois pétille gaîment. C'est une installation charmante pour un assassin.

« Je vais écrire jusqu'au jour. »

II

« Je me demande parfois quel mystère entoura ma naissance. Mon père, Hugues-Hector, comte de Chambléan, était le plus parfait honnête homme de la terre. Comment moi, son fils, suis-je tombé à cette profondeur de crime ? Il y a là de quoi dérouter tous les théoriciens de l'atavisme. J'ai dû être conçu en une heure sombre où mes parents étaient sous l'impression de quelque terrible drame. Puisque je vis dans le sang et du sang, et que je m'y plais comme un requin au fond des mers, il faut qu'il y ait du sang autour de mon berceau – ou que la doctrine de l'hérédité soir imaginaire.

« Au fait, ceci ou cela, que m'importe ? La seule chose qui m'intéresse, c'est que je suis un assassin. Mes victimes n'en ont pas cherché plus long ; pourquoi m'y casserais-je la tête ? Mon père était un brave et loyal gentilhomme ; ma mère est une sainte, - et je suis un gredin. Que faut-il de plus ?

« Par quelle succession de transformations morales, par suite de quel travail de mes facultés en suis-je arrivé à ce degré de bassesse, voilà une enquête psychologique dont je me sens tout à fait incapable – comme on dit dans l'opérette. Une chose pourtant dont je suis certain, c'est le cynisme prodigieux que l'habitude prolongée du vol et du meurtre m'a donné. Je pense, avec une entière placidité, à des actes épouvantables, et je me remémore des scènes de carnage dont j'étais l'auteur, sans qu'une fibre tressaille en moi. J'ai commencé par être de boue ; je suis d'airain maintenant ; et – je le constate froidement, avec un certain orgueil, - étranger complètement au remords.

« Quand j'ai perdu mon père – double malheur pour moi, car il m'a lancé sans guide dans la vie – je n'avais pas terminé mes études. J'étais élève d'un lycée où l'on fait surtout des viveurs. Ma mère, n'ayant plus auprès d'elle que son fils unique, me gâtait terriblement. Elle me passait toutes mes fantaisies ; et comme j'étais naturellement paresseux, au lieux de me contraindre au travail, elle me laissa prendre place dans le monde, avant que j'eusse cessé d'être un enfant. J'y contracté, dès l'abord, le dégoût de toute occupation sérieuse, et l'habitude enracinée d'une existence facile, large et désœuvrée. Mon ambition fut d'avoir tout de suite de grands succès dans les salons de toutes les catégories ; et je les eus.

« A vingt-cinq ans, je n'avais plus rien de mon patrimoine, disparu en des orgies insensées. Pourtant, à cet âge là, on n'enraye pas. Je fis suivre le même chemin à la fortune personnelle de ma mère, qui me l'abandonna sans un murmure. Il fallut bien alors, quel que fut mon dépit, réduire un train de maison ruineux. Fort heureusement, le krach survint sur ces entrefaites, et nous permit d'expliquer honorablement en changement de vie dont on se serait à bon droit étonné. On nous crut moins riches : on ne soupçonna pas notre dénuement. Quelques épaves de cet irrémédiable naufrage nous permettaient de faire encore quelque figure ; mais il nous fallait sacrifier tout à l 'apparence. En réalité, c'était la misère, en habit noir et toujours gantée de frais, avec son cortège de dettes et d'humiliations.

« Je n'avais rien retranché de mes relations ; ma première folie fut de continuer àà jouer. A mon cercle, j'avais toujours compté parmi les plus gros pontes et je mettais mon honneur à tailler les plus fortes banques. Rien ne me flattait davantage que de m'entendre appeler « un beau joueur » ; je ne voulus pas déchoir. C'est cette stupide vanité qui est cause de tout.

« Ruiné, je n'avais pas le droit de perdre. Comment toujours gagner ? Je puis me rendre cette unique justice, d'avoir toujours été très logique – et je le suis devenu jusqu'à être implacable. Le raisonnement le plus simple me démontra qu'il fallait à tout prix tricher. Je fus longtemps avant de m'y résoudre.

« Il n'y a dans la voie du crime que le premier pas qui coûte. C'est absolument vrai, car j'ai accompli depuis des actes monstrueux qui m'ont paru bien moins pénibles. J'ai tué trois fois, et j'en ai certainement éprouvé moins d'émotion que de la première banque où je me suis servi d'un jeu préparé. Je sentais qu'aussitôt la première carte jetée, c'en serait fait de moi : je ne pourrais plus revenir en arrière. Je serais entraîné dans un engrenage d'infamies, et je n'effacerais celle-là, qu'en en commettant de nouvelles. Enfin, la visite d'un créancier qui menaçait de la saisie, me décida. Le soir même, Guy de Chambléan était un voleur.

« Vraiment, c'était trop agréable de voir la fortune me sourire sans répit ; mais ce pouvait être dangereux. Je n'avais pas perdu toute prudence. Je ne demandais pas au jeu plus qu'il ne me fallait pour soutenir mon train. Fort souvent je perdais, quitte à me refaire le lendemain. Nul, au Cercle, ne se serait avisé de me croire l'auteur d'une vilenie. Je jouissais de l'estime générale, et j'avais hérités de toutes les sympathies qu'avait laissées mon père. Pourtant un malheureux hasard faillit tout révéler. J'avais dû acheter la complicité d'un garçon de jeu. Cet homme mourut subitement, et l'on trouva dans sa chambre tout l'attirail dont il se servait pour marquer les cartes avec de la gomme. Je me trouvais sur le passage de notre président au moment où il venait de faire cette grave découverte. Il m'en parla, et voulut bien me demander mon avis. Je lui conseillai vivement de ne pas ébruiter la chose, et de surveiller : bien sûr, on n'aurait pas de peine à prendre, sur le fait, le voleur qui ne se douterait de rien. Telle fut la conduite qu'on tint. Mais cela ne faisait pas mon compte, me mettant moi-même dans l'impossibilité de continuer mes exploits. Il fallait absolument un coupable, et son exécution, pour me permettre d'en ressaisir le cours. Je jetai mon dévolu sur un personnage plus ou moins exotique, le marquis de C...i, qu'entourait d'ailleurs une médiocre considération. Je lui glissai dans la poche une portée, préparée comme celles qu'on avait découvertes. Il prit une banque, et abattit neuf trois fois de suite. Je n'en attendais pas davantage pour lui lancer cette apostrophe :

- Votre veine est insolente, marquis.

- Que prétendez-vous dire ?

- C'est assez clair : que vous avez la veine d'un grec.

- Monsieur ! Vous me rendrez raison de cette insulte, et il s'élança vers moi, la main levée.

Je me reculai et lui dis avec un grand calme et beaucoup de dignité :

- Je me battrai avec vous, quand vous m'aurez prouvé que vous n'êtes pas un voleur.

- Moi un voleur !

- Oh repris-je en persiflant, laissez-vous fouiller et je serais bien étonné, - et vous aussi, qu'on ne trouvât pas sur vous quelques portées.

- Me fouiller ? Eh ! Bien, j'y consens. Qu'ais-je à craindre ?

« Il ouvrit sa redingote, et pria l'un des assistants de vérifier qu'elle ne contenait absolument rien. Celui-ci, devant tant d'assurance, refusa d'abord, croyant outrager le marquis ; enfin, sur son insistance, il fit mine de mettre la main dans une des poches de coté. C...i lui prit le poignet pour le forcer à y plonger les doigts. On crut que c'était au contraire pour l'arrêter, car aussitôt notre collègue retira un jeu de cartes, - celui que j'y avais mis. Je renonce à peindre la stupéfaction de C...i. On la crut feinte. Il protesta de son innocence, se déclara victime d'une machination. Personne ne le crut. Il fut chassé ignominieusement du Cercle. On me plaignit beaucoup d'avoir failli me rencontrer sur le terrain avec ce misérable. Le lendemain, fou de honte, il se brûlait la cervelle. Le monde prit cet acte de désespoir pour un aveu. Je ne sais rien de plus sot que le monde.

« A la suite de cette aventure, qui fit un scandale énorme et provoqua une épuration du Cercle, il m'était bien difficile de continuer à violenter le sort aussi assidûment. D'abord il me fallait changer ma manière : car nous étions devenus fort défiants. La coupe ne me rapporta bientôt plus de quoi subvenir à mes besoins. Il était nécessaire de trouver autre chose. Quoi ? J'aurais pu prendre une grande résolution ; me mettre bravement au travail, et chercher à réparer mon crime par une existence sans reproche. L'idée m'en vint, je l'avoue – j'en suis venu à avouer comme chose indigne de moi toute bonne pensée ; - mais j'eus vite raison de cette velléité d'honneur. Aussi bien, j'avais déjà du sang aux mains, celui du pauvre C...i ; il en fallait d'autre par dessus pour le faire disparaître. C'est la force des choses, et l'on n'y résiste pas, quand on n'a de volonté que pour le mal... et qu'un gardien de la paix ne vous prend pas au collet. »

A suivre.... Confession de l'assassin (2). (3). La Tuerie de l'Avenue Montaigne (1).



Mercure de France : Pierre Reverdy


Mercure de France, n° 1181, janvier 1962. Pierre Reverdy (1889-1960).


Quelques repères

Guillaume Apollinaire : Cinq lettres à Pierre Reverdy (1917-1918)
Blaise Cendrars : Sortant de la Nationale... (extrait de Bourlinguer)
Max Jacob : Présentation de Pierre Reverdy à "Lyre et Palette" (décembre 1916)
Adrienne Monnier : Pierre Reverdy en 1917 (Rue de l'Odéon)
Louis Aragon : Notes sur "Les Ardoises du toit" (mai 1918)
S. Laforêt : Tout le monde sait... (mai 1918)
André Malraux : Des origines de la poésie cubiste (janvier 1920)
Maurice Raynal : A propos d' "Étoiles peintes" (juillet 1921)
Stanilas Fumet : La "Poésie plastique" de Pierre Reverdy (mars 1924)
Benjamin Péret : Pierre Reverdy m'a dit... (octobre 1924)
Julien Lanoë : La Poésie de Pierre Reverdy (janvier 1928)
Marcel Raymond : Pierre Reverdy et son influence (De Baudelaire au surréalisme)
Aragon : Chronique du bel canto (janvier 1946)
Pierre Leyris : "Le Livre de mon Bord" (novembre 1949)
René Char : La conversation souveraine ( été 1954)

Hommages de l'étranger

Mario Maurin : Le moment du passage.
Luis Cernuda : Souvenir de Pierre Reverdy.
Max Hölzer : Le cœur du poète.
Odysseus Elytis : Reverdy entre la Grèce et Solesmes.
Octavio Paz : Pause.
Emma Stojkovic-Mazzariol : En marge d'une correspondance.
Bill Berkson et Frank O'Hara : Reverdy.
Ricardo Paseyro : Reverdy l'intranquille.
Georges Spyridaki : Si la poésie moderne...
John Ashbury : Reverdy en Amérique.
Pablo Neruda : Je ne dirai jamais...
Takis Varvitsiotis : Pierre Reverdy ou la fierté du silence.
Kateb Yacine : Un ancêtre en voyage.

Hommages français

Aragon : Un soleil noir s'est couché à Solesmes
Michel Leiris : Reverdy, poète quotidien
Georges Limbour : Lettre
André Masson : Remémoration
Antoine Tudal : Le poète
Marcel Raymond : Lettre
André du Bouchet : Un jour de dégel et de vent
Hugues Panassié : Ce qui frappe et pénètre...
Jacques Dupin : A Pierre Reverdy
Georges Haldas : Une poésie d'hiver
Edmond Jabès : La demeure de Reverdy
Paul Valet : Quand le poète réfléchit à la poésie
Jean Laude : Une leçon de ténèbres
Gabriel Pomerand : Un écrivain classique

Vues critiques

Brassaï : Reverdy dans son labyrinthe
Daniel-Henry Kahnweiler : Reverdy et l'art plastique
Olivier de Magny : Pierre Reverdy et la contradiction poétique
Pascal Pia : Reverdy poète en vers et en prose
Gabriel Bounoure : Pierre Reverdy et sa crise religieuse de 1925-27
Robert Guiette : Notes
Georges Poulet : Reverdy et le mystère des murs
Jean-Pierre Richard : Reverdy entre deux mondes
Pierre Schneider : Le gré du vent
Hubert Juin : Le vertige du réel
Jean-Charles Gaudy : L'humour de Reverdy

Souvenirs et témoignages

Gino Severini : Souvenirs sur Reverdy
Jean Leymarie : Evocation auprès de Braque et Picasso
Pierre Albert-Birot : Mon cher Pierre Reverdy...
Philippe Soupault : L'époque Nord-Sud
Amédée Ozenfant : Reverdy et l'Esprit Nouveau
Stanislas Fumet : Histoire d'une amitié
Alain Lapy : Reverdy vu de Solesmes
Julien Lanoë : Grandeur et misère de la solitude
Jacques Maritain : Mon admiration pour Pierre Reverdy...
Henry Barraud : Reverdy et la musique
René Bertelé : Un poète en vacances
Docteur Sylvain Blondin : Chez Georges Braque, Pierre Reverdy...
René Micha : "Maintenant c'est le temps qui ferme sa porte"
Georges Herment : Quelques paroles de Pierre Reverdy


mercredi 24 novembre 2010

Lory-Dabo : Tueur de gueuses.



Lory-Dabo : Tueur de gueuses. Librairie Française Alphonse Piaget, 1887, in-12, IV-368 pp.
Il est évident que les crimes nombreux dont les femmes de mœurs légères sont les victimes devaient appeler l'attention et emporter l'imagination des romanciers. L'assassinat de la rue Montaigne, le dernier de la série, a particulièrement un côté mystérieux qui permet de se laisser aller aux élucubrations les plus dramatiques en même temps qu'on peut se permettre d'y introduire les péripéties les plus fantaisistes.

Le Tueur de Gueuses, de M. LoryDabo, répond complètement au programme ci-dessus. Ce genre de littérature me paraît du plus mauvais aloi malgré le succès que lui fait un public avide de grosses émotions.

Gaston d'Hailly

Revue des Livres nouveaux 15 janvier 1887, N° 149 pp. 298


Bientôt quelques extraits. I) Confession de l'assassin.


Willy fait de la publicité



Une fois de plus, si l'on en croit le "pour copie non conforme" qui le suit, Willy n'est pas l'auteur de ce texte publicitaire pour les jeux Nadaud.


Caricature de Charles Gir.

Nadaud était une boutique de jouets, située 32, rue du 4 septembre à Paris.

Willy dans Livrenblog : Cyprien Godebski / Willy. Controverse autour de Wagner. Les Académisables : Willy. Une photo de Mina Schrader, esthéte et anarchiste. Willy, Lemice-Terrieux et le Yoghi. Romain Coolus présente quelques amis. Colette, Willy, Missy - Willy, Colette, Missy (bis). Pourquoi j’achète les livres dont personne ne veut ?. Le Chapeau de Willy par Georges Lecomte. Nos Musiciens par Willy et Brunelleschi. Nos Musiciens (suite) par Willy et Brunelleschi. Willy l'Ouvreuse & Lamoureux. Quand ils se battent : Willy et Julien Leclercq. Willy préface pour Solenière par Claudine. La Peur dans l'île. Catulle Mendès. Léo Trézenik et son journal Lutèce. En Bombe avec Willy. Willy Publicité littéraire. Coup de Filet par Les Veber's. Maîtresse d'Esthètes par Papyrus. Quand les Violons sont partis d'Edouard Dubus par Willy. Le Jardin Fleuri. R. de Seyssau par Henry Gauthier-Villars. Un envoi de Willy à Henri Louvion.

Mercure de France : Le Souvenir d'Adrienne Monnier


Mercure de France. N° 1109, 1er janvier 1956. Le Souvenir d'Adrienne Monnier.


Bibliographie d'Adrienne Monnier

Pages Offertes :

Saint-John Perse : Pour Adrienne Monnier.
Pierre Reverdy : Tard dans la vie.
Jacques Prévert : La boutique d'Adrienne
Marianne Moore : Lettre.
Pascal Pia : « Librairie A. Monnier ».
Henri Hoppenot : Une pierre noire.
Siegfried Kracauer : Rue de l'Odéon.
René Char : Au revoir, Mademoiselle.
Jean Schlumberger : Qui était...
Jacques Bacot : Alors que Milarépa...
Jean Amrouche : Adrienne Monnier écrivain.
Alphonso Reyes : Soleil de Monterrey.
André Chamson : Pendant des années...
Jules Supervielle : La jeune doctoresse.
Solange Lemaître : Parler d'Adrienne.
Archibald Macleish : La raison infinie.
Denis de Rougemont : Je vivais en ce temps là...
Henri Michaux : Lieux lointains.
Raymond Schwab : La poésie d'Adrienne Monnier.
Michel Leiris : L'olifant des colubridés.
Jules Romains : Adrienne Monnier.
Marsie Hadjilazaros : Fragments de Pindare.
Guillermo de Torre : Hommage par delà l'océan.
Georges Schehadé : Le rêve de Marguerite.
Stuart Gilbert : Presque trente ans.
Paul Valet : Deux arbres.
Francis Poulenc : Lorsque je suis mélancolique...
Justin O'Brien : Un certain goût.
Henri Pichette : Poème offert par delà le temps.
Arthur Koestler : Un trèfle à quatre feuilles.
XXX : Sollier des Déserts.
Michel Cournot : Reine reinette.
Yves Bonnefois : Veneranda.
Salah Stétié : Image d'Adrienne Monnier.

L'Amie des Livres par Rachilde.

Quelques dates de l'amitié

Paul Claudel : Conférence et lettres.
André Gide : Lettres et billets.
Paul Valéry : Lettres et billets.
Erik Satie : Billets.
Léon -Paul Fargue : Lettres
Extrait d'un article de Jacques Porel.
Valery Larbaud : Lettre.
Extrait d'un article de Marcel Ray
Rainer Maria Rilke : Lettre. Le grand pardon.
James Joyce : Lettres.
Sherwood Anderson : Lettre.
Georges Chennevière : Lettre.
Jean Prévost : Extrait de « Faire le point ».
René Crevel : Lettre.
Léo Ferrero : Extrait de « Paris dernier modèle de l'Occident ».
Walter Benjamin : Lettre.
Antonin Artaud : Lettre.

Ecrits d'Adrienne Monnier

Les Vertus : Fragment de la première partie.

Trois Fableaux : « Homme buvant du vin », « La servante en colère », « Vierge sage ». Eloge du livre pauvre.
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Lire : Adrienne Monnier et la Maison des amis des livres, 1915-1951. textes et documents réunis et présentés par Maurice Imbert et Raphaël Sorin. Paris : IMEC éditions, 1991. - 92p. ; 24cm. ISBN 2-908295-08-3 ; ISSN 1150-3092.

En Ligne : Notice sur Le Navire d'argent, revue dirigée par Adrienne Monnier, sur le site Revues Littéraires.

Le Mercure de France dans Livrenblog : Les Tirages limités du Mercure de France. Première facture, décembre 1889. Blaise Cendrars. Pierre Reverdy. Sylvia Beach.



lundi 22 novembre 2010

Mercure de France : Blaise Cendrars


Je ne suis pas poète. Je suis libertin. Je n'ai aucune de méthode de travail. J'ai un sexe. Je suis par trop sensible. Je ne sais pas parler objectivement de moi-même.
B. C.

Mercure de France. N° 1185. Mai 1962. Blaise Cendrars (1887-1961). in-8, 208 pp.


Des textes.

Blaise Cendrars : Les Pauvres honteux. La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France. Blaise Cendrars et Raymone : « Panama »

Dédicaces :

Ferreira de Castro : L'écrivain et l'homme Cendrars. Paul Gilson : A vous Blaise. Pierre de Massot : Blaise Cendrars le Conquistador. Pierre Seghers : Une lettre.

Au fil d'une vie.

André Beucler : Blaise Cendrars. Nino Frank : Une mort difficile. Florent Fels : Le lansquenet Cendrars. Robert Goffin : Blaise Cendrars. Armand Lanoux : Paradoxe du grand menteur. Guy Le Clec'h : Lecture de Moravagine. Jacques-Henry Lévesque : Sur Blaise Cendrars. Edouard Peisson : Blaise Cendrars à Aix-en-Provence. Georges Piroué : Cendrars et la Suisse. Salvador Reyes : Avec Blaise Cendrars de Saint-Segond à l'Antartide. G. Ribemont-Desaigne : Dans la brume des souvenirs. Philippe Soupault : Enfin, Cendrars vint. Emile Szittya : Logique de la vie contradictoire de Blaise Cendrars. A. T'Serstevens : Cendrars au bras droit.

Confrontations.

Antonio Aniante : Souvenir de Cendrars. Pierre Bertin : Pour Blaise Cendrars. W. A. Bradley : Sur « John Paul Jones » et sur « La vie et la mort du Soldat inconnu ». Sonia Delaunay : « Le Poème ». Robert Doisneau : Cendrars et la banlieue. Nino Frank : Naples et la «Scuola internazionale ». Bernard Fricker : Cendrars et la publicité. Abel Gance : Blaise Cendrars et le cinéma. Marcel Lévesque : C'était en 1918. Darius Milhaud : Cendrars et la musique. Henry Miller : Interview par F.-J. Temple. Guy Tosi : Cendrars et la Tour Eiffel.

Demain.

Paul Andreota. Francis Aumaire. Alain Borne. Jean-Claude Ibert. Raymond Léques. Michel Perrin. Michel Ragon. Jacques Rouré. Robert Sabatier. F.-J. Temple : Blaise Cendrars commence.